6. Vicaire apostolique de la Cochinchine occidentale (1864-1873)

a. Administrateur du Cambodge (1864-1869)

À la fin de l’année 1864, après la démission de Mgr Lefebvre, qui rentre en France (il meurt à Marseille deux ans plus tard), Mgr Miche apprend sa nomination au vicariat apostolique de Cochinchine occidentale. Le jour de son intronisation, l’amiral de La Grandière, gouverneur de Cochinchine, lui fit rendre les honneurs militaires. Quelques mois plus tard, en juin 1865, le prélat célébrait publiquement la Fête-Dieu à Saigon, où il réside désormais. Preuve des excellents rapports qui s’étaient noués avec l’amirauté, les diverses entremises de l’évêque de Dansara lui valurent la légion d’honneur, le 16 octobre 1865 ; il reçut également les insignes de l’ordre du Cambodge. Bien qu’installé à Saigon, il conserva, à sa demande, l’administration de sa précédente mission jusqu’en 1869 :

‘Vous savez aussi, Messieurs, que lorsque j’ai été transféré du Cambodge en Cochinchine, j’ai conservé le titre d’administrateur du Cambodge et j’ai même prié la Sacrée congrégation de surseoir à toute nomination d’un vicaire apostolique pour cette mission, parce que à cette époque, l’état des choses ne me paraissait nullement stable. Les perturbations continuelles de ce pays ne permettront jamais à la mission de s’y installer de manière perdurable. Il faut de toute nécessité lui trouver un moyen d’existence ; et ce moyen vous le savez, Messieurs, c’est l’annexion des provinces de An Giang et de Ha Tien à la mission du Cambodge1786. ’

Le prélat ne démord donc pas de son projet de rattacher au vicariat du Cambodge les régions situées à l’ouest du delta du Mékong. Ses missionnaires, écrit-il, inactifs à Phnom Penh, ne parlent pas le cambodgien. L’annexion leur fournirait la charge de 3000 chrétiens annamites environ, dont ils connaissent la langue : elle créerait les conditions d’une féconde émulation entre les deux populations. Mgr Miche ne cherchait nullement à préparer la restitution au Cambodge d’une partie de son territoire. Rappelons que c’est précisément cette région qui, occupée par l’Annam, était revendiquée depuis par le Cambodge et à propos de laquelle An Duong avait sollicité l’aide de Napoléon III en 1854. Les projets du vicaire apostolique de Cochinchine cependant, risquaient de chiffonner les autorités françaises, soucieuses avant tout de préserver les relations difficilement apaisées entre les deux pays. Il veillait donc à rester dans les meilleurs termes avec l’amiral de La Grandière, catholique et protecteur des missionnaires. Lors de la conquête finale de la Cochinchine et de l’Annam par les Français, il coopère une nouvelle fois avec la marine :

‘25 janvier 1867. L’amiral est entré triomphalement dans la ville de Vinh Long. Il a eu le bon goût d’entrer par les portes et non par la brèche. On n’a pas brûlé une amorce. Le vice roi est venu recevoir l’amiral avec 4 cochons rôtis et lui a dit, vous êtes le plus fort, c’est là votre droit, nous nous retirons. De là l’armée triomphante est partie pour Ha Tien où elle a reçu le même accueil. Je jubile car nos chrétiens n’auront pas à souffrir. La veille de son départ, l’amiral a eu la bonté de me faire part de son plan. Jamais je n’ai vu pareille gentillesse. Je me suis rendu chez lui pour le remercier et je lui ai marqué sur la carte les points vulnérables de la mission1787. ’

Assuré du soutien de l’amirauté, conforté par l’évolution de la situation militaire, Mgr Miche recommande quand même le plus grand tact à ses confrères, qui doivent négocier à Paris son projet de rattachement de la Basse Cochinchine. Il agit lui-même fort prudemment :

‘Devant écrire à Rome et à Paris sur mon projet de division, j’en ai fait part à M. de La Grandière. Mon dessein lui a paru agréable ; cependant, il faut dire que pour prévenir toute objection, je lui ai donné à entendre que c’était le Cambodge que j’agrégeais à la Cochinchine et non la Cochinchine au Cambodge. Il a souri de plaisir. Si vous traitez cette affaire avec le gouvernement français, traitez-la sur ce pied et je vous promets un succès complet1788. ’

Un an plus tard, Mgr Miche, vieillissant et affaibli, renonçait à l’administration du Cambodge et consacrait ses dernières forces à la Cochinchine.

Notes
1786.

Mgr Miche, lettre au conseil des directeurs du séminaire de Paris, Saigon, 28 juin 1867, AME, vol. 148.

1787.

Mgr Miche, lettres à Penang, 25 janvier 1867, AME, vol. 748

1788.

Mgr Miche, Saigon, 28 septembre 1868, AME. vol. 150.