Toutes ces mesures visaient à former un clergé indigène d’élite, sur le modèle tridentin, qui aurait à combattre le paganisme, l’hérésie, et à se distinguer nettement, par sa valeur et son instruction, du reste du clergé présent en Inde, prêtres indiens de rite syriaque1033, prêtres portugais de Goa. On évoqua enfin la création d’un épiscopat indigène, auquel seraient confiées de nouvelles subdivisions du vicariat actuel, plus petites et donc plus aisément gouvernables. Mais la décision fut renvoyée à Rome : « Il [Jean Luquet] fut chargé d’aller à Rome présenter des explications sur cette importante affaire, qui resta à l’étude pendant quarante ans, et que le Souverain Pontife Léon XIII a terminée en 1886 1034. » C’est pour s’acquitter de cette tâche que Jean Luquet rédigea, en 1845, les Éclaircissements sur le Synode de Pondichéry 1035 : « Les actes du synode de Pondichéry s’impriment en ce moment à Rome, aux frais de la S. congrégation. Vous recevrez avec la présente un exemplaire des éclaircissements du dit Synode, dont Mgr Luquet est l’auteur. La S. congrégation lui a témoigné sa satisfaction par le choix qu’elle a fait de lui pour coadjuteur de Mgr de Drusipare 1036. » Les Éclaircissements furent en effet bien accueillis, à Rome, par le cardinal Mai, secrétaire de la Propaganda Fide. Ils valurent à leur auteur d’être immédiatement élevé à la dignité épiscopale, comme coadjuteur de Mgr Bonnand (avec le titre d’évêque d’Hésébon). C’est alors que les relations avec son vicaire apostolique se dégradèrent. Ce dernier lui conseilla d’attendre un peu avant de revenir en Inde : Luquet se sentit désavoué, il resta à Rome où il mourut, en 1858, au séminaire français. Pourquoi cette brouille ? Mgr Bonnand avait, pendant le synode, marqué son désaccord avec quelques-unes des propositions de Jean Luquet. Ce dernier voulait que les prêtres indigènes fussent habillés comme les missionnaires, et leur traitement augmenté (de 400 f. à 600 f. par trimestre), afin d’asseoir leur dignité. Le Vicaire apostolique s’y était refusé, arguant que ce serait « mettre le clergé indigène à l’européenne plus qu’il n’était auparavant. » Cela ne suffit pas, toutefois, à expliquer l’attitude du prélat. Certes, Mgr Bonnand n’avait pas été consulté pour la désignation de son coadjuteur. Or, il avait auprès de lui des confrères plus expérimentés que Jean Luquet. Celui-ci n’était prêtre que depuis trois ans, n’avait passé que onze mois en Inde, dont il ne connaissait pas la langue1037. Il fut également accusé d’avoir fait, dans son livre, un portrait à charge des missionnaires : « L’établissement de la hiérarchie indigène rencontre bien des difficultés de la part des missionnaires étrangers qui arrivent avec leurs préjugés de corps, d’éducation, de nationalité. » L’argumentation de Jean Luquet partait d’une certitude : la catholicité de l’Église implique naturellement que sa doctrine puisse se communiquer aux autres continents et s’y développer :
‘Mais l’impossibilité prétendue de trouver de bons prêtres parmi eux, c’est à dire, parmi 400 millions d’âmes, serait une terrible objection à faire contre la catholicité de l’Église de J.C. Cette impossibilité est combattue d’une manière victorieuse, par les constitutions pontificales et par les faits1038. ’S’appuyant sur la tradition scripturaire et sur le magistère, Luquet, avec l’aide de jeunes confrères, avait recherché systématiquement des écrits susceptibles d’étayer ses convictions : « Toutes les sources possibles sont utilisées : tradition patristique, décrets pontificaux, annales, Lettres édifiantes, Histoires des peuples d’Asie et d’Amérique, Bullaires et recueils des canons, correspondances des missionnaires 1039 . » Il utilise tout particulièrement la tradition patristique, voulant confirmer l’ancienneté de l’idée de clergé indigène. Ainsi, dans ses « Considérations sur les missions catholiques », il cite Eusèbe de Césarée :
‘En ce temps-là, florissaient des hommes en grand nombre, tenant un rang éminent parmi les successeurs des Apôtres, lesquels répandaient donc de plus en plus la parole évangélique, si bien que beaucoup de disciples de ce temps-là, quittant leur patrie pour prendre l’office d’évangélistes, allaient prêcher Jésus-Christ aux peuples qui n’avaient pas encore la connaissance de la parole divine. Ces hommes, après avoir jeté les fondations de la Foi dans les régions lointaines et barbares, et y avoir établi des pasteurs pour prendre soin de la vigne nouvellement plantée, partaient satisfaits et passaient outre vers d’autres contrées et d’autres nations, accompagnés de la grâce et de la vertu de Dieu1040. ’Il invoque aussi les décrets de la Propaganda Fide justifiant ses vues quant à l’usage, dans les séminaires, en plus du latin (langue symbolisant l’unité de l’Église), des langues vernaculaires, pour ne pas ralentir l’instruction des élèves et faciliter leur insertion dans la société civile, indigène et coloniale, et leurs relations avec les missionnaires français1041 :
‘Des facultés particulières ont été données aux vicaires apostoliques à plusieurs reprises pour faciliter l’œuvre du clergé local, comme la dispense temporaire de la connaissance du latin : les « éclaircissements » citent douze décrets ou brefs rendus à ce sujet par Rome de 1611 à 17031042 . ’Conjointement, il fit de l’état du catholicisme et du clergé indigène en Inde un tableau accusateur : « Coup d’œil sur l’état de notre sainte religion dans l’Inde. Cet état est languissant et précaire, ce qu’on fait voir comme une conséquence nécessaire de l’absence du clergé indigène 1043 . »D’après lui,l’établissement d’une hiérarchie et d’un clergé indigène rencontrait plusieurs obstacles. Les uns étaient endogènes : la persécution, le manque de moyens et de personnel, les difficultés de l’apprentissage, l’hostilité ou la méfiance des sociétés locales ; les autres, exogènes et imputables aux missionnaires eux-mêmes, à leurs préjugés, nous dirions aujourd’hui à leur habitus. Ainsi, le chapitre 8 des Éclaircissements est-il intitulé : « Difficultés de l’œuvre du Clergé indigène, Difficultés venant des missionnaires. » Parmi celles-ci, Luquet recensait l’insuffisante connaissance du « génie des nations diverses », laquelle nuit à l’instauration de relations de confiance avec les « peuples chez qui ils s’introduisent pour les diriger, eux qui ne trouvent de beau, de rationnel que ce qu’ils ont vu dans leur pays, que ce qu’ils ont pratiqué dans leur enfance 1044», les préjugés « de naissance, d’éducation et de nationalité, de corps », traces encore palpables chez certains, d’un ancien et odieux mépris1045. Il ne ménageait guère ses confrères, leur reprochant de maintenir les prêtres indigènes dans une situation d’infériorité :
‘Que voyons-nous en effet, presque partout ? D’un côté le clergé européen parfois exigeant, plus souvent encore dédaigneux à l’égard des prêtres du pays […] De là surtout cette funeste démarcation entre le clergé du pays simple auxiliaire, et les étrangers perpétuellement établis comme supérieurs. De là aussi, il arrive que les indigènes humiliés à leurs propres yeux et aux yeux des peuples, sans affection pour les étrangers qu’ils regardent avec défiance et secrète envie, se renferment en eux-mêmes au lieu de se livrer à la confiance fraternelle nécessaire entre les prêtres d’une même mission1046 .’Il publia également une note anonyme, insultante pour les Indiens (les chrétiens de Pondichéry l’avaient surnommée « les 14 articles des Jésuites »), où l’on pouvait lire, par exemple : « Les malabars sont généralement faux, vous ne devinez jamais bien ce qu’ils pensent 1047 . » « Ces notes, écrit-il, passent parmi les chrétiens pour avoir fait partie des règles secrètes de conduite transmises à nos missionnaires par leurs prédécesseurs. Ils sont entièrement persuadés que nous les mettons encore en pratique 1048. » La condescendance, voire le dédain, des missionnaires aboutirait selon lui, à jeter les indigènes dans les bras des protestants. Jean Luquet s’identifiait à la cause du clergé indigène, dont il se considérait comme le champion. Incontestablement, ses thèses personnelles étaient souvent empreintes d’une sincère générosité, décelaient un esprit progressiste :
‘Sans doute, c’est à la raison de l’Indien qu’il faut s’adresser, car à quoi s’adresser ailleurs ? Mais ce ne sera jamais la raison qui le conduira à la foi, c’est la connaissance qu’on lui donnera des grandes traditions du genre humain, traditions conservées pures seulement dans l’Église. Il n’est pas vrai de dire qu’ils ne se servent pas de leur raison ; ils s’en servent comme on leur a appris à s’en servir1049. ’Mais on peut également comprendre que ses propos n’aient pas toujours été du goût de ses confrères. Mgr Bonnand résuma ainsi la nature de leur désaccord :
Ces éclaircissements contiennent d’excellentes choses touchant la hiérarchie ecclésiastique et le clergé indigène ; mais après, M. Luquet, entrant dans des sujets étrangers à son but, dit des choses contraires aux décisions du synode, d’autres qui peuvent blesser certains hauts personnages dont il parle et même d’autres qui peuvent être grandement préjudiciables au bien de nos chrétientés1050.
Les Éclaircissements eurent néanmoins un important retentissement : ils inspirèrent l’instruction Neminem profecto de Grégoire XVI, édictée en 18451051. Mais cette consécration officielle n’éteignit pas complètement la polémique. Certaines des affirmations de Jean Luquet sont encore, sinon réfutées, du moins relativisées par des historiens contemporains. Jean Guennou (MEP), conteste la peinture que, dans ses Lettres à Mgr l’Évêque de Langres, Jean Luquet fit de l’état des missions1052.Il lui reproche aussi d’attribuer le différend qu’il eut avec ses confrères à leur opposition au clergé indigène, alors que celui-ci provenait de divergences de vues et de questions de préséances. Surtout, il soulève un problème historiographique. Les abondantes archives léguées au diocèse de Langres par Luquet lui-même servirent de source à la fabrication, dans divers travaux, d’une légende dorée : « Pour avoir utilisé seulement les archives de Langres, ils ont contribué à créer ce que je considère comme un mythe qui pourrait s’énoncer ainsi : le souci du clergé autochtone était oublié des missionnaires au temps de Louis-Philippe ; mais la Providence, heureusement, a suscité Luquet pour remettre les missionnaires sur le droit chemin 1053 . » La question pourrait se résumer ainsi : Luquet fut-il un précurseur, comme certains de ses biographes l’ont prétendu1054 ? Jean Guennou l’exclut. Il y avait un séminaire en Inde depuis 1778, d’où sortirent en moyenne deux prêtres indigènes tous les six ans. Entre 1778 et 1844, 19 prêtres ont été ordonnés1055. Il est exact, en revanche, que ce rythme s’était ralenti depuis l’entrée en fonction de Mgr Bonnand, le séminaire ayant été fermé durant trois années consécutives vers 1830. Puis, à partir de 1850 et jusqu’en 1866, 15 prêtres indiens furent ordonnés. À l’époque du synode de Pondichéry, il y avait aussi des séminaires dans les autres missions d’Asie, plusieurs dizaines de prêtres indigènes œuvraient aux côtés des français, dans les territoires immenses confiés aux MEP Nombre d’entre eux furent victimes des persécutions (comme les 21 martyrs du Vietnam entre 1838 et 1840). Luquet ne pouvait l’ignorer, mais ses écrits l’omettent généralement1056. Apparemment, il a noirci le tableau. Jean Guennou allègue, par ailleurs, le règlement des MEP, révisé en 1840 (Luquet est entré rue du Bac en 1841), que chaque aspirant missionnaire devait étudier. Le premier article, reprenant textuellement l’ancien règlement de 1700, fait clairement de la formation d’un clergé indigène une priorité absolue : « Former dans chaque pays un clergé et un ordre hiérarchique tel que Jésus et les apôtres l’ont établi dans toute l’Église 1057. » Au sujet de ce règlement, on pourrait d’ailleurs ajouter que Jean Luquet n’a pu manquer de reconnaître, dans le second article, le calque d’Eusèbe de Césarée qu’il cite lui-même dans l’un de ses ouvrages, pour mieux légitimer la cause du clergé indigène :
Pendant le séjour au séminaire de la rue du Bac s’ajoutait, à l’étude du règlement, celle d’un recueil de décrets de Rome, comprenant les Instructions de 1659 adressées par Alexandre VII aux vicaires apostoliques : « Voici la principale raison qui a conduit le Saint-Siège à vous envoyer revêtus de l’épiscopat dans ces régions. C’est que vous preniez en main, par tous les moyens et méthodes possibles, l’éducation des jeunes gens de façon à les rendre capables de recevoir le sacerdoce. » Jean Guennou en tire un argument supplémentaire : contrairement à ce qu’affirma Luquet, la création d’un clergé indigène était bien la priorité affichée des Missions Étrangères, depuis leur origine.
L’Église de Malabar, née dans le Kerala, dont l’origine est attribuée à l’apôtre Thomas, adopta d’abord le rite syriaque oriental, puis fut latinisée par l’archevêque de Goa au XVIe siècle et rattachée de force à Rome. Un schisme se produisit alors : une partie des chrétiens restèrent dans l’Église catholique Syro-Malabar tandis qu’une autre se joignit à l’Église syriaque orthodoxe (de rite occidental), qui prit le nom d’Église Syro-Malankare orthodoxe.
A. Launay, op. cit. « L’érection d’une hiérarchie régulière a été réalisée en 1887 et suivie par la réunion des synodes provinciaux. Les débats se sont cristallisés autour de la question du clergé indigène », in Claude Prudhomme, Stratégie missionnaire… op. cit., « L’élaboration de la doctrine missionnaire », p. 209.
« À leurs excellences les cardinaux de la S. Congrégation de la Propagande. Éminentissimes Seigneurs, Humilié devant Dieu à l’aspect de la tâche redoutable imposée à ma faiblesse, j’ai besoin de vous exprimer les graves motifs qui ont dirigé ma conduite dans la circonstance solennelle où je me présente devant vos excellences. Plusieurs d’entre vous, m’ont exprimé le désir de recevoir quelques explications sur les matières traitées dans le Synode de Pondichéry. »
Vol. 171, p. 95, Lettres communes, Penang, 28 mars 1844.
Cf. Jean Guennou : « Consultation d’archives à propos de Mgr Luquet », Bulletin de documentation des Missions Étrangères, mars 1991, p. 122.
« Comme la religion dont nous avons le bonheur d’être les ministres est catholique dans ses dogmes, dans ses lois morales, aussi bien que dans sa diffusion par toute la terre ; comme cette religion divine est faite pour un peuple, comme tout autre peuple ; comme enfin, sans l’établissement du sacerdoce et de toute hiérarchie apostolique chez un peuple, cette religion ne sera jamais la religion de ce peuple, nous croyons qu’il peut y avoir, selon les nations les plus diverses, plus ou moins de difficultés à fonder cette hiérarchie, mais qu’elle n’est impossible nulle part », Note sur le séminaire de Siam, Archives de Langres, œuvre manuscrite, vol. 240 / 3, cité par Joseph Millot, La pensée missiologique de Jean Luquet, Thèse soutenue en Sorbonne, 1962, chap. I, « Plaidoyer pour un clergé autochtone », p. 115 à 139.
Cf. J. Millot, op.cit.
Eusèbe de Césarée, Histoire Ecclésiastique, III C 37.
« 1° L’enseignement de la langue latine jusqu’à la rhétorique inclusivement.
2° La langue tamoule ; car il est naturel et de toute bienséance que les jeunes gens apprennent à parler correctement leur langue maternelle. Ils n’en seront que plus respectables aux yeux des gentils, qui ne manqueraient pas de concevoir du mépris pour un prêtre qui ne saurait sa propre langue maternelle que d’une manière imparfaite.
3° La langue française. L’on a pensé : 1° que cette langue serait pour eux une source féconde d’instructions religieuses et classiques ; 2° qu’elle ne contribuerait pas peu à entretenir des rapports plus intimes entre les prêtres européens et les prêtres indigènes ; 3° qu’elle rendrait moins précaire et plus honorable dans la société, la position d’un jeune homme qui ne se sentirait pas de vocation, ou dans lequel on ne reconnaîtrait pas les qualités requises pour le sacerdoce.
4° L’anglais. On a jugé convenable que les prêtres indigènes fussent en état de remplir leur ministère envers un grand nombre de personnes qui ne sauraient que cette langue, et que, de plus, ils pussent entretenir avec les autorités, des rapports souvent nécessités par les circonstances », Jean Luquet, Éclaircissements, op. cit.
J. Millot, op. cit.
Idem.
Citation d’une lettre de M. Marion-Brésillac, du 14 août 1842. L’amitié qui liait Jean Luquet à Melchior de Marion-Brésillac, fondateur de la Société des Missionnaires d’Afrique, qu’il avait rencontré rue du Bac, est bien connue. Ils étaient ensemble à Pondichéry, au moment du Synode.
« Les préjugés de naissance, d’éducation et de nationalité sont un grand obstacle à la formation du clergé indigène. Préjugés de naissance, d’éducation et de nationalité que la sagesse de la S.C. a toujours combattus dans les missionnaires ; voilà ce qui, bien souvent, a empêché les fondations nécessaires à la perpétuité de la foi parmi les peuples. A une époque surtout, où les nations nouvellement découvertes, dans l’ancien et le nouveau monde, étaient traitées avec un mépris et une cruauté flétris à jamais par la juste histoire ; à une époque où d’innombrables populations étaient jugées indignes d’entrer dans la grande famille d’une trop orgueilleuse civilisation ; où tant de malheureux se voyaient avilis au point de laisser douter si leurs tyrans daignaient leur reconnaître une âme faite pour glorifier et aimer le grand Dieu outragé ainsi dans sa créature ; à cette époque, qui nous touche de si près, bien des missionnaires ont dû participer, même involontairement, à quelque chose du mépris déversé sur tant de pauvres peuples […] un esprit supérieur ou une sainteté éminente pouvaient seuls les en garantir […] je dis plus ; qu’on examine l’état actuel des choses et l’on verra combien ces odieuses et injustes préventions ont encore laissé de traces chez plusieurs », Éclaircissements, p. 11-12.
Idem, p. 86-87.
« N’ayez point d’affaires d’intérêt avec les Malabares ; faites leur tout le bien que vous pourrez mais ne leur prêtez pas. Ne vous mêlez jamais dans leurs affaires de caste. Les Malabares sont généralement faux, vous ne devinez jamais bien ce qu’ils pensent. Ils ont l’esprit subtil et pénétrant et devinent facilement ce que vous pensez. Quoiqu’ils aient de l’esprit, pourtant, en fait de religion, ils sont extrêmement bornés, et ne paraissent même susceptibles que d’une certaine portée. On doit les conduire comme des enfants, et ne pas trop raisonner avec eux. La sévérité avec eux vaut mieux que la douceur. Le fond du caractère du Malabare est l’orgueil. Jamais de familiarité avec eux. Ne leur faites jamais apprendre, ni les sciences, ni les langues. Ne leur procurez jamais de grands emplois, ils vous mépriseront et se perdront. Il ne faut pas qu’ils soient pauvres, mais c’est fini pour vous si vous les rendez riches. La reconnaissance n’est pas la vertu des Malabares ; ils n’ont même dans leur langue ni le mot reconnaissance, ni celui de remerciement. Un honnête homme n’est pas chose facile à trouver parmi les Malabares. Aussi, parmi eux, les vols sont fréquents et les restitutions rares », Cité par Jean Luquet, Éclaircissements, p. 141.
Idem, p. 141-142.
Idem.
Mgr Bonnand, 26 octobre 1845.
« 1. Que les chefs de mission fassent tous leurs efforts pour que des évêques soient mis à la tête des nouvelles églises. 2. Que chacun des préfets apostoliques regarde même comme le plus impérieux de sa charge de former parmi les chrétiens indigènes ou les habitants de ces contrées, des clercs bien éprouvés et de les élever au sacerdoce. 3. Les lévites indigènes doivent être formés à la science, à la piété et exercés avec soin dans les saintes fonctions du ministère, de telle sorte que, selon le vœu depuis longtemps exprimé par le Siège apostolique, ils deviennent par la suite propres à être chargés de toutes les fonctions, gouverner les missions et enfin être revêtus du caractère épiscopal », Instruction Neminem profecto.
Jean Guennou (MEP), 1915-2002, missionnaire au Vietnam, professeur au séminaire des Missions Étrangères, historien, archiviste des MEP jusqu’en 1981 : « Consultation d’archives à propos de Mgr Luquet », op. cit.
Idem.
Chanoine Roussel, Un précurseur, Mgr Jean Luquet (1810-1858), des Missions Étrangères de Paris, Paris, 1960.
« En 1845, avant que l’influence de Luquet ait pu se faire sentir, la société des Missions Étrangères comptait 19 séminaires en Asie, pour 110 missionnaires seulement. Au Tonkin occidental, le vicaire apostolique, Mgr Retord, et son coadjuteur, Mgr Gauthier, avaient, cette année-là, un clergé composé de 9 missionnaires et de 85 prêtres autochtones », in J. Millot, op. cit.
Il n’est pas exact que Luquet omette de rendre hommage aux prêtres indigènes martyrs. Au contraire, il le fait et s’en sert comme d’une preuve supplémentaire de l’excellence de ce clergé : « De plus, l’héroïque constance des prêtres indigènes récemment martyrisés dans les missions annamites, prouve ce qu’on peut espérer d’eux », Éclaircissements, p. 7.
Règlement des Missions Étrangères, 1840 : « I. La première vue que Dieu a donnée à ceux qui ont formé le dessein de la mission des évêques et des ecclésiastiques français dans les Indes orientales et la première intention du Saint-Siège qui l’a établie, a été d’avancer la conversion des gentils, non seulement en leur annonçant l’Évangile, mais encore plus en disposant et en élevant à l’état ecclésiastique ceux des nouveaux chrétiens ou de leurs enfants qui seraient jugés propres à ce saint état, afin de faire dans chaque pays un clergé et un ordre hiérarchique, tel que Jésus-Christ et les apôtres l’ont établi dans toute l’Église ; comprenant que c’était là le seul moyen de former en peu de temps un christianisme parfait, et que d’ailleurs il était difficile que l’Europe fournît perpétuellement des prêtres qui sont longtemps à apprendre les langues, qui meurent l’un après l’autre dans leurs travaux et qui dans les persécutions sont aisément reconnus et plus aisément arrêtés, chassés et mis à mort au lieu que les prêtres du pays même se cachent plus facilement, s’insinuent plus promptement, s’accréditent plus sûrement et mettent enfin leur pays en état de n’avoir plus besoin de tous les secours étrangers. »
« Article II. Tous les ouvriers qui sortiront du séminaire de Paris doivent donc comprendre que leur principale fin est de s’appliquer à la formation d’un clergé aussitôt que, dans les lieux où ils travailleront, il y aura un suffisant nombre de chrétiens pour composer une Église et pour pouvoir en tirer des pasteurs, et quand le clergé sera formé et que les Églises seront au degré de se conduire elles-mêmes et de se passer de la présence et des soins des missionnaires étrangers, ils consentiront avec joie à abandonner tous leurs établissement et à se retirer, avec la permission du Saint-Siège, pour aller travailler ailleurs. »