b. Les coutumiers

Les coutumiers concernent la liturgie et la vie en communauté. L’existence de coutumiers remonte au monachisme médiéval. Chez les cisterciens ou les chanoines réguliers, les coutumiers adaptaient la règle universelle aux spécificités régionales : la liturgie s’y mêlait au non-cultuel. Dans le domaine de la liturgie, le coutumier est l’équivalent du cérémonial, qui fixe des règles pratiques aux communautés locales. À Penang, les coutumiers servent de référence aux directeurs pour le déroulement de l’année liturgique – ils sont donc chronologiques – mais aussi pour l’usage du refectoire ou de l’infirmerie. Le coutumier est le mémorial de la vie quotidienne à Penang : il a une fonction jurisprudentielle. Les archives en ont conservé quatre360. Le premier, daté de 1859, commence en réalité en 1849, car il contient une copie d’un coutumier qui le précède de dix années. Il s’interrompt en 1891. La décision de tenir un coutumier s’inspirant de celui de 1849 a été prise collégialement :

‘Les 22 août et 5 septembre 1859, le Conseil des Directeurs du séminaire de Pinang a réglé qu’à partir de cette même époque le Secrétaire du Conseil prendrait note des usages et coutumes en vigueur, comme aussi de toute modification ou nouvelle manière de faire dans des cas particuliers à l’effet de former pour le présent et la suite un coutumier régulier et complet. La principale source en sera l’ancien Coutumier commencé en 1849 et basé sur les décisions du Conseil. ’

Ce premier recueil est complété par un deuxième, daté de 1869, fragmentaire et s’étendant sur une période de dix ans. Un troisième est daté de 1939. Enfin, un cahier manuscrit renferme un texte intitulé : « brouillon pour un coutumier », ébauché en 1953. Les thèmes abordés par les coutumiers peuvent être regroupés en quatre principales catégories : la piété, les études, les loisirs, les questions ménagères. Selon les cas, les coutumiers narrent le déroulement des journées :

‘1849, janvier. Circoncision de Notre Seigneur. La promenade d’hier soir dimanche eut lieu à la résidence de Mgr pour lui offrir les vœux de bonne année. Aujourd’hui la messe a été chantée comme les dimanches et suivie de l’étude jusqu’au déjeuner. Il y eut ensuite récréation jusqu’à 9 h, puis étude de 9 h à 10 h ; ensuite récréation jusqu’à 11h ; alors la communauté récita le chapelet et le reste se passa comme aux jours solennels361.’

Ou bien ils fixent des règles :

‘Aux récréations d’après dîner et souper, il est défendu aux élèves de s’asseoir avant une demi-heure révolue. On leur permet le travail d’étude à la condition d’être au nombre de trois. À six heures du soir, ils doivent prendre leur récréation pour le reste de la journée, dans l’intérieur. Il est défendu en tout temps d’aller au jardin des noix, au réfectoire, du côté des cuisines. Défendu d’aller à l’infirmerie. Ils ne doivent pas être moins de trois réunis en récréation362. ’

Les offices y sont décrits avec précision, pour servir de modèle aux successeurs et aussi afin d’être en mesure de rendre des comptes aux supérieurs de Paris ou aux autorités romaines. Le plus souvent, ils indiquent les horaires de la journée, distinguant toujours les jours ordinaires des jours fériés :

‘Les exercices ordinaires pendant les vacances ont été réglés antérieurement par le Conseil des directeurs ainsi qu’il suit :
1° Le lever, la méditation, la messe comme dans les autres temps.
2° Après la messe, récréation jusqu’au déjeuner. Après déjeuner nouvelle récréation jusqu’à 9 h ½ . Seulement il y a travail manuel de 8 h ½ jusqu’à 9 h ½.
3° Étude de 9 h ½ à 10 h ½ puis récréation jusqu’à l’examen.
4° Examens, dîner comme à l’ordinaire puis récréation jusqu’à 3 heures.
5° Alors étude de ¾ d’heure et ¼ d’heure de récréation.
6° 4 h, promenade pendant laquelle on récite le chapelet. La veille du 1er de l’an il n’y a pas de promenade. À 4 heures, bénédiction solennelle du très Saint-Sacrement où on chante le Te Deum.’

Des listes attribuent aux élèves une charge pour la semaine, fixent la place de chacun au dortoir, au réfectoire, à la chapelle :

‘Liste pour le nettoyage le matin du retour. En faisant la liste, remarquer les exempts : Chambristes, lampistes (le lampiste est porté sur la liste ad lampades mais c’est pour le rassemblement des lampes à Mariophile avant le départ et il n’a rien à faire au Collège à l’arrivée). Listes des dortoirs. Dans chaque dortoir, commencer par placer le plus ancien du côté des fenêtres. Place spéciale pour le campanista. Pour faciliter aux élèves le repérage des places, indiquer sur les listes fenestræ, ambulacrum et numéroter les lits. N’afficher ses listes que quand le nettoyage est fini363.’

Ils recèlent, enfin, de multiples évocations très concrètes de la vie quotidienne au Collège :

‘Janvier 1870, 31. Jour de l’An chinois, les élèves n’ont déjeuné qu’à 7 h ½ pour avoir plus de temps pour cuire, ce qui avait déjà eu lieu l’an dernier. Il est bon de noter que l’heure régulière du déjeuner même le Jour de l’An chinois est 7h et que les deux exceptions ci-dessus ne sauraient infirmer la règle générale.
Février 1870, 2 jours de petit congé. Le Conseil a aboli les fabrications de poudres ; les feux d’artifices faits par les élèves exceptés ceux du Tsiang qui a été seul opérateur, tirant des articles de feux achetés au soir des deux jours.’

À la charnière des règlements et des registres de délibération du Conseil, les coutumiers constituent donc, par la précision et la variété de leur contenu, une importante source complémentaire pour l’historien.

Notes
360.

Coutumiers et horaires, manuscrits en français, 1849-1960, archives de Penang, carton n° 3 & 4, CG 013-032.

361.

Copie de l’ancien Coutumier, CG 011.

362.

Extrait du cahier du Conseil (6 mai 1849), conforme à l’ancien coutumier, sauf l’addition des legenda en 1857, CG 014.

363.

Coutumier de 1939, CG 020.