Le territoire défini plus haut correspond, en réalité, à une mosaïque de plaines, de vallées, de montagnes et même de côtes (doc. 17).
Les Alpes occidentales, loin de représenter une "frontière naturelle", constituent le cœur de cet ensemble. Encore faut-il comprendre de quelle montagne il s'agit : on ne trouve guère de trace d'occupation humaine au-dessus de 2000 m, à l'exception notable du Queyras, où l'enclavement hivernal à poussé les hommes à s'installer jusqu'à Saint-Véran, où les mines de cuivre situées à 2640 m sont exploitées dès l'époque protohistorique.198 D'une manière plus générale, les habitats permanents restent circonscrits au-dessous de la limite des forêts et des alpages, vers 1500 m. Outre le relief lui-même et le risque d'avalanches et autres chutes de pierres qui en découle, les caractéristiques principales du milieu montagnard sont l'existence de grandes forêts de résineux (en simplifiant, sapins et épicéas au nord, pins et mélèzes au sud), d'immenses prairies d'altitude et de nombreux torrents aux régimes variables. Le climat y est en général frais et humide, avec des orages parfois violents, la température baissant bien évidemment quand l'altitude augmente.
Les massifs sont séparés par quelques grandes vallées, en particulier celles de l'Isère, trait d'union entre les deux principautés, et de la Durance, axe majeur reliant le Dauphiné à la Provence. Ces vallées forment plusieurs cuvettes, comme celles de Gap et de Grenoble. Il existe de nombreux lacs, dont les plus importants en superficie sont situés entre Genevois et Savoie Propre : il s'agit du lac Léman et de ceux d'Annecy et du Bourget. Le climat est évidemment tempéré à proximité de ces étendues d'eau, en particulier autour du Léman, véritable mer intérieure du monde alpin, séparant Chablais, pays de Vaud, Genevois et Valais. Les principales agglomérations alpines sont situées dans ces zones plus hospitalières, notamment Grenoble et Chambéry. On note d'ailleurs, à partir de la fin du XIIIe siècle, l'importance que prennent ces nouvelles capitales au détriment de cités comme Saint-Marcellin ou Montmélian, moins bien situées. Par ailleurs, les rives du lac Léman sont les lieux de villégiature privilégiés des souverains savoyards à partir du principat d'Amédée VII. On notera que Genève, bien que située nommément hors de la principauté savoyarde, en fait partie de facto à partir du pontificat d'Amédée VIII.
Aux marges des plus hauts massifs, deux grands piémonts : d'une part, la région italienne éponyme, qui se prolonge par la plaine du Pô ; d'autre part, le Bas Dauphiné, dont la déclivité diminue vers l'ouest et le nord pour se confondre avec la vallée du Rhône, donnant un paysage de plaines (Isle Crémieu, Bièvre-Valloire, plaine de Valence) ou de collines (Baronnies).199 Ces piémonts, apparus lors du retrait des glaciers würmiens, sont dans l'ensemble plus fertiles et hospitaliers que les zones de moyenne montagne (température plus douce, précipitations moins régulières, bien que parfois très fortes). Deux grands plateaux plutôt secs surplombent ces régions : celui du Vercors au sud et d'Hauteville au nord. Le couloir rhodanien, de plus en plus chaud et venteux à mesure que l'influence méditerranéenne se fait sentir, marque la limite occidentale du domaine delphino-savoyard. On y trouve, du nord au sud, de grandes agglomérations liées aux deux principautés, sans en faire véritablement partie : Lyon, ville royale à partir de 1312, Vienne, cité épiscopale sur laquelle le Dauphin n'exerce pas d'autorité réelle, ou encore Valence, tardivement intégrée au Dauphiné. Enfin, deux régions doivent être citées à part : au nord, la Bresse et la Dombes, plates, parsemées d'étangs, peu boisées et au climat généralement humide ; au sud, Nice et son arrière-pays, au climat méditerranéen chaud et sec.
Dans ces deux régions, la pisciculture représente naturellement l'une des principales sources de richesse. Au même titre que la montagne, l'eau est d'ailleurs l'un des éléments les plus marquants du paysage delphino-savoyard. Cours d'eau, étangs, lacs et marais200 sont en effet omniprésents, dans le paysage comme dans les textes. La forêt occupe aussi une place importante : forêts d'altitude, ripisylves ou simples bois représentent aussi une source de nourriture, donc de revenus et de pouvoir. Ainsi, ce n'est pas pour rien que l'essentiel des conflits territoriaux locaux rapportés par les archives concerne les alpages, les cours d'eau ou les forêts.
BLIGNY (B.), Histoire du Dauphiné, p. 68 et GRADOS (J.-J.), Le guide du Queyras, p. 57.
Pour une analyse détaillée de l'origine et de la morphologie du Bas Dauphiné, voir la synthèse de BRAVARD (J.-P.), Le Bas Dauphiné, ainsi que l'ouvrage plus ancien de BOURDIER (F.), Le bassin du Rhône au Quaternaire.
Bien plus nombreux qu'aujourd'hui, comme en témoigne la subsistance d'innombrables toponymes aux noms évocateurs, comme La Palud, par exemple, près de Sallanches, sur la commune de Domancy.