a.1 « Autant d’apôtres dont les mains cueilleront la palme sanglante… »

‘« Au séminaire de la rue du Bac, la place des Gagelin et des Jaccard, des Borie, des Cornay et des Marchand, était alors occupée par les Schoeffler, les Bonnard, les Néron, les Vénard : autant d’apôtres dont les mains cueilleront la palme sanglante sur la terre d’Annam […]. Ce dont il parlait moins facilement, par humilité sans doute, et peut-être aussi parce qu’au fond de son cœur il sentait un regret toujours vivace, c’était de ses rêves de martyre1489. »’ ‘ « Q.: Et le martyre ?
M.A.: C’était d’un autre temps.
Mais on a vu rentrer des confrères de Chine, du Vietnam,
du Laos, qui ne pesaient pas quarante kilos1490.»’

La première de ces deux citations est tirée du récit d’une vie exactement contemporaine du regain des persécutions antichrétiennes en Chine, en Corée et au Vietnam1491. Joseph Laigre est né en 1822 ; douze ans plus tard, sous Minh Mang, une première vague d’arrestations et d’expulsions de chrétiens et de missionnaires balayait l’Annam. Lorsqu’il est nommé supérieur, en 1868, les principaux confesseurs de la foi liés au Collège sont morts en martyrs : les directeurs Imbert et Chastan à Séoul en 1839, les anciens élèves Philippus Minh à Cai-Mong en 1853, Petrus Qui et Paulus Le Van Loc en 1859, Joannes Hoan et Petrus Van Luu à Saigon en 1861. En 1883, deux ans avant sa mort, un dernier massacre de chrétiens a lieu à Binh Dinh, alors que l’amiral Rivière vient de bombarder Huê, la capitale impériale des Nugyen. Le lien entre les persécutions et le progrès de la colonisation (économique et militaire) est patent, en tous cas dans la chronologie des faits. On invoque d’autres facteurs pour expliquer ces accès d’hostilité aux chrétiens : le renforcement du pouvoir et de l’influence des mandarins à la cour impériale, le dogmatisme accru et raide des missionnaires catholiques. Le second témoignage est beaucoup plus récent. Le contexte est bien différent lorsque Michel Arro arrive au Collège, dans les années 1960. La grande période du culte des martyrs est révolue. Le concile de Vatican II se prépare, les sensibilités religieuses ont changé et le martyre ne fait plus recette. En Asie, l’adversaire de l’Église n’est d’ailleurs plus le paganisme des talapoins, mais le communisme : des missionnaires et des prêtres indigènes meurent, en Chine notamment, après l’avènement de Mao en 1949 ou au Cambodge à partir de 1975, sous le régime des Khmers rouges, mais il n’est jamais parlé de martyre à leur propos. Dans les premiers règlements du Collège, aux XVIIe et XVIIIe siècle, la question du martyre et de la persécution n’apparaît pas. Une unique mention est faite de la « persécution », dans le préambule du Règlement pour les missionnaires de 1764. Mais il s’agit davantage de montrer l’utilité d’un corps de clercs indigènes que d’exalter la fécondité spirituelle du martyre : « La difficulté de se tenir caché dans un temps de persécution rend nécessaire à la propagation et à la conservation de la foy dans ces royaumes un clergé composé des naturels du pays 1492. » Au XIXe siècle, au contraire, cette thématique devient omniprésente. L’une des premières raisons du transfert du Collège à Penang fut, rappelons-le, qu’il pourrait servir de refuge aux élèves et aux missionnaires en fuite. Les premiers élèves vietnamiens du Collège – parmi lesquels se trouvait le protomartyr Philippus Minh –, arrivés en 1834 sous la conduite de Mgr Taberd, fuyaient la persécution sévissant sous Minh Mang. Mgr Gabriel-Taurin Dufresse « mis à mort au Sutchuen en haine de la foi 1493» (il a été décapité en septembre 1815), est lui-même reconnu et vénéré pour sa qualité de martyr, célébrée dans le texte même du Règlement des élèves de 1848. Dans sa lettre, il ne leur dissimule pas que l’apostolat comporte le risque de la persécution, inhérent à la vocation de missionnaire : 

‘Vous avez déjà enduré la plupart de ces maux et vous les supporterez dans les temps à venir : c’est là en effet votre vocation, pour le royaume de Dieu et l’Évangile du Christ, que de suivre les traces des apôtres qui, parmi tant de tribulations, de misères, de difficultés et de persécutions accomplirent le ministère de la parole qu’ils avaient reçu1494. ’

La première partie de sa lettre s’adresse précisément aux premiers élèves chinois, arrivés à Penang en 1807 avec Claude Letondal, fuyant les persécutions en Chine. Sans douter du secours de la Providence, il ne leur laisse toutefois aucune illusion sur les dangers qui les attendent en terre païenne, dans un contexte alors hostile aux chrétiens :

‘Mais ce ne sont là que les débuts de vos douleurs ; croyez bien en effet que vous serez exposés dans le futur à ces mêmes épreuves et à de plus graves encore, non seulement dans des terres étrangères mais aussi dans votre propre pays quand il vous faudra défricher une terre semée de ronces et d’épines et emplie de périls pour vous1495.’

Au XIXe siècle fleurit une littérature hagiographique, mélange de gémissements et de triomphalisme clérical qui exalte les nouveaux confesseurs de la foi en Asie. Le Collège de Penang ne le cédait en rien aux autres missions, lui qui donna plusieurs martyrs, missionnaires et élèves :

‘Mais, bientôt ordonnés prêtres (on les compte déjà par centaines), ils évangélisent à leur tour, livrent les combats du Seigneur sur un terrain connu dès l’enfance, exercent une action plus facile à déguiser, secondent et protègent le missionnaire, le remplacent au besoin quand il a versé son sang, et savent, comme lui, présenter leur tête au glaive qui fait les martyrs. Ainsi moururent, ces dernières années, nos bien-aimés élèves Minh, Loc et Qui, dont le courage héroïque arrachait ce cri d’admiration à un évêque missionnaire : Gloire au Collège de Pinang ! Pour nous, messieurs les Associés, nous remercions le Ciel de votre assistance qui a permis à notre séminaire de porter de si beaux fruits et, comptant sur la prière de nos martyrs pour acquitter envers vous notre reconnaissance, nous disons : Gloire à nos bienfaiteurs1496 ! ’

Les Missions catholiques publièrent en 1822 une lettre restée fameuse de l’élève Paulus Cao, du Collège de Penang, à ses condisciples du séminaire Saint-Irénée de Lyon. Il sollicitait (en latin) leur secours et leurs prières et affirmait qu’il désirait le martyre :

‘Si un jour j’ai le bonheur d’être prêtre, j’élèverai mes mains vers le Seigneur, pour qu’il bénisse mon bienfaiteur, et la mission qui me sera confiée ; pour qu’il me conduise sain et sauf dans la chrétienté qui m’est destinée (et plaise à Dieu que ce soit celle du Su-Tchuen !) et qu’enfin, après de grands travaux accomplis pour la gloire de Jésus-Christ, et pour le salut des âmes, il me fasse entrer orné de mille vertus et paré de la palme du martyre dans l’assemblée de ses saints1497.’

Il n’est pas inutile de rappeler que le rétablissement du séminaire Saint-Irénée de Lyon par Mgr Fesch, après la Révolution, entrait dans une dynamique générale que Philippe Boutry a décrite comme « une logique réparatrice de la piété post-révolutionnaire 1498. » Après la sanglante répression de la sédition lyonnaise de 1794, au cours de laquelle 135 prêtres réfractaires périrent, un lien très étroit s’est tissé entre le martyre des prêtres et des fidèles et le renouveau catholique. « Le sang versé, écrit encorePhilippe Boutry, paraît avoir fécondé la réflexion sociale, politique et religieuse des élites régénérées 1499 . » L’épopée de Jean-Baptiste-René Rabeau me paraît contenir à elle seule la problématique qui entrelace le renouveau d’un catholicisme post-révolutionnaire revanchard, le rôle tout à fait décisif de Lyon par rapport aux Missions Étrangères et la dynamique symbolique du martyre et de la persécution. Rabeau est né en Mayenne, à Denazé. Il est ordonné prêtre. En 1792, il refuse de prêter le serment constitutionnel. Déporté à Jersey comme prêtre réfractaire, il s’enfuit pour l’Angleterre et entre en relation avec des missionnaires réfugiés comme lui dans la capitale britannique, Alary et Chaumont. Il décide alors d’entrer aux Missions Étrangères et part pour le Siam en 1801. Devenu le vicaire général de Mgr Garnault, il est sur le chemin de Penang, où il devait prêter main forte à Claude Letondal, lorsqu’une guerre éclate, en 1809, entre la Birmanie et le Siam1500. Il cherche alors à s’enfuir avec un prêtre indigène du nom de Jean-Baptiste Paschal, des élèves et les survivants d’une petite communauté chrétienne établie à Jongselang (actuellement Phuket, en Thaïlande)1501. Une lettre du Père Rectenwald, directeur au tout nouveau Collège général, relate leurs tribulations :

‘L’an passé, vers la fin de novembre, les Barmas [Birmans], ennemis invétérés des Siamois, quoiqu’ils soient unis par la même idolâtrie, s’emparèrent de l’île de Joncsélam et des lieux voisins, et y exercèrent de grandes cruautés envers les Siamois. M. Rabeau, missionnaire français, et le Père Jean-Paschal, prêtre siamois, venaient d’arriver dans cette île lorsqu’elle fut prise1502.’

Les affrontements avaient été très violents ; mais les deux prêtres et la petite communauté chrétienne, directement menacés, auraient bénéficié d’un secours providentiel :

‘La ville de Rangoon, que les Européens appellent Pégou, a été réduite en cendres. L’église des chrétiens, la maison des orphelines et le presbytère sont les seuls bâtiments qui aient échappé aux flammes. Il y a eu aussi à Ava un incendie qui a consumé presque toute la ville1503. ’

Emprisonné par les Birmans, Rabeau parvint tout d’abord, écrit Rectenwald, à désarmer ses geôliers, « avec les images du crucifix et de la sainte Vierge entre les mains 1504 . »On le libère, mais les choses tournent mal. Dans le bateau qui l’emmène à Penang, une mutinerie éclate. Il s’interpose pour tenter de sauver la vie du capitaine chrétien que des matelots musulmans veulent assassiner : tous les deux sont finalement ligotés et jetés à l’eau1505 :

‘Comme Tobie au milieu de la captivité, il a triomphé, et même encore avec plus de gloire, puisqu’il a eu celle de baptiser même des bonzes. Mais hélas ! La suite a été pour nous un sujet de douleur inexprimable. Les Barmas, après avoir tout saccagé à Joncsélam, s’embarquèrent pour aller dans un lieu voisin. M. Rabeau, qui était un peu malade monta dans un des meilleurs vaisseaux. Le capitaine du vaisseau était chrétien et son ami. Peu de temps après qu’il fut en mer, les matelots, qui étaient des gens du Bengale ou des Mores, saisirent le capitaine et le lièrent pour le jeter dans la mer. M. Rabeau s’écria pour les détourner de cet homicide ; ils le lièrent aussi et les jetèrent tous deux à la mer ; ainsi il est mort victime de sa charité.’

Les élèves, soupçonnés d’avoir participé à la mutinerie, sont arrêtés à Madras. Libérés grâce à l’intervention des missionnaires français, qui témoignent par écrit en leur faveur, ils entrent au Collège général par la suite. Ce récit mérite quelques commentaires. La lettre de M. Rectenwald relatant ces évènements tragiques était adressée à Denis Chaumont. Directeur au séminaire des Missions Étrangères, celui-ci avait émigré en Angleterre, où il avait connu Rabeau. Le récit de M. Rectenwald est fait dans un style très caractéristique. Il donne aux faits un tour dramatique, insistant sur le courage héroïque du missionnaire et sur les souffrances endurées par les chrétiens autochtones. La comparaison de Rabeau à Tobie introduit le thème christique du juste persécuté. Notons toutefois que dans le texte biblique, Tobie n’est pas présenté comme un captif, à la différence de son père, Tobit1506. Y aurait-il, sous la plume de M. Rectenwald, une confusion entre les deux noms ? Mais le lien principal avec Rabeau réside dans l’idée de la déportation (Rabeau est un ancien déporté) et de la survie dans un pays impie et hostile, où l’on fait le bien en secret, non sans péril1507. Les conditions de sa mort feraient presque de Rabeau un martyr, titre qui ne lui fut cependant jamais attribué car il ne mourut pas in odium fidei. Les chrétiens, qui vivent pacifiquement sur une île, – nous avons vu l’importance symbolique de l’insularité –, sont assaillis par des « idolâtres », qui mettent tout à sac : mais l’incendie épargne providentiellement les édifices chrétiens. L’évènement historique attesté prend ici une dimension merveilleuse et mythique, illustrant le combat que mènent les missionnaires pour promouvoir la foi et la civilisation contre la barbarie et le paganisme1508. Comment les lecteurs et les donateurs lyonnais de l’OPF auraient-ils pu ne pas faire le rapprochement entre ces faits et le souvenir cuisant de la Révolution ? Par ailleurs, à Londres, Chaumont avait connu des communautés d’anabaptistes qui soutenaient leurs missions en faisant des dons, proportionnés à leurs ressources. Il en conçut le projet de créer des sociétés de prières et de bonnes œuvres, dont les membres verseraient régulièrement une obole pour aider les missionnaires. Ce fut fait en 1816, après le retour des missionnaires à Paris. L’Œuvre de la Propagation de la foi (fondée en 1822), dérive de ces premières sociétés pieuses1509. Pour convaincre les familles chrétiennes de l’urgence et du danger, il fallait des témoignages poignants : ils furent apportés par les lettres que les missionnaires envoyèrent en Europe. Celle de M. Rectenwald est un modèle du genre : elle fut d’ailleurs publiée dix ans plus tard, dans un recueil de la série des Lettres édifiantes, que diffusèrent très largement les Annales de la Propagation de la foi dans les foyers chrétiens1510. La Révolution a laissé un âcre souvenir aux missionnaires qui avaient dû fermer leur maison de la rue du Bac et émigrer, la plupart d’entre eux en Grande-Bretagne, après le décret du 14 avril 1790 par lequel la Constituante mit en vente les biens du clergé. Le séminaire de la rue du Bac ne fut restitué à ses propriétaires qu’en 1815, sous la Restauration. Que les brutalités de la Terreur aient durablement horrifié les missionnaires ne fait aucun doute1511. En 1812, après l’incendie qui a dévasté Georgetown et dépossédé le Collège des maisons de rapport achetées par Claude Letondal, celui-ci se plaint en ces termes : « L’incendie arrivé à Pinang le 29 juin dernier consuma quatre grandes maisons que j’y avais achetées et dont les revenus étaient appliqués à deux objets : à soulager dans leur vieillesse trente missionnaires que les vols des révolutionnaires de la France privèrent de leurs biens et pensions 1512 » Jean-Claude Miche et quelques autres parlent des « voltairiens » pour désigner certains officiers de la marine française, notoirement anticléricaux. Le mot « Républicain » est pour eux synonyme d’émeutier :

‘Lyon est, comme toute la France dans une grande appréhension de ce qui arrivera après les trois journées 27, 28, 29 de ce mois. Les Républicains mécontents de ce que le gouvernement qui a succédé à celui de Charles X ne leur accorde pas tout ce qu’ils espéraient, et ne s’achemine pas assez rapidement vers le sens démocratique tentent par des émeutes réitérées de temps à autres de réussir à rétablir la République. Le 14 juillet, ils voulurent planter à Paris des arbres de la liberté pour célébrer l’anniversaire de la prise de la Bastille et de la révolution de 1789. Mais la garde nationale réussit à les empêcher1513. ’

Évoquant de passagères difficultés dans le gouvernement du Collège, un missionnaire le compare à une « république où n’est reconnu aucun chef bien distinct, ou si vous l’aimez mieux, où le chef n’est point chef 1514 . » Le syntagme « révolution française » fait immédiatement redouter des spoliations. En 1848, le Conseil de Paris annonce de probables restrictions budgétaires, l’OPF ayant été désorganisée par la « révolution française. » La Révolution aurait semé le trouble dans les esprits, y compris ceux de la nouvelle génération des prêtres : « Ces nouveaux missionnaires depuis la révolution sont hardis, entreprenant, et ne veulent prendre aucune précaution », écrit Esprit Florens, citant l’un de ses confrères1515. Dans la bibliothèque du Collège général se trouvaient plusieurs ouvrages ouvertement contre-révolutionnaires, comme le livre de l’abbé Théodore Perrin, Les martyrs du Maine 1516, vibrant hommage à la chouannerie ou encore, Du fanatisme dans la langue révolutionnaire de Jean-François Laharpe1517. Le titre complet de l’ouvrage vaut d’être cité : « Du fanatisme […] ou de la persécution suscitée par les barbares du XVIII e siècle contre le christianisme et ses ministres. » Le souvenir de la Révolution alimente la reviviscence d’une conception de l’Église martyrisée comme au temps des catacombes et des premiers chrétiens. Parmi les auteurs latins au programme au Collège, plusieurs sont directement liés à ce passé légendaire : l’Apologeticum de Tertullien (197), à qui l’on doit l’aphorisme célèbre, « le sang des martyrs, semence de chrétienté », les Lettres de Cyprien (mort en martyr en 258),Lactance (Caecillius Firmianus), précepteur de Crispus, le fils de Constantin et auteur vers 300 du De la mort des persécuteurs, enfin les Acta Martyrum, commandés pour la bibliothèque en 1870 (dans la collection Gaume). L’empereur Minh-Mang est comparé à un autre empereur, de sinistre mémoire pour les chrétiens :

‘Mais en même temps que sa jeunesse se développait sous les premières touches de la grâce divine, arrivaient de l’église d’Annam les désolantes nouvelles de la persécution suscitée par le Néron annamite, Minh-Mang, et aussi les beaux récits du martyre de toute une légion d’apôtres et de fidèles1518.’

Tertullien, Cyprien, Lactance (on se serait attendu à trouver à leurs côtés l’Exhortation au martyre d’Origène), cet arsenal d’apologètes dont les œuvres tournent autour du thème du martyr et de la conversion des païens est assez révélateur. Commentant ce catalogue, Michel Ollion y voit une « bibliothèque de combat ». Alors que toute persécution a cessé en Asie depuis plus de vingt ans, le thème du martyre revient à propos des événements intérieurs français. Le 29 décembre 1905, le Père Fleury écrit à Penang :

‘En ce moment, les sectaires qui persécutent l’Église par ici semblent vouloir faire souffrir également les missions situées dans les colonies françaises. Si leur sinistre dessein réussit, il peut se faire que les supérieurs des dites missions soient amenés à prendre pour leurs séminaristes des dispositions dont nous aurons à tenir compte en ce qui concerne le Collège général1519.’

Les missionnaires, hantés par la remémoration de la Révolution, nourris de culture apologétique latine, ont déplacé vers l’Asie le champ de possibles sacrifices. À la déploration des persécutions subies en France se substitue la recherche du martyre en Asie. Défi lancé aux incrédules, réaction désespérée face au recul de l’Église en Occident et à la difficulté de l’implanter en Extrême-Orient ? Au Collège, le règlement de 1848 prévoyait déjà, comme dans tous les couvents et les séminaires de France, la lecture d’un extrait du martyrologe pendant le repas1520. Mais après la mort de Philippus Minh, en 1853, le culte des martyrs s’amplifie. Parallèlement, il gagne la métropole. La « salle des martyrs », ouverte rue du Bac en 1867, – les objets hétéroclites et inquiétants que l’on y voyait dans de hautes vitrines sont aujourd’hui conservés dans la crypte de la chapelle –, connaissait un succès si vif que l’on surnommait désormais la maison mère des Missions Étrangères le « séminaire des martyrs ». Au Collège de Penang, ce culte revêt plusieurs formes. Il y a tout d’abord les célébrations solennelles, « double majeur » en l’honneur des « bienheureux martyrs ». Mais celles-ci ne se font qu’avec l’accord de Rome, après validation du martyre. Car tout confesseur de la foi, même mort sous la torture, ne reçoit pas automatiquement le titre tant convoité. Aussi les directeurs se sont-ils livrés à de patientes recherches afin d’établir de manière incontestable la qualité de martyr de leurs anciens élèves et d’en obtenir la reconnaissance par Rome. Dans les registres des élèves, la mention « martyr » a été portée en face de soixante-cinq noms. Tous ont vécu au XIXe siècle, entre 1834 (date de naissance la plus ancienne) et 1881 (date de décès la plus récente). On compte parmi eux 31 prêtres, 13 n’ont reçu que les ordres mineurs, 5 sont catéchistes, 4 sont retournés à l’état laïc (ad saeculum) ; 12 enfin ne sont désignés que par la mention « martyr », sans plus de précision. Les procès-verbaux donnent parfois des informations sur certains d’entre eux. À propos de Joseph Trinh (arrivé le 18 avril 1850 et parti le 10 mai 1855) : « On dit qu’il est allé au Martyre avec une joie et une intrépidité rares. » En revanche, le Conseil note, en novembre 1850 : « Joseph Chung. Arrivé le 10 avril 1848 et parti le 3 mai 1853. On a entendu dire qu’il était très malade au moment de son martyre, qu’il pouvait à peine marcher et que sans doute pour cette raison il n’a pas montré dans son martyre autant d’énergie que le clerc Trinh. » Officiellement, les martyrs du Collège général sont au nombre de 51. En juillet 1966, le cardinal Agagianian, alors Préfet de la Congrégation de la Propagande, déclarait :

‘Au cours des siècles les épreuves n’ont pas manqué au séminaire général. Sans parler des épreuves subies à diverses reprises par les séminaristes et par le corps enseignant du Collège général, comment ne pas vénérer plus spécialement, les 51 anciens de cette maison qui ont été condamnés à mort pour leur foi, aux premiers rangs desquels nous honorons deux professeurs, les Bienheureux Laurent Imbert et Jacques Chastan, et cinq anciens élèves, les Bienheureux Philippe Minh, Paul Loc, Pierre Qui, Jean Hoan, et Pierre Luu, qui ont mérité tous les sept d’être béatifiés. Parmi tant d’apôtres, qu’il nous soit permis de citer le nom du prêtre chinois André Ly qui maintint les missions du Setchoan pendant les vingt ans d’exil de tous les missionnaires1521.’

Deux professeurs, Laurent Imbert et Jacques Chastan et cinq élèves, Philippus Minh, Paulus Loc, Joannes Hoan, Petrus Luu et Petrus Qui, ont effectivement été béatifiés. Leur reconnaissance par Rome se fit en plusieurs étapes. Philippus Minh fut béatifié par Léon XIII le 27 mai 1900, avec 49 autres martyrs, missionnaires, prêtres et chrétiens indigènes : « Cette généreuse cohorte d’athlètes du Christ a renouvelé de nos jours les actes glorieux des premiers martyrs », indiquait le bref de béatification. Les autres anciens élèves martyrs du Vietnam furent béatifiés par Pie X le 2 mai 1909. Le décret de béatification les décrivait comme « la phalange des hommes intrépides qui, par l’effusion de leur sang, rendirent témoignage au Christ. » Laurent Imbert et Jacques Chastan, martyrs de Corée, furent béatifiés par Pie XI en 1925, année de la canonisation de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Enfin, en 1988, Jean-Paul II canonisa les cinq anciens élèves vietnamiens. Il béatifia également, en mars 2000, un autre martyr, Nicolas Bunkerd Kitbamrung1522. Ce prêtre thaïlandais, étudiant au Collège entre 1920 et 1925, mort en détention en 1944, aurait été victime d’une vague de persécution anti-chrétienne due à des nationalistes thaï. Les béatifications sont naturellement saluées par de nombreuses festivités, messes solennelles et vêpres. Régulièrement, par la suite, des solennités sont décrétées en l’honneur des « Bienheureux martyrs » :

‘Communication est faite au Conseil d’un indult de Rome permettant de célébrer une Grand-messe et des Vêpres solennelles au Collège le vendredi 3 juillet 1953, à l’occasion du centenaire du martyre du Bienheureux Philippe Minh, ancien élève du Collège1523.’

Aux célébrations solennelles s’ajoutent la recherche et la vénération des reliques. Le Collège conservait les reliques d’anciens élèves morts au Vietnam en particulier. Certaines lui avaient été restituées très officiellement :

‘Nous avons eu pendant cette année, écrivent nos confrères du Collège, le bonheur de recevoir les restes mortels d’un de nos anciens élèves, prêtre et martyr de la mission de Cochinchine Orientale. Mgr Van Camelbecke avait eu l’extrême bonté de nous laisser le choix entre tous les corps de nos anciens élèves morts pour la foi. Nous avons naturellement choisi celui dont la conduite exemplaire au Collège pouvait donner à nos élèves plus d’édification. La réception de ces reliques a été pour nous l’occasion d’une fête bien touchante, dont Mgr Gasnier, alors à Pinang, a bien voulu rehausser la splendeur par sa présence. Notre cher et vénéré Paul Chaû repose sous les dalles de notre chapelle, et son tombeau est un lieu de dévotion bien fréquenté par nos élèves 1524 . ’

Les procès-verbaux de l’exhumation des restes de Paul Chaû, puis de leur inhumation dans la chapelle du Collège en 1884 ont été conservés1525. Après leur authentification, grâce notamment à une plaque de métal « placée sur le corps après l’exécution », les « précieux restes » ont été placés dans une bourse de soie violette, puis dans une boite elle-même enfermée dans une autre plus grande. Le tout fut scellé en présence de missionnaires et du vicaire apostolique. Au Collège, la réception officielle des reliques et leur inhumation ont lieu en présence des autorités ecclésiastiques et des missionnaires. La chapelle est devenue de fait un lieu de pèlerinage. Les Pères s’y font enterrer ad sanctos, à proximité des reliques, tel Joseph Laigre, décédé un an après le retour des restes du prêtre Paul Chaû :

‘Après sa mort, notre bien aimé père fut revêtu de ses ornements sacerdotaux et son corps fut exposé toute la journée suivante. Le soir, après les Vêpres des défunts, il fut enterré dans la chapelle, à côté de M. Greiner, son ami et des reliques de Paul Chaû. Le lendemain, un service solennel fut célébré auquel assistèrent tous les missionnaires de l’île, les deux communautés des frères et des sœurs1526.’

Dans un article paru au Bulletin des MEP, en 1959, le Père Lobez, qui fut supérieur du Collège, au chapitre intitulé « Le Collège général de Penang, les résultats » évoque Paul Chaû :

‘Le Collège a l’honneur de posséder dans sa chapelle les restes du P. Paul Chaû, martyrisé à Binh-Dinh en 1862 , à l’âge de 32 ans […] ‘’Si l’on me prend, j’avouerai tout simplement que je suis chef de religion et tout sera fini’’. Peu de temps après, il était décapité, pendant qu’il tenait à la main une petite croix de bois1527. ’

L’auteur conclut son propos par une question : « Il serait intéressant de connaître le comportement de nos prêtres dans la persécution actuelle. Depuis 1930, 80 anciens élèves ont été ordonnés en Chine. Que sont-ils devenus dans la tourmente ? Nous l’ignorons. » Les registres des anciens élèves distinguent nettement les martyrs des « victimes du communisme ». Une liste, à peu près contemporaine de l’article du P. Lobez, donne huit noms, dont cinq prêtres et quelques indications sur les circonstances de leur disparition1528. L’adversaire des missions n’est plus le même en effet, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la victoire du communisme en Chine, en Corée et ses progrès au Vietnam. La réception, au Collège général, du président de la République du Vietnam, Ngo Dinh Diem, le 18 février 1960, est, à cet égard, exemplaire :

‘Le 18 février, jour de la fête des Martyrs, le Collège a reçu la visite de son excellence Ngo Dinh Diem, président de la République du Vietnam. Le président était accompagné par plusieurs de ses ministres, par son excellence Raja Uda, gouverneur de Penang, et sa femme, par le Premier ministre de la Fédération, Tungku Abd Ul Rahman et par le chief minister de Penang, Wong Pow Nee. Arrivé à 10 h 15, le cortège présidentiel a été reçu au parloir par la communauté réunie et le P. Sup. a prononcé un discours de bienvenue. Le Président a répondu puis accompagné de la communauté il s’est rendu à la chapelle où il a vénéré les reliques des martyrs. Ensuite il a tenu à faire une brève visite des bâtiments où son père autrefois vécut pendant deux ans comme élève. Il s’est arrêté à l’oratoire devant la liste de tous les martyrs anciens élèves du Collège puis est reparti en remerciant le P. Sup. et la communauté pour leur charmant accueil. ’

Notons d’abord ce qui ne serait resté qu’une simple anecdote, s’il ne s’était agi du chef de l’état du Sud Vietnam post-colonial1529 ; le père du Président Diem avait étudié, comme des centaines d’autres Indochinois, au Collège de Penang, avant de devenir mandarin à la cour d’Annam. Est-il besoin d’insister sur la signification symbolique de cette réception ? Considéré par ses adversaires comme un chef d’état fantoche, Diem incarnait l’anticommunisme des grandes puissances de l’époque, dans le contexte de la Guerre froide, à la veille de la guerre du Vietnam. Qu’il s’inclinât devant les reliques des martyrs du Collège n’était pas un vain geste. D’une part, la plupart de ces martyrs étaient morts en Indochine, lors de périodes d’hostilité momentanée au christianisme. On peut supposer que chacun avait en tête, à ce moment précis, les persécutions perpétrées dans les pays communistes, l’afflux au Sud Vietnam de réfugiés catholiques fuyant le Nord... D’autre part, le thème du martyre, ravivé par les événements politiques récents, avait glissé, depuis la Première Guerre mondiale, du domaine religieux au militaire, avec de comparables métaphores sur la fécondité du sang versé dans les tranchées. L’armée française ne venait-elle pas, à Diên Biên Phù, d’être en quelque sorte « martyrisée » ?

Ainsi, le culte des martyrs est-il devenu, au cours du XIXe siècle, un élément essentiel du dispositif de formation des missionnaires et de leurs élèves1530. Il comporte plusieurs aspects. L’un est discursif. Lors d’une cérémonie du départ, un prélat de passage s’adresse ainsi à des jeunes missionnaires originaires de son diocèse : « La mort viendra. Sanglante quelquefois, comme celle du Christ au Calvaire, plus ordinairement lente, autre martyre celui-là, par le travail, les fatigues, les maladies nées au souffle meurtrier d’un climat étranger 1531. » La mort du missionnaire ne peut être ordinaire, sa vie est tout entière une oblation, un martyre consenti. Peu après la béatification des 49 martyrs des missions (dont Philippus Minh) à Rome en présence de Léon XIII, un triduum de festivités est organisé à Paris, les 11, 12 et 13 juin 1900. Le deuxième jour, en l’église Saint-François-Xavier (église paroissiale des Missions Étrangères), les châsses contenant les reliques des bienheureux sont vénérées par la foule tandis que Mgr Demimuid, directeur général de l’Œuvre de la Sainte-Enfance, prononce un panégyrique : « Les martyrs, déclare-t-il, regardent la mort en face. Quelle en est la cause ? Ce ne peut être l’exaltation, la gloriole de la publicité comme le pensent Renan et les rationalistes ; il faut en chercher la cause plus haut. C’est l’amour de Dieu et des âmes 1532 » Les aspirants missionnaires assistent tous à l’office : « Ô bienheureux martyrs, lance l’orateur, bénissez et protégez ces jeunes gens qui brûlent de marcher sur vos traces ! » Après quoi l’assemblée entonne le Chant des martyrs mis en musique par Gounod : « Tous nous voulons gagner cette couronne. Pour Jésus-Christ tous nous voulons mourir (bis) 1533 . » Assurément, seul un esprit « rationaliste » peut s’étonner de cet appel de la mort dans cette Société religieuse où l’on se plaint continuellement du manque de recrues ! Au Collège de Penang, le martyre est également l’une des issues possibles ouvertes aux élèves par leurs études :

‘Quoi qu’il en soit, on travaille dans ce cher séminaire, on y aime le bon Dieu ; il s’y prépare certainement quelques très bons et très zélés missionnaires, des confesseurs, des martyrs. Je les aime beaucoup et voudrais être continuellement avec eux ; je vois aussi qu’ils me recherchent. Leur foi vive, leur piété simple et sincère me charment infiniment et m’enhardissent auprès d’eux. Je me mets à leur parler comme si j’étais leur maître et qu’il me convînt de prêcher aux autres les vertus que je n’ai pas. Je crois vraiment que nous sommes alors tout de feu. Quoique timide par caractère, le martyre ne leur fait pas peur1534. ’

Cette perspective, constamment présente dans les harangues, n’a rien qui puisse effrayer, bien au contraire, grâce à l’intercession de l’Église universelle et à la communion des saints :

‘Mais je dois vous rappeler que vous avez ici une autre école, que j’appellerai l’école du martyre ; car l’apostolat auquel vos devez vous dévouer a devant lui cette perspective. Que le martyre ne vous effraye pas ; comptez sur la grâce, la bonté, la miséricorde divine qui vous assistera aux moments les plus difficiles. Répondez donc pleinement à la volonté de Dieu, s’il daigne vous appeler à un pareil honneur, imitant l’exemple de vos ancêtres dont plusieurs sont honorés sur les autels. Confiance donc aussi dans leur aide, attendez la grâce que certainement ils vous obtiendront par leur intercession au pied du trône de la divine miséricorde1535. ’

Il est difficile de mesurer l’effet réel de telles exhortations, une fois l’émotion collective retombée. Mais il est très possible que les directeurs comme leurs élèves aient éprouvé le sentiment diffus d’appartenir à une élite menacée parce que légitime et qu’ils en aient tiré une force, une justification, peut-être aussi une satisfaction narcissique. Dans les correspondances de lycéens français catholiques, tentés par l’entrée aux Missions Étrangères dans les années 1930, affleurent les traces de cette rhétorique du martyre : « Je désire y aller de ma vie si cela est nécessaire dans mon dévouement aux âmes de ces pauvres payens », écrit par exemple un jeune homme à son directeur de conscience, un missionnaire des MEP1536. Elles s’effacent après la Seconde Guerre mondiale. Les thèmes du martyre et de la persécution disparaissent d’ailleurs complètement des règlements les plus récents du Collège général, lesquels n’ont conservé ni la lecture du martyrologe et de l’Imitation de Jésus Christ, ni l’exhortation de Mgr Dufresse.

L’autre aspect du dispositif de formation par le culte des martyrs est illustratif. Là encore, son effet sur la conscience des séminaristes n’est pas mesurable, sauf par conjecture, mais il n‘est certainement pas nul et contribua sans doute à créer une culture commune, une solidarité et un sentiment d’appartenance. Il consiste en récits détaillés et en images suggestives. Les élèves du Collège les connaissaient-ils ? C’est plus que probable, puisque la bibliothèque conservait la série presque complète des Annales et des Missions Catholiques, où ces textes et ces images étaient publiés. Sans doute existait-il aussi une transmission orale des faits. Les récits tout d’abord. La structure en est quasi-invariable. Jean-Claude Miche, qui enseigna quelques temps à Penang, est arrêté au Vietnam en février 1842 avec seize autres personnes, missionnaires, catéchistes et porteurs1537. Transféré à Huê, il est torturé quatre fois, reçoit cinquante-quatre coups de rotin, impatient d’être martyrisé il fait preuve d’un courage exceptionnel :

‘Monsieur Fontaine m’apporte deux lettres de Paris qui annoncent ma nomination de supérieur du Collège de Pinang : cela me fait une belle cuisse ! Franchement, il faudrait bien des supériorités semblables pour valoir ma chaîne, que je n’échangerais pas pour le trône de Louis-Philippe. Je ne crois pas avoir été aussi heureux de ma vie que je le suis maintenant. Et cependant, je n’ai encore fait qu’un pas dans la voie qui conduit au martyr. Que sera-ce quand sonnera l’heure du départ pour un monde meilleur ? Mais il paraît loin ce moment fortuné que j’appelle de tous mes vœux. Mes confrères ne peuvent parler qu’à voix basse et nous, nous jouons, nous chantons : ils se cachent avec soin dans la crainte d’être pris : nous, nous sommes à l’abri de cette crainte. Notre sort n’est-il pas digne d’envie1538 ?’

Comme souvent, l’arrestation est due à une dénonciation. Pendant l’emprisonnement, les interrogatoires et les séances de torture alternent, les juges cherchant en vain à obtenir l’apostasie publique du supplicié. On l’humilie, on exerce sur lui d’odieux chantages : la vie de ses serviteurs chrétiens ou de ses confrères sera épargnée s’il abjure. Stoïque, le missionnaire tient tête à ses bourreaux. Il se réjouit de son sort : « Ne plaignez pas le jour de ma mort, il sera le plus heureux de ma vie », écrit Jean-Charles Cornay, exécuté en 1837. « Ne pleurez pas, déclare Jean-Louis Bonnard, je suis heureux de mourir ainsi, et je suis heureux de porter cette chaîne et cette cangue ; j’étais bien jeune encore que déjà, je désirais un pareil sort. » Finalement, la condamnation à mort est prononcée et la sentence exécutée, après quoi les fidèles chrétiens récupèrent le corps pour l’enterrer. La description du supplice est aussi circonstanciée qu’abominable : François-Isidore Gagelin, François Jaccard sont étranglés, Joseph Marchand est condamné au supplice des cent plaies1539 :

‘Les bourreaux déchirèrent d’abord la peau des sourcils et la rabattirent sur les yeux, puis, avec leurs tenailles, ils saisirent les chairs de la poitrine, les coupèrent, et jetèrent à terre deux lambeaux sanglants d’un demi-pied de long ; les bourreaux le saisirent ensuite par derrière et lui enlevèrent deux morceaux de chair. Pendant ce temps, la, sainte victime levait les yeux au ciel, comme pour demander la force d’En-Haut ; les exécuteurs descendirent au gras des jambes, et deux nouveaux lambeaux tombèrent. À ce moment, le prêtre inclina la tête. Son âme était dans les cieux1540.’

Auguste Chapdelaine reçoit trois cent coups de bambous, puis est condamné au supplice de la cage de suspension, « le cou enserré entre deux planches légèrement échancrées, les pieds dans le vide et ainsi suspendu aux portes du prétoire de Sy-lin. » Très souvent, le condamné est décapité au sabre puis sa tête est jetée au fleuve. Parfois, les fidèles la récupèrent pour l’enterrer avec le reste du corps. André Trong, ancien élève du Collège, fut décapité et sa tête remise à sa mère qui assistait à l’exécution. Ainsi se cristallise, selon Jérôme Bourgon, une idée de la cruauté des asiatiques, durablement ancrée dans les consciences européennes, qu’attestent les expressions courantes « casse-tête chinois » ou « supplice chinois 1541  ». Les textes les plus officiels s’inspirent de cette littérature missionnaire apologétique. Léon XIII, dans son bref de béatification des 49 martyrs, en produit une saisissante compilation :

‘Cependant, pour vaincre la constance et la foi des chrétiens, les féroces bourreaux ont eu recours à des supplices si raffinés, que l’esprit, loin de les retracer, se refuse même à y penser. D’aucuns attachés à des poteaux ont été étranglés, d’autres crucifiés, plusieurs sont morts sous la hache, un grand nombre ont succombé à la faim, ont été coupés en morceaux ou démembrés ; d’autres enfin, enfermés dans des cages comme des bêtes, exposés aux ardeurs du soleil, brûlés par la soif, flagellés, enchaînés, se consumant dans la fétidité des cachots, ont passé de cette vie périssable à la bienheureuse immortalité. Et c’est l’âme joyeuse et inflexible qu’ils ont bravé l’atrocité de ces supplices. Ils se sont montrés, dirons-nous après saint Cyprien, plus forts que les bourreaux1542.’

Ce remarquable exemple de prétérition révèle l’importance capitale de cette partie du récit. Le martyr doit avoir confessé la foi au milieu des pires souffrances. Sa « passion » évoque celle des premiers chrétiens ; dénonciation, emprisonnement, procès partial, flagellation, humiliations, exécution atroce et inhumation furtive. Après la mort du martyr, des miracles ou des catastrophes se produisent :

‘Souvent, des corps de ces martyrs restés intacts s’exhala une suave odeur ; souvent, après leur supplice, un ciel serein fit entendre les grondements du tonnerre. C’est ici le tribunal du mandarin frappé par la foudre ; là ce sont des villes secouées par des tremblements inaccoutumés […] Des conversions de païens opiniâtres à la foi du christ, et les terribles châtiments qui pesèrent sur les auteurs de tant de massacres, ont prouvé que leur sang était vraiment une semence de chrétiens1543. ’

La citation de saint Cyprien et l’allusion finale à Tertullien, le sang des martyrs « semence de chrétien », confirment bien la relation d’ordre généalogique qui existe entre ces martyrs et ceux des premiers siècles. Ces récits sont complétés par une abondante iconographie. Nous savons que plusieurs commandes de tableaux et de statues furent passées par le Conseil des directeurs pour orner la chapelle1544 : des portraits de saints missionnaires, François-Xavier, Louis de Gonzague, un autre de Charles Borromée. Y avait-il, accrochés aux murs, dans la chapelle ou au réfectoire, des peintures ou des gravures représentant des scènes de martyre ? C’est possible, car ces images, largement diffusées par la presse missionnaire, ne pouvaient être ignorées à Penang. Les procès-verbaux font d’ailleurs allusion à la photographie d’un tableau intitulé Nos 49 bienheureux. Exposé lors du triduum de 1900 à Saint-François-Xavier (église paroissiale des Missions Étrangères), cette œuvre fut ensuite placée dans la chapelle du séminaire de la rue du Bac. Elle représente la foule des martyrs réunie sous les nuées d’où le Christ en gloire, entouré de la Vierge, de Joseph et d’angelots portant la palme du martyre, les bénit. Les missionnaires portent la soutane et le surplis blanc. Les prêtres indigènes, Annamites et Chinois, sont identifiables par leurs tenues chamarrées. Au sol, bien en vue, ont été disposés les « instruments de la passion » : cangues et chaînes, tenailles, crochets, tranchoirs et coutelas, férules en rotin. Un autre tableau, également reproduit dans les Annales de la Société en 1900, est lui aussi mentionné dans les procès-verbaux du Collège : le Martyr du Bienheureux André Trong. On y voit la mère du martyr recevant la tête souriante de son fils. Un garde grimaçant tient encore les chaînes du supplicié, le bourreau brandit un sabre sanglant, plus loin gît le corps décapité. Du haut d’un éléphant, assis dans un palanquin, des mandarins observent la scène. Dans l’angle en haut à droite, le Christ ouvre les bras, comme pour accueillir l’âme du défunt. On pourrait multiplier les exemples de ces scènes d’exécutions ou de torture, souvent d’une facture assez naïve1545. Le confesseur de la foi, sanguinolent, enchaîné, dans une pose qui n’est pas sans évoquer le martyre érotisé de Saint-Sébastien, les yeux levés au ciel, n’oppose aucune résistance à ses bourreaux. L’exécution est publique, le rouge domine : vêtements rutilants des mandarins et des soldats, sang des victimes ressortant sur le sable clair de la place. C’est tout à la fois atroce et serein : tel est le message.

Le procès-verbal du 25 mars 1960 indique que Mgr Chan, évêque de Penang, « annonce qu’à la conférence des Évêques de Malaisie il a été décidé de célébrer avec solennité dans les trois diocèses les fêtes des Bienheureux Jacques Chastan et Laurent Imbert, le 26 septembre de chaque année. » La décision de perpétuer le culte de martyrs français est prise par des prélats asiatiques. Dans la cour d’honneur de l’actuel séminaire diocésain de Penang, à Tanjung Bungah (l’ex Mariophile), devant les bâtiments récemment édifiés dans un style et selon un plan qui font penser au campus d’une université anglo-saxonne, ont été édifiés trois monuments dédiés aux martyrs du Collège général. Sur une stèle de marbre noir, portant l’inscription « Martyrs of Collège général », est gravée la liste en lettres d’or des bienheureux et des 51 martyrs reconnus. Un deuxième monument en bronze représente, en taille réelle, les deux professeurs martyrisés en Corée, Imbert et Chastan. Le dernier est un groupe montrant les cinq élèves vietnamiens canonisés par Jean-Paul II, portant la tenue traditionnelle de l’Annam. L’Église locale, minoritaire dans un milieu pluriculturel où domine l’islam, a manifestement tenu à prolonger la mémoire de ces témoins de la foi.

[Figure nº18]
[Figure nº18]

Notes
1489.

Vie de Joseph Laigre, vol. 340 B, p. 179, 1885 et Compte rendus.

1490.

Entretien avec Michel Arro, 2001, op. cit.

1491.

Sur les raisons de ces persécutions, leur lien notamment avec la Guerre de l’opium et la main-mise des Occidentaux sur le commerce chinois, leur ampleur réelle, Annexes, Suppléments, 2-1, « Jean-Claude Miche (1805-1873). Un évêque des Missions Étrangères en Indochine, aux prémices de la colonisation française ».

1492.

Règlement pour les missionnaires qui travaillent au collège, 1764.

1493.

Règlement, 1848, Règles particulières, art. 34.

1494.

Lettre de Mgr Dufresse, préambule.

1495.

Lettre de Mgr Dufresse, préambule.

1496.

Annales de l’OPF, Lyon, 1860, t. 32, p. 241-243.

1497.

Idem, 1822, t. I, p. 25 à 28, lettre du P. Magdinier, contenant la lettre latine de Paul Cao, élève au séminaire de Pinang. Les Annales publièrent, dans le même numéro, une autre lettre, adressée par les élèves de Penang à leurs condisciples lyonnais : « Lettre des élèves Chinois du séminaire de Pulo Pinang aux prêtres et aux élèves du séminaire de Lyon. J.M.J. À nos respectables pères et à nos frères du séminaire de Lyon, salut affectueux. Quoique vos traits nous soient inconnus, nous osons vous adresser cette lettre, à vous nos pères et nos frères, car si nos corps sont éloignés, nos cœurs se réunissent tous en Jésus-Christ dont nous sommes les membres. C’est un devoir pour nous de vous témoigner notre reconnaissance pour la foi que les Chinois, quoiqu’en petit nombre, ont embrassé à la prédication des missionnaires sortis du milieu de vous, de ces hommes apostoliques qui, fidèles à la voix du ciel, ont su mépriser les honneurs, les commodités de la vie, les avantages de la naissance et braver la mort même pour venir raconter à des nations étrangères les opprobres de Jésus-Christ et publier partout le nom du Seigneur. Ah ! le Dieu juste ne saurait laisser tant de sacrifices sans récompenses ! »

1498.

P. Boutry, « Une dynamique sacrificielle. Le catholicisme lyonnais du premier XIXe siècle », dans M. Lagrée, Chocs et ruptures en histoire religieuse, fin XVIII e -XIX e siècles, Presses universitaires de Rennes, 1998.

1499.

P. Boutry, op. cit., p. 160.

1500.

« Ayant envoyé M. Rabeau, mon vicaire général avec des pouvoirs de visiteur et une ample liberté pour régler les affaires de la mission de Pulau Pinang quant au temporel et au spirituel […] », Mgr Garnault, op. cit.

1501.

Voir R. Costet, Siam, Laos, Histoire de la mission, Études et documents, Archives des Missions Étrangères, Paris, réédité en 2002, chapitre XX-XXI. En 1828, l’essentiel de la population chrétienne de Kedah s’était réfugié à Penang.

1502.

Vol. 339, Lettre de M. Rectenwald à M. Chaumont, à Londres, Pulo Pinang, 25 octobre 1810.

1503.

M. Rectenwald, op. cit.

1504.

« L’île de Jonselang avec ses deux églises comptant environ trois cents chrétiens, avait la chance d’avoir un Gouverneur favorable aux chrétiens… Cette chrétienté fut détruite en 1809 par l’invasion des Birmans. M. Rabeau, en route pour Penang, visitait ces chrétiens au moment où les Birmans vinrent assiéger la citadelle de Thalang. Pendant le siège, M. Rabeau réussit à instruire et à baptiser trois adultes. Au moment de l’assaut, M. Rabeau s’avança devant les Birmans, tenant un crucifix à la main droite et une image de la Vierge à la main gauche, suivi des chrétiens… »

1505.

M. Rectenwald, op. cit.

1506.

Tobie est le fils de Tobit, déporté en Assyrie ; à la différence des autres juifs, il refuse de manger comme les païens, et enterre clandestinement les corps de ses frères jetés par-dessus les remparts de Ninive, ce qui lui vaut d’être condamné à mort. Par la suite, il devient aveugle et son fils Tobie le guérit, au terme d’un long voyage et de son mariage avec Sarah.

1507.

Cf. notamment l’article de G. Audrey, « Les prêtres Lorrains ‘’déportés’’ à Fribourg », in Frontières et espaces frontaliers du Léman à la Meuse, recompositions et échanges de 1789 à 1814, sous la dir. de Cl. Mazauric et J.-P. Rothiot, Presses Universitaires de Nancy-II, 2008. Ces expériences de déplacement forcé, de même que l’émigration en Angleterre, pendant la Révolution, contribuèrent probablement, selon certains historiens, à la redécouverte de la dimension universelle de l’Église, qui profita au renouveau missionnaire des années 1815-1830. Cf. G. Cholvy, La religion en France de la fin du XVIIIe siècle à nos jours, op. cit. , p. 31.

1508.

Voir J.-F. Zorn, « La figure du héros missionnaire a-t-elle façonné un légendaire missionnaire ? Le cas de François Coillard (1834-1904) » dans L’Appel à la mission : formes et évolution XIX e -XX e siècle, Actes de la IX ème session du Crédic à l’Université catholique de Nimègue (1988), Lyon, 1989.

1509.

Le frère de Pauline Jarricot, fondatrice de l’OPF, Philéas, entra aux Missions Étrangères. Cf. Y. Essertel, L’aventure missionnaire lyonnaise, 1815-1962, Paris, Cerf, 2001 & Claude Prudhomme, « Lyon et les missions catholiques en Asie Orientale à l’époque contemporaine », Cahiers d’histoire, t. XL n° 34, Lyon, 1995.

1510.

Lettre de Michel-Pierre Rectenwald à M. Chaumont, Pulo-Pinang, 25 octobre 1810, dans Nouvelles Lettres Édifiantes des missions de la Chine et des Indes Orientales, Paris, de l’Imprimerie d’Adrien Le Clere, Imprimeur de l’Archevêché de Paris, quai des Augustins, n°55, 1818, t. V, Paris 1820.

1511.

« Dans ses différentes phases, l’histoire religieuse de la Révolution française évoque pour la grande majorité des catholiques, au-delà même des rangs intransigeants […] une succession de tragédies pour l’Église qui sont autant de traumatismes historiques », Philippe Boutry, « Intransigeance et Séparation. La contribution des catholiques intransigeants à la Séparation des Églises et de l’État », Colloque Vers la liberté religieuse, la Séparation des Églises et de l’État, Créteil, 4 et 5 février 2005, p. 15.

1512.

Vol. 307, M. Letondal à Laurent Ly, 12 juillet 1812.

1513.

DB 460 – 5, M. Langlois à M. Lolivier, Le Havre, 30 juillet 1830.

1514.

Vol. 340, M. Tisserand à M. Libois, 31 juillet 1847.

1515.

Vol. 887, Mgr Florens à M. Langlois, Bangkok, 30 novembre 1825.

1516.

Théodore Perrin, Les martyrs du Maine, épisodes précieux de l’histoire de l’Église pendant la révolution française : traits nombreux de foi, de charité, de résignation et d’héroïsme, Leclerc, Paris, 1830.

1517.

Jean-François Laharpe, Du fanatisme dans la langue révolutionnaire, 1797.

1518.

Vie de M. Laigre, op. cit., vol. 340 B, p. 179, 1885.

1519.

DB 460-6, P. Fleury, Paris, 29 décembre 1905. Autre exemple : « Nous avons bien besoin de la protection de nos martyrs par les temps qui courent. Les sectaires paraissent s’être donné un mot d’ordre contre les missions », DB 460-6, M. Bénard à M. Wallays, Bièvres, 11 décembre 1901. Face à la politique de Combes, « les Catholiques intransigeants croient ainsi revivre une histoire infiniment douloureuse, ravivée à la fin du XIXe siècle par une historiographie catholique militante et par la mémoire réactualisée et sacralisée des martyrs de la persécution religieuse révolutionnaire », in Philippe Boutry, « Intransigeance et Séparation. La contribution des catholiques intransigeants à la Séparation des Églises et de l’État », op. cit., p. 15.

1520.

« Ils déjeuneront à midi. Ils ne porteront pas d’attention excessive à la nourriture afin de ne pas être distraits de la lecture qui s’achève par le martyrologe », Règlement, 1848, Règles particulières, art. 10.

1521.

Missions Étrangères, n° 146, juillet-août 1966, p. 1-16.

1522.

Blessed Nicholas Bunkerd Kitbamrung (1895-1944), Martyr of College General, Penang, College General, Malaysia, 2000.

1523.

Procès-verbaux. 30 juin 1953. Un indult est une autorisation spéciale de Rome, en dérogation du droit commun (vient de indulgere, permettre, indultum, permission). Autre exemple : « Cette année étant le centenaire du martyre du Bienheureux Théophane Venard, le Conseil décide qu’avec l’approbation de l’évêque, une grand-messe des martyrs sera chantée au séminaire. 1961 étant le centième anniversaire du martyre des bienheureux Jean Hoan et Pierre Luu, le Conseil décide de demander à Rome un indult pour célébrer chaque année les trois fêtes des martyrs sous le rite de deuxième classe », Procès-verbaux, 10 février 1961.

1524.

Compte rendus , p. 133, 1885.

1525.

« Procès-verbal de l’exhumation des restes de Paul Chân, prêtre indigène, mis à mort pour la foi dans les provinces de Binh-Dinh », CG 063 Carton 10 : « Nous soussignés, Évêque et missionnaires de la Cochinchine Orientale, certifions par les présentes : Que le 18 octobre 1884, nous avons retiré du lieu où ils étaient déposés, les restes de Paul Chân, prêtre indigène de la Cochinchine Orientale, décapité pour la foi dans la province de Binh-Dinh, lors de la persécution de 1860-1861. Que nous avons fait la reconnaissance authentique de ces précieux restes au moyen des actes rédigés antérieurement et de la petite plaque de métal placée sur le corps après l’exécution. On y lit les 2 caractères, Cân Chân, nom de ce prêtre. Qu’après cette reconnaissance légalement faite, nous avons enveloppé avec soin tous ces ossements, cendres et petite plaque de métal, dans un coupon de soie violette cousu en forme de sac et fermé par un cordonnet rouge revêtu du cachet. Que nous avons déposé le tout dans un coffret de bois rouge tendre, mesurant une longueur de 0,53 c. sur une largeur de 0,23 c. ½ et une hauteur aux angles de 0,27 c ½ . Que nous avons imprimé le cachet de la mission en cire rouge sur les 4 faces de la caisse à l’endroit de la jointure du couvercle. Sur l’une des faces plus étroites sont gravés les caractères indiquant le nom du prêtre Chân. Que nous avons renfermé ce petit coffret dans une caisse de bois blanc pour être expédiée à l’adresse du Rd. Père Wallays, directeur au séminaire général de Pulo Pinang (Malaisie). En foi de quoi, nous avons signé le présent procès-verbal revêtu du cachet de l’évêque de la mission de Cochinchine Orientale. Fait au Collège de Lang Song (Binh Dinh) le 18 octobre 1884. Le procès-verbal est signé : F. X. Van Camelbeke, év. de Hiérocésarée, vic. apost. de Cochinchine Orientale. Jh Panis, miss. apost. Jh. Laurent, miss. apost. F.X. Barrat, miss. apost. B. Chambost, miss. apost. et Grangeon, miss. Apost. »

« Double du Procès-verbal d’inhumation dans la chapelle du Collège général de Pulo Pinang, des restes du prêtre indigène Paul Chân, mis à mort pour la foi en Cochinchine » CG 063 Carton 10 :

« Nous soussignés Vicaire Apostolique et missionnaire de la Presqu’île de Malacca, et directeurs au Collège général de Pulo-Pinang, certifions par les présentes : Que le 14 décembre 1884, nous avons constaté l’authenticité du Procès-verbal de l’exhumation faite au Collège de Lang Song dans le vicariat apostolique de la Cochinchine Orientale des précieux restes du prêtre indigène Paul Chân, décapité pour la foi au Binh Dinh. Cette exhumation a été faite sous les yeux du Vicaire apostolique et de plusieurs missionnaires de cette mission lesquels ont signé le dit Procès-verbal. Que nous avons reconnu l’authenticité et l’intégrité des sceaux apposés par le Vicaire apostolique de la Cochinchine Orientale sur les 4 côtés à l’endroit de la jointure du couvercle d’une caisse de bois rouge tendre où il avait lui même enfermé les restes de ce prêtre. Que cette même caisse, entièrement enveloppée d’un voile de soie rouge a été par nous déposée dans une seconde caisse d’étain mesurant 0,56 c. de longueur, 0,28 c. ½ de largeur, 0,30 c. de hauteur. Près d’elle nous avons placé une copie authentique du procès-verbal de l’exhumation faite en Cochinchine et aussi un double authentique du présent procès-verbal. Que nous avons scellé cette caisse d’étain sur les 4 côtés à l’endroit de la jointure du couvercle, du sceau en cire rouge du Vicariat Apostolique de la Presqu’île de Malacca. Que nous avons déposé cette caisse dans le tombeau paré pour la recevoir dans la chapelle du Collège de Pulo Pinang à droite de la porte d’entrée. En foi de quoi nous avons signé le procès-verbal revêtu du cachet du Vicaire Apostolique de la Presqu’île de Malacca. Fait au Collège général de Pulo-Pinang le 14 décembre 1884. Le Procès verbal est signé : Édouard, év. d’Eucarpie, V.A. de Malacca, Ch. Grenier, prov. Ap. Hab, Girard, Laumondais, Guénneau, Fée, Cesbron, Damais, miss. apost. »

1526.

Vol. 340 B, p. 179, 1885.

1527.

Bulletin des MEP, 1959, p. 414-415.

1528.

« Aloysius Tsin, Kouang Si, 1914-1915, massacré en 1922. Antoine Ly, Yunnan, 1922-1929, prêtre, huit ans de travaux forcés, mort en prison en 1955. Joseph Tang, Swatow, 1924-1931, prêtre, serait mort dans les prisons communistes. Thaddeus Wong, Kê Yong, 1927-1932, prêtre, mort dans les prisons communistes en 1966 à Chenhai (Chine du nord). Cyrillus Tsolu, Kwe tam, 1927-1932, prêtre, condamné aux travaux forcés à Tsinghai (Nord du Tibet) mort en 1960. Paulus Neng, Swatow, 1932-1935, Prêtre, mort en 1958 après trois ans de captivité dans les prisons communistes. Paulus Neng Tsoang, Swatow, 1935-1940, alias Chen Pin Jên, mort dans les prisons communistes, décès annoncé le 11 mars 1961 dans le Sunday Examiner. Petrus Kiang Lip, Swatow, 1935-1940, alias Chen T’i Ming, idem. » À ce sujet, une coupure de journal, sans titre ni date, glissée dans le registre des élèves R-4, donne les informations suivantes : « Two Former Penang priests die in Red jail. Penang, wed. Two Catholic priests, graduates of Penang’s 152-year-old General College in Pulau Tikus, have died in jail in China. News of the death of Fathers Paul Chen Pin Jen and Peter Chen T’i Ming has been received by the college rector, Rev. Father F. le Duc. The two priests were arrested by the Communists in 1955 and where imprisoned in Tsing-Heu Province where they died. They were seminarians at the General College here from 1936 to 1940, when they returned to China to be ordained. Another former student of the General College, Father Stephen Vong Kee Chung, was assassinated by rebels in Kentung, Burma, last month. » Le registre R-4 indique en face du nom de Stephen Vong Kee Chung ( n° 1604) « pr. assassiné le 10-4-1961 », ce qui nous fournit par déduction, la date de la coupure du journal : mai 1961. Rappelons qu’en Malaisie, une guérilla communiste avaient tenu tête aux Anglais entre 1948 et 1952 et continua pratiquement jusqu’à l’indépendance en 1957.

1529.

Il a été assassiné par une junte militaire en novembre 1963.

1530.

« Une dimension sacrificielle de la fidélité, jamais étrangère à des horizons eschatologiques ou apocalyptiques est constitutive du catholicisme intransigeant de la France du XIXe siècle », Philippe Boutry, avant propos au livre de M. Sacquin, op. cit., p. 17.

1531.

Allocution de Mgr Germain, Bulletin de l’Œuvre des Partants, 2 septembre 1891, p. 386-387.

1532.

Annales de la société, juin 1900, p. 183.

1533.

Paroles de Claude Dallet (1829-1878), missionnaire en Inde. Cantique pour l’anniversaire de nos martyrs, mis en musique par Charles Gounod en 1869.

1534.

Annales de l’OPF, Lyon, 1822, t. 1, pages 25 à 28 ; lettre du P. Magdinier, contenant la lettre latine de Paul Cao, élève au séminaire de Pinang. 

1535.

DB 460-6, Compte rendu de la visite d’un cardinal membre de la Propagande, Vincente Vanutelli, au séminaire de la rue du Bac, adressé au P. Wallays, Paris, le 29 avril 1913.

1536.

Trait d’Union des Postulants missionnaires, lettre 8, 15 mars 1937. Voir Annexes, Suppléments, 2-2, « Vocations, prospecter ou convaincre ? Crise du recrutement et dilemmes de la Propagande aux Missions Étrangères de Paris (1930-1950) ».

1537.

Voir Annexes, Suppléments, 2-1, « Jean-Claude Miche (1805-1873). Un évêque des Missions Étrangères en Indochine, aux prémices de la colonisation française. »

1538.

Idem, 3 juillet 1842.

1539.

Cf. à ce sujet Jérôme Bourgon, Supplices chinois, Bruxelles, La maison d’à côté, 2007. Le lingchi consiste à démembrer et à écorcher vif le condamné.

1540.

Annales de la société, « Nos quarante-neuf Bienheureux », juin 1900.

1541.

On pense au Jardin des supplices, d’Octave Mirbeau, publié en 1899.

1542.

Léon XIII, « Bref de béatification des martyrs des missions », 7 mai 1900, Annales de la Société, juin 1900, p. 198.

1543.

Idem, p. 201.

1544.

« Je vous prie, très cher confrère, en mon nom et celui de nos écoliers de Siam, de nous faire peindre une belle image de St Louis de Gonzague suivant le modèle inclus ou tout autre qui pourra être meilleur. Je désire qu’elle ait au moins trois pieds de hauteur. Vous nous rendrez service si les vaisseaux portugais qui viendront à la nouvelle année nous l’apportent. Je vous ferai encore une demande, c’est de nous procurer de même une image de St Joseph : troisième demande un tableau de St François-Xavier de même grandeur », vol 892, Mgr Florens à M. Barondel, Pinang, 18 juin 1818.

1545.

Nombre d’entre eux sont présentés dans la crypte de la Chapelle du séminaire des Missions Étrangères, rue du Bac.