e. Libération

Miche et ses compagnons sont condamnés à mort. Mais l’empereur Thieû Tri décide de surseoir à l’exécution lorsque, le 25 février 1843, la corvette l’Héroïne entre dans le port de Tourane (Danang). Son commandant, Favin-Lévêque, est chargé d’une mission diplomatique et commerciale :

‘Les marins de l’Héroïne descendaient de temps à autre à terre. Un jour, ils aperçurent derrière un massif de plantes, se dissimulant à moitié, un annamite qui les regardait avec anxiété. Dès qu’il se vit découvert, il se mit à faire de rapides signes de croix, en posant en même temps un doigt sur sa bouche. Les marins, en hommes intelligents, firent eux aussi le signe de la croix et, en indiquant à l’indigène qu’il n’avait rien à redouter, s’approchèrent de lui. Tout en continuant à faire le signe de la croix et à regarder avec crainte autour de lui, l’Annamite remit une lettre à l’un des matelots. La lettre était adressée au commandant de l’Héroïne par un jeune prêtre des Missions Étrangères, M. Chamaison. Elle annonçait la détention et la condamnation à mort de cinq missionnaires1688. ’

Favin-Lévêque prend alors une initiative. Il lance un ultimatum, menaçant de mouiller l’ancre devant la barre de la rivière de Hué, face au palais impérial. Le 7 mars, il fait parvenir, non sans difficultés, une lettre au grand mandarin Ong-Qué, premier ministre et beau père de l’empereur :

‘Cinq infortunés, cinq français placés sous le poids d’une condamnation à mort, sont détenus depuis bientôt deux ans, dans les cachots de Hué-Fo et y souffrent journellement les tourments les plus affreux. La France a entendu leurs cris de détresse et je viens, au nom de Sa Majesté le roi des Français, réclamer leur mise en liberté, pour les ramener dans leur patrie. Déjà, et grâces en soient rendues au Dieu qui dirige la pensée des rois comme celle des simples mortels, déjà Sa Majesté le roi de Cochinchine a, dans sa justice et sa clémence, suspendu le glaive du bourreau prêt à frapper la tête de ces malheureux. Que sa majesté veuille bien donner un libre cours à ses sentiments généreux. En agissant ainsi, elle évitera non seulement les chances funestes d’une rupture possible avec la France, mais elle attirera sur son règne et son auguste personne les actions de grâces et les bénédictions de tous les Français1689. ’

Le 12 mars, les prisonniers français montent à bord de l’Héroïne, où ils sont reçus avec les honneurs militaires.

Notes
1688.

A. Launay, op. cit., Les missionnaires français au Tonkin, p. 90.

1689.

Idem, p. 93