a.3 Autres formes de la dévotion : le Sacré-Cœur, l’Immaculée conception, la Sainte famille

‘« On peut encore leur proposer et leur inspirer de petites pratiques de dévotion envers Notre Seigneur, la sainte Vierge, les Saints Anges680. »’

La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, pourtant populaire pendant cette période (la France fit un vœu national au Sacré-Cœur en 1872, pour expier les crimes de la Commune de Paris), n’est mentionnée qu’à de rares exceptions : « Souscription au vœu du Sacré-cœur ; Le Conseil décide une souscription en faveur du vœu national français au Sacré-Cœur. La somme sera collectivement payée par les Directeurs 681 » Le culte de l’Immaculée conception, en revanche, l’est couramment : « Dimanche veille de l’Immaculée Conception : à cause du 25 ème anniversaire de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception, indulgence plénière donnée par Léon XIII, demain office de 1 ère classe avec Diacre et Sous Diacre 682 . » Proclamé par Pie IX en 1854, le dogme de l’Immaculée conception (qui signifie que la Vierge a échappé au péché originel), a été suivi de peu (quatre années) par les apparitions de la Vierge à Bernadette Soubirou, à Lourdes : « À l’occasion du centenaire des apparitions de la Sainte Vierge à Lourdes une grand-messe solennelle sera chantée au Collège le 11 février et pendant toute l’année il y aura bénédiction du St Sacrement tous les samedis 683 » À Penang, la dévotion à la Vierge préexistait aux apparitions de Lourdes et au regain de la piété mariale qu’elles provoquèrent. La première église bâtie à Pulo Tikus en 1810, avait été placée sous l’invocation de l’Immaculée conception. « Ils aimeront la Bienheureuse Vierge Marie comme une Mère, d’une affection pleine de vénération et ils s’attacheront à lui rendre honneur comme s’ils étaient destinés à propager son culte 684  », commandait le règlement des élèves, en 1848, exhortant les élèves à s’inspirer de l’exemple de la sainte famille : « Ce Collège est institué sur le modèle de la sainte Famille, au sein de laquelle Notre Seigneur Jésus-Christ, soumis à la Sainte Vierge et à Saint Joseph, a passé une très grande partie de sa vie 685 . » Le coutumier de 1849 décrit le déroulement des journées pendant le mois de Marie :

‘Chaque jour la lecture de piété et la Méditation se font sur des matières ayant trait à la dévotion envers la Sainte Vierge. Chaque jour aussi on a sonné le chapelet 5 minutes plus tôt que d’ordinaire pour pouvoir chanter avant le chapelet quelques prières en l’honneur de Marie. Pendant cet exercice, deux cierges brûlent près de la statue de Celle que nous honorons. Le dimanche, après le sermon, on chante les litanies et on récite le chapelet. Le mercredi l’exercice a lieu à l’heure et à la façon ordinaire. Le 31 a eu lieu la clôture du mois de Marie, faite par la bénédiction et le chant des Litanies de la Sainte Vierge à 6 h du soir.’

Après 1854, au Collège, la dévotion mariale connait, comme dans l’ensemble de la chrétienté, une forte recrudescence. Les directeurs décident de créer une « congrégation de la Sainte Vierge », afin d’aiguillonner la spiritualité des séminaristes :

‘Pour exciter l’émulation et la piété des élèves, nos Confrères de Pinang ont établi au Collège une Congrégation de la Sainte Vierge, à l’instar de celles qui existent dans un grand nombre de maisons d’éducation en Europe. Nous partageons l’espoir qu’ont nos Confrères de voir cette nouvelle institution produire les fruits les plus salutaires dans cette communauté686.’

Cette initiative est saluée par le séminaire de Paris :

‘Quant à l’espérance que nous pouvons fonder pour l’avenir de nos élèves, il est incontestable que notre Communauté continue de faire des progrès dans la piété, ainsi que dans toutes les autres vertus. Notre Congrégation de la Sainte Vierge est très florissante, on y compte habituellement de 20 à 25 élèves […] Les seuls élèves qui suivent les cours de théologie, de philosophie et d’humanité étant admissibles dans la Congrégation de la Sainte Vierge, depuis quelque temps nos Confrères songeaient à établir une congrégation des Saints Anges pour les élèves des différents cours de latinité. L’exécution de ce projet, un moment retardée par la maladie et la mort de M. Lamiral, est aujourd’hui un fait accompli. Le 16 juillet dernier, l’érection de la nouvelle Congrégation s’est faite avec éclat : Mgr Gasnier a bien voulu présider cette solennité et recevoir la consécration des premiers Congréganistes. « Ces deux Congrégations, ajoutent nos confrères, continueront, nous l’espérons, à rivaliser de zèle, et elles ne manqueront pas de faire un très grand bien dans toute la communauté. » Nous ne pouvons que nous réjouir avec les directeurs dévoués du Collège général, des résultats obtenus par leur zèle, et nous sommes heureux de partager leurs espérances687. ’

De telles congrégations existaient également dans les séminaires européens : « Pour soutenir cette quête du progrès spirituel, la dévotion à la Vierge est encouragée et des associations pieuses se sont constituées rapidement dans de nombreuses maisons. Ainsi à Strasbourg, voit-on successivement établies la congrégation de la bienheureuse Vierge Marie conçue sans péché (1822), la congrégation des saints Anges (1836)… 688  » À la dévotion au Saint-Sacrement et à la Vierge vient s’ajouter celle aux saints patrons, vers lesquels les élèves sont invités à diriger leurs prières et qu’ils doivent s’efforcer d’imiter : le patron des missions, saint Joseph, et les saints missionnaires, François Xavier, Louis de Gonzague, enfin Charles Borromée, protecteur du Collège :

‘Ils s’efforceront d’acquérir les richesses des saints anges gardiens et leur patronage par de pieuses prières et surtout par l’intégrité de leurs mœurs. Ils se recommanderont par des prières assidues à tous les saints et surtout à saint Joseph, aux saints Apôtres, à saint Charles Borromée (protecteur spécial de ce Collège) et à saint François Xavier689. ’

Le zèle mis dans ces dévotions peut valoir à la communauté diverses gratifications octroyées, sur demande des Pères, par le Saint-Siège :

‘Supplique adressée au St Siège par le P. Languereau demandant plusieurs indulgences pour le CG ; indulgence plénière à l’une des trois premières messes que célèbre au CG un nouveau directeur ; indulgences plénières à gagner pour les directeurs et les élèves aux fêtes de St Joseph, anges gardiens, Pierre et Paul, Michel archange ; indulgences plénières à gagner par les élèves quant ils quittent le Collège. Toutes sont accordées, applicables aussi aux âmes du purgatoire, mais il supprime celles qui étaient demandées pour l’une des trois premières messes des élèves690. ’

Dans certaines circonstances dramatiques, épidémies, guerre, la communauté, se plaçant sous la protection de l’un de ses patrons, fait un vœu :

‘5 décembre 1943 : Le Conseil par 4 voix contre deux décide qu’un vœu de communauté sera émis dans les conditions suivantes : La communauté fait un vœu conditionnel ; la condition qui est en même temps la fin du vœu est celle-ci : les bâtiments du Collège à Pulau-Tikus d’ici au retour de la paix en Malaisie resteront à la disposition du Collège comme ils le sont maintenant691. ’

Enfin, des cérémonies solennelles d’action de grâce sont célébrées, afin de remercier le saint patron pour son intercession : « Nous célébrons la St François Xavier avec messe solennelle et vêpres. Notre saint patron nous a bien protégés jusqu’ici ! 692  » Étude de la liturgie, assistance quotidienne à la messe, confession et communion, dévotion eucharistique, piété mariale, prière aux anges et aux saints patrons, la vie des séminaristes du Collège général était entièrement rythmée par l’apprentissage de pratiques et d’actes de dévotion, tous inspirés du modèle des séminaires européens, sous l’œil de Rome.

Notes
680.

Manière d’élever les écoliers indiens, donnée par M. Roost, Supérieur du Collège de Siam, 1731. I - « De la piété. »

681.

Idem, 29 avril 1872.

682.

Coutumier (1849-1891), 7 décembre 1879.

Autre exemple : Fragments d’un coutumier de 1869-79, CG 013 : « 1869, 8. Fête de l’Immaculée Conception. Clôture du Jubilé donné par Pie IX. Toute la communauté avait jeûné les 24 et 26 novembre, et le 4 décembre. Le 6 et le 7 décembre, visite de notre chapelle par toute la communauté. Dans cette visite on a récité 1° le Veni Sancte avec l’Ave Maria ; on a chanté le O salutaris. On a récité 3° Litanies sanctorum 4° six Pater et Ave. »

683.

Procès-verbaux, 7 février 1958.

684.

Règlement, 1848, règles générales, art. 28.

685.

Idem, art. 1

686.

Comptes rendus, p. 12, 31 décembre 1876.

687.

Idem, p. 68, 31 décembre 1879.

688.

Marcel Launay, op. cit., p. 68. La dévotion aux anges est encore attestée après la guerre. Procès-verbaux : « 1953. Saints Anges : fête patronale du Collège. »

689.

Règlement, 1848, op. cit., art. 8.

690.

DB 460-2, 15 décembre 1863.

Autre exemple : DB 460-5, M. Delpech, Paris, 13 novembre 1882 : « J’espère que Léon XIII vous accordera les indulgences que vous désirez. Probablement le S. Père vous accordera directement les indulgences que vous voulez demander pour certaines fêtes. Quant à l’indulgence de l’autel privilégié, elle pourrait souffrir des difficultés et sera probablement renvoyée à la S.C. des indulgences ou à une autre congrégation, et il faudra suivre la filière ordinaire. La demande d’une fête patronale sera certainement renvoyée à la S.C. des Rites […] En tous cas, cher Père, outre la lettre que vous adresserez au S. Père, dans laquelle vous exposerez les raisons de votre demande, il faut rédiger une supplique très courte et très claire dans laquelle vous énumèrerez simplement les faveurs que vous demandez et vous joindrez la supplique à la lettre. Il faut que la S. Congrégation de la Propagande d’abord, le S. Père ensuite, puisse voir d’un seul coup d’œil ce dont il s’agit […] »

691.

Journal du Collège, 1938-1945.

692.

Idem, 3 décembre 43.

Idem, 12 octobre 45 : « Messe votive solennelle d’actions de grâce en l’honneur de saint Joseph pour notre réunion au complet après les séparations de ces dernières années. »