b. Environnement culturel et religieux

Jean-Claude Miche grandit pendant la période de renaissance du catholicisme, commencée après la chute du 1er Empire1635. Le catholicisme bénéficiant du régime de la Restauration, est en plein regain. Ce réveil de la religiosité fut notamment obtenu par la rechristianisation des campagnes. De nombreuses congrégations enseignantes, masculines et féminines, sont alors fondées ou réformées. C’est le temps des apparitions de la Vierge ; Catherine Labouré reçoit ses visions en 1830, déclenchant le fameux pèlerinage à la chapelle de la médaille miraculeuse, à Paris, rue du Bac. Les religieuses du Saint-Cœur de Marie qui, rappelons-le, recrutèrent deux des nièces de Jean-Claude Miche, sont directement issues de cette dévotion mariale. De grands pèlerinages régionaux jouissent d’une notoriété croissante; dans les Dombes, le curé d’Ars, Jean-Marie Vianney, dont la prédication commence en 1830, – l’année même de l’ordination de Jean-Claude Miche–, attire de plus en plus de visiteurs. Les missions de l’intérieur connaissent un développement remarquable, comme l’attestent encore aujourd’hui, dans les villages ou aux carrefours, les croix de mission. Les missions de l’extérieur sont, elles aussi, en plein essor.

L’ Église de France a tiré la leçon de la Révolution ; elle entend désormais opposer à l’universalité des droits de l’homme celle des droits de Dieu1636. En 1815, le séminaire des Missions Étrangères, fermé pendant la Révolution, rouvre ses portes, rue du Bac à Paris. Dans les paroisses, la vie des grands missionnaires est donnée en exemple aux fidèles, à l’instar du diocèse de Besançon, grand pourvoyeur de missionnaires où, sous l’impulsion des jésuites, le culte de Saint François-Xavier, missionnaire au Japon, se répand largement. A la sortie du grand séminaire, de plus en plus de jeunes prêtres quittent leurs diocèses pour devenir missionnaires, – chez les jésuites, aux MEP bien sûr, ou dans l’une des congrégations nouvellement fondées, maristes, oblats ou assomptionnistes –, au grand dam des évêques locaux. Simultanément, des publications pieuses se répandent dans les foyers catholiques. On lit les lettres édifiantes des missionnaires, publiées à partir de 1808, par l’œuvre de la Propagation de la Foi, fondée en 1819 à Lyon par Pauline Jarricot et son frère Philéas, (qui entra par la suite aux Missions Étrangères). Destinée à subvenir aux besoins des Missions, cette fondation connaît très vite un immense succès. L’OPF édite une revue, les Annales de l’œuvre de la propagation de la foi, dont le tirage frise les 200 000 exemplaires en 1860. On y découvre le récit des exploits des missionnaires, la description détaillée de leur martyre, la peinture des mœurs et des paysages des lointaines terres de mission. Les dons affluent : 313 000 francs en 1833, trois millions douze ans plus tard.

Comment la région des Vosges se comporte-t-elle en matière de religion, comparée au reste de la France ? La pratique y est majoritaire et ne se cantonne pas aux grandes fêtes carillonnées, contrairement au Bassin parisien, à la Bourgogne ou au nord du Massif central. Restées attachées à l’Eglise, les Vosges se situent entre deux régions où se recrutent de nombreux jeunes prêtres, le Nord et la Franche-Comté. Elles constituent en quelque sorte une marche catholique, aux confins de la Suisse et de l’Allemagne protestantes et du nord du Massif central, région de faible pratique, voire anticléricale. Notons que, si le dixième de l’ensemble des dons (souvent de petites sommes), faits à l’œuvre de la propagation de la foi, créée par Pauline Jarricot, provient de la région lyonnaise, l’Est occupe la deuxième place, devançant la Bretagne. Cet environnement religieux, à la fois triomphaliste et sur la défensive a contribué, peut-être plus qu’un autre, à éveiller des vocations de missionnaires convaincus de la nécessité de défendre et de propager le catholicisme. Comme partout ailleurs à partir du XIXe siècle, l’origine sociale des prêtres y est essentiellement populaire : les fils des familles bourgeoises n’entrent que rarement dans les ordres, désormais. Les jeunes prêtres proviennent majoritairement des milieux d’artisans, de petits commerçants, de domestiques, de journaliers. Tel est le cas exactement de Jean-Claude Miche ; sa famille compte des cordonniers, des serruriers, des domestiques, des vitriers, des charrons, des cabaretiers, des soldats1637.

Notes
1635.

Cf. G. Cholvy, La religion en France de la fin du XVIII e siècle à nos jours, Hachette, 1998 & J. Gadille et J.-M. Mayeur, (sous la direction de), Histoire du Christianisme tome XI, Libéralisme, industrialisation, expansion européenne (1830-1914), Desclée, 2001.

1636.

Claude Prudhomme, Missions chrétiennes et colonisation, XVI-XX e siècle, (p. 68), Cerf, 2004.

1637.

L’un des quatre fils de son frère Jean-François, Joseph-Maximilien, (né en 1833), soldat au 3e régiment d’infanterie de marine, mourut à Saigon le 27 avril 1871, soit deux ans et demi avant son oncle, qui y occupait alors les fonctions de Vicaire apostolique de Cochinchine occidentale.