2ème partie : Représentations

III. Homo Apostolicus : formation d’un idéal

Pourquoi intituler la seconde partie de cette étude « représentations » ? L’éducation des individus – la formation du clergé indigène à Penang n’échappe pas à cette règle – n’atteint pas uniquement ses buts (quand elle y parvient) par la transmission d’un savoir livresque inculqué au sein d’une institution scolaire. Ce dispositif est irremplaçable mais il ne suffit pas. L’éducation suppose aussi l’incorporation de codes, de normes et de comportements. L’analyse des méthodes pédagogiques et des programmes, quoique indispensable, est donc insuffisante. Pour mesurer la transformation des mentalités individuelles et collectives par un système éducatif, il faudrait pouvoir appréhender au mieux l’ensemble des facteurs qui contribuent à la transmission et à l’appropriation d’une communauté de pensées, de sentiments et de pratiques. Les apparences de la dévotion, les imaginaires culturels plus ou moins latents, les idées qui circulent – dont on parle ou que l’on tait –, les formes de la civilité et l’organisation symbolique des lieux influencent inévitablement les élèves, par une imprégnation diffuse, au moins autant que l’étude assidue de la théologie d’Alphonse de Liguori ou de Thomas d’Aquin. C’est ce que j’ai recherché en étudiant les controverses sur le clergé indigène, l’image de l’autre (l’indigène, l’Européen, le païen) telle qu’elle transparaît à travers les écrits des missionnaires et l’organisation de la vie au Collège, l’évolution des méthodes et des programmes éducatifs, les formes d’émulation et d’exemplarité proposées aux élèves par leurs professeurs. Je souhaite parvenir ainsi à cerner et à comprendre l’intégralité d’un dispositif de formation et de transformation des individus et ses nombreuses interactions.