Sur l'ensemble de la période étudiée, les comptes sont systématiquement rédigés en latin, à l'exception des citations de documents rédigés en français. L'écriture des clercs chargés de la rédaction des comptes est semblable dans la plupart des cas. Il s'agit d'une écriture cursive, très facilement lisible avec un peu de pratique, marque indéniable d'une volonté très claire de faciliter la relecture ultérieure des comptes par d'autres personnes. Les abréviations sont nombreuses, mais leur répétition permet de les identifier assez facilement. Parmi les abréviations à la fois les plus fréquentes et les plus variées, on peut distinguer celles des types de monnaies. Ainsi, les deniers de gros tournois (denarii grossorum turonensium) peuvent être de bon ou de petit poids (boni ou parui ponderis) et être respectivement désignés par les abréviations suivantes : d g t(ur) boi pond ou d g t(ur) pui pond. Les monnaies moins fréquemment mentionnées le sont d'ordinaire avec un minimum d'abréviations.
Cette écriture presque standardisée est proche de celles employées dans les autres chancelleries d'Europe occidentale et, en règle générale, par les notaires de la région.123 Des majuscules marquent occasionnellement le début des rubriques, mais ne servent jamais à souligner l'importance particulière d'un mot. La première lettre d'un compte est souvent plus travaillée, parfois même historiée. On trouve ainsi dans un compte de 1402 une représentation du château d'Annecy dans le "C" de Computum (doc. 14).
Dans les deux cas de figure – cahier ou rouleau – le support est parfois préparé par le tracé de fines lignes à la mine de carbone, ce qui facilite le travail d'écriture pour le clerc. Les encres utilisées varient du brun clair au noir, le choix paraissant dicté par ce dont dispose le clerc au moment d'entamer la rédaction. Il n'est ainsi pas rare de constater un changement d'encre au milieu d'un compte, même si une encre différente témoigne plus souvent d'une reprise du compte postérieure à sa rédaction. La mise en page est, elle aussi, similaire dans les deux systèmes. Le texte est justifié, à l'exception des intitulés de rubriques, inscrits dans la marche de gauche, et des éventuelles mentions uide ("à vérifier") ou uide dorso / uide in dorso ("voir au dos") des comptes savoyards. Celles-ci indiquent respectivement qu'une indication doit faire l'objet d'une vérification ou qu'une précision a été ajoutée au dos. Ces mentions peuvent figurer dans les deux marges, parfois dans l'interligne d'un paragraphe. Du fait de la justification, les montants sont systématiquement alignés à droite et séparés du texte par une ligne tracée à main levée. Les totaux sont doublement mis en évidence par un centrage et par l'emploi d'une majuscule pour la première lettre (Summa, Et sic). Cette présentation se rapproche de celle employée pour les comptes de la commanderie francilienne de Saint-Denis, sauf que ceux-ci sont rédigés sur deux colonnes alignées à gauche et non justifiées.125Les principales caractéristiques des deux types de supports employés dans les deux principautés sont résumées dans le tableau suivant (doc. 15).
Dauphiné | Savoie | |
Support | cahiers papier in quarto, reliés en registre, couvertures en parchemins recyclés | peaux de parchemin cousues en rouleau |
Objet | bailliage | châtellenie |
Dimensions | au maximum 50 x 30 cm, 4 à 30 feuillets par cahier, plusieurs centaines de feuillets dans certains registres | au maximum 50 cm de large, les rouleaux atteignant plusieurs dizaines de mètres 126 |
Pièces justificatives | glissées dans le registre, parfois cousues | cousues ou glissées dans le rouleau |
Modalités de correction | annotation du texte, utilisation des feuillets vierges | annotation du texte, renvoi marginal au verso, ajout de peaux |
Cette présentation soulève deux questions que l'on approfondira plus loin : celle de la nature des mécanismes de contrôle administratif et financier et celle de la place relative des châtelains par rapport à celle des baillis. Cette organisation interne commune aux deux principautés répond bien à la double nécessité de clarté et de lisibilité propre aux documents comptables. Elle facilite leur consultation, leur vérification et – essentiellement en Savoie – leur amendement.
Elle est par exemple employée pour la rédaction de l'acte de cession du château de Crangeat à Amédée de Rossillon par Guillaume Bochard (1477).
D'après MARIOTTE (J.-Y.) (dir.), Histoire des communes savoyardes, t. III, p. 45.
Conseils pour l'édition des textes médiévaux, p. 242-249.
ADCO B8355, Miribel (1359-1360) mesure ainsi 22 m, une fois déroulé.