c. Délibération : le Conseil des directeurs

‘« Ils devront avoir un conseil composé de ceux de leurs missionnaires qu’ils croient les plus sages et les plus prudents et le consulter dans les affaires importantes qui regardent le gouvernement de la mission et l’administration des biens communs364. »’

Les Missions Étrangères ne sont pas une congrégation religieuse, mais une société de prêtres. Pour cette raison, ses membres ne prononcent pas de vœux. En 1921, tenue de se mettre en conformité avec le nouveau code de droit canonique, la Société réforma son règlement et institua, non sans de longs et pointilleux débats, l’élection d’un supérieur général, placé à la tête du séminaire de Paris comme de l’ensemble des missions365. Auparavant, la structure hiérarchique à laquelle chaque missionnaire était assujetti se composait ainsi : au sommet, le pape, puis la Propaganda Fide ; ensuite, les vicaires apostoliques (évêques in partibus) et les supérieurs des missions ; enfin, à égalité, le conseil des directeurs du séminaire de Paris :

‘Les directeurs du séminaire des Missions Étrangères à Paris, réunis en conseil, forment une des parties intégrantes et sont un des supérieurs de la Société. C’est ce conseil qui est ordinairement désigné par les mots : séminaire de Paris. Le séminaire est immédiatement soumis, quant au spirituel, à la juridiction de l’Archevêque de Paris366.’

Le séminaire de Paris est défini, dans le règlement de la Société de 1874, comme : « le centre de la société, le fondement commun qui en soutient les diverses parties 367. » Seuls le corps des supérieurs a l’initiative des lois368, mais les décisions concernant le gouvernement général ou particulier de la Société sont prises démocratiquement, selon le principe de la délibération en conseil, puis du vote à la majorité des voix : « En cas de partage égal, le supérieur ou celui qui préside à la délibération a deux voix 369. » La Propaganda Fide a seule le droit de trancher en cas de litige grave, après que toutes les voies de conciliation ont été explorées. Au quotidien, le séminaire de Paris est l’interlocuteur privilégié des missions. C’est pourquoi une part considérable de la correspondance des supérieurs et des directeurs du Collège général lui est adressée. Les relations entre le séminaire de Paris et le Collège général sont d’autant plus étroites que ce dernier est l’un des « établissements communs » de la Société. À ce titre, il est directement régi par le séminaire parisien :

‘Les établissements communs de la Société sont : le séminaire de Paris, le collège général, les maisons de correspondance et tous les autres établissements fondés et entretenus aux frais généraux de la Société.
Ils sont placés sous l’autorité et la direction du séminaire de Paris ; c’est lui qui en nomme les supérieurs et les directeurs, en approuve les règlements particuliers, fixe leurs allocations et contrôle leurs comptes370.’

Cette règle ne s’est pas immédiatement imposée, en ce qui concerne le Collège ; nous avons vu que certains vicaires apostoliques, aux débuts de l’installation en Malaisie, auraient souhaité y exercer pleinement leur pouvoir. Elle est nettement fixée après 1850, ne concernant pas que l’administration et les finances, mais également les effectifs371. En effet, le nombre d’élèves que chaque mission peut faire instruire gratuitement à Penang est décidé par le Collège général sur proposition du séminaire de Paris et ne doit jamais excéder douze élèves (vingt-quatre en temps de persécution)372. Pour le gouvernement de la Société comme pour celui des missions, la délibération constitue une norme à laquelle nul ne saurait déroger. Ce régime électoral fit-il toujours l’unanimité au sein de la Société ? Certains le contestèrent ; mais n’était-ce pas parce qu’il comportait le risque, pour quiconque occupait une haute charge, de n’être pas réélu :

‘Vous saurez donc qu’en vertu de notre système électif, représentatif et constitutionnel (ce n’est pas ce qu’il y a de meilleur au monde), les dernières élections ont placé M. Barondel à la recette, et M. Tesson est chargé des dépenses et il s’en acquittera mieux ou plus fortement que moi373.’

Les établissements communs ne font pas exception à la règle. Quatre gros registres intitulés « procès-verbaux du Conseil » sont, par chance, parvenus jusqu’à nous. Ils contiennent le compte-rendu des réunions du Conseil des directeurs du Collège général depuis le 17 avril 1847 jusqu’en octobre 1968. La première page est ainsi libellée :

‘Le 17 avril 1847, le Conseil du Collège général des Missions Étrangères établi à Poulo Pinang s’est assemblé extraordinairement sur l’invitation de M. le supérieur du dit Collège. Monsieur le supérieur a commencé par donner lecture du règlement concernant les supérieurs et directeurs de la maison, puis sur sa proposition le Conseil a pris à l’unanimité les délibérations suivantes.
1° M. Jourdain a été nommé procureur économe, et il a été réglé qu’il entrerait en fonction à dater du 1er mai prochain, jour auquel M. Tisserand chargé précédemment de cet office aura dû lui rendre les comptes et lui confier le soin du temporel aux termes du règlement.
2° L’assemblée prochaine du Conseil aura lieu le lundi 26 avril et à partir de ce jour le Conseil tiendra régulièrement ses séances le lundi de chaque semaine à 8 heures précises. Signé Jourdain secrétaire, Tisserand374.’

Le règlement des supérieurs et des directeurs de mai 1847 entérina la précédente décision du Conseil :

‘1° L’administration et la direction de cet établissement sont confiées à deux ou trois missionnaires (ou un plus grand nombre si les besoins de l’établissement le demandent) choisis par le Bureau d’administration du séminaire des missions étrangères.
2° L’un d’eux est établi supérieur par le même bureau : les autres ont le titre de Directeurs.’ ‘3° Toutes les affaires concernant le règlement des études, l’instruction, la surveillance, la direction des élèves et l’administration du temporel seront réglées en commun par le supérieur et les Directeurs à la pluralité des voix ; s’il arrive qu’il y ait balance dans le partage des suffrages, le supérieur aura voix prépondérante.
4° À cet effet, ils tiendront au moins une fois par semaine et plus souvent si des affaires extraordinaires l’exigent, une assemblée pour délibérer sur les affaires, se concerter ensemble et statuer, à la pluralité des voix, sur ce qu’il convient de déterminer.’

L’administration du Collège est, on le voit, centralisée et délibérative. Un directoire, dont le supérieur est nommé par Paris, après consultation des directeurs, – ce qui ne laissa pas de provoquer quelques litiges –, est composé de deux ou trois missionnaires. Mais, pour contrebalancer ce pouvoir central, une instance démocratique, le conseil des directeurs, se réunit une fois par semaine et plus souvent si nécessaire. Cette assemblée n’est pas seulement consultative, chaque missionnaire pouvant voter. Tous les sujets y sont abordés : liturgie, pédagogie, questions domestiques, finances, appel des élèves aux ordres, santé, décès, arrivées et départs d’élèves, visiteurs, relations avec les autorités, événements extérieurs au Collège375. L’apport des procès-verbaux du Conseil pour l’étude du Collège général est donc considérable.

Notes
364.

Idem, chapitre VI, « Des supérieurs des missions », article 107.

365.

Le premier supérieur général fut Mgr J.-B de Guébriant, vicaire apostolique de Canton.

366.

Règlement, 1874, chapitre IV, « Du séminaire de Paris », art. 41 & 42, p. 18.

367.

Idem, chapitre III, « Du gouvernement général de la Société », article 26, p. 14.

368.

Idem, article 28.

369.

Idem, article 33.

370.

Idem, chapitre XI, « Des établissements communs », articles 192 & 194, p. 74.

371.

Idem, article 106 : « Les supérieurs des missions ont toute supériorité de gouvernement et de conduite sur les missionnaires et les établissements qui se trouvent dans l’étendue de leurs missions respectives, excepté ceux qui dépendent du séminaire de Paris. »

372.

Idem, chapitre XI, « Des établissements communs », article 196.

373.

DB 460 – 5, M. Langlois à M. Albrand, Paris, le 21 janvier 1835.

374.

Registre des Procès-verbaux du Conseil des directeurs (extraits).

375.

D’abord écrits en français, ils sont rédigés en anglais à partir du 1er septembre 1966.