2.1.1. La basse-cour

Termes liés dans les comptes étudiés : braia, palanchia, receptum, bassa curtis, posterla, stabula, capella, turris.

C'est une constante, la défense du site repose en premier lieu sur l'imbrication d'au moins deux enceintes séparant deux cours distinctes. Les enceintes sont rarement définies comme telles, les sources évoquant en général les "murs du château". Le terme de basse-cour apparaît quant à lui tardivement dans la documentation, lors d'une visite de Moras (1473) et de la vente du château de Crangeat (1477).880 A Château-Queyras, elle est désignée sous le nom de recept, d'usage fréquent en Bresse et en Bugey.881 Cette cour est ceinte d'un mur appelé "braies" à Montluel et Château-Queyras, qu'on trouve souvent qualifié de courtine dans la bibliographie. Dans tous les cas, il s'agit de murs, non de simples palissades en bois, doublés de fossés au moins sur une partie de leur tracé à Moras et Montluel, le relief étant sans doute jugé suffisant à Château-Queyras, même s'il peut s'agir d'une simple lacune des sources écrites.

On peut franchir cette enceinte par une à trois portes, précédées de ponts-levis si besoin est, les portes secondaires étant occasionnellement qualifiées de poternes. L'accès à ces portes se fait systématiquement en exposant son flanc droit au tir des défenseurs, selon un principe défensif préconisé par Vitruve et dont Alain Kersuzan a souligné l'application pratiquement systématique dans les châteaux savoyards.882 En outre, ces enceintes sont flanquées de tours et tourelles d'angles, qui assurent un meilleur degré de protection. Aucune préférence ne semble accordée quant à leur forme, circulaire ou quadrangulaire.

Les braies sont renforcées par des structures en bois positionnées du côté extérieur, que ce soit contre les murs (barbacanes) ou en encorbellement (chaffaux, échiffes). Leur présence implique celle de chemins de rondes et l'utilisation massive d'échelles, certaines permettant probablement de franchir les différentes enceintes. Ces structures sont régulièrement réparées et sans doute déplacées en fonction des circonstances. Chaffaux et échiffes sont probablement, à l'origine, des types de structures différents, mais les sources des XIVe-XVe siècles les emploient de manière indistincte pour désigner des plateformes posées en encorbellement du côté extérieur des remparts.

L'organisation interne des basses-cours est relativement mal connue, les sources étant peu disertes à leur propos. Celle du château de Moras est un véritable quartier d'habitation, héritier du castrum d'origine. C'est sans doute le cas également à Sallanches et Montluel, où la basse-cour abrite l'église paroissiale. On peut supposer que des familles nobles y résident, notamment à Sallanches, où la famille de Menthon est probablement déjà installée au XIVe siècle, cas de figure qu'on rencontre fréquemment dans les châteaux du sud-ouest de la France. Tout cela fait de la basse-cour un espace largement ouvert à la circulation des habitants, des agents du pouvoir et des visiteurs.

A cette fonction résidentielle, la basse-cour associe une incontournable fonction utilitaire. Elle abrite en effet des bâtiments dont le voisinage causerait trop de désagréments au châtelain, principalement les écuries, mais aussi la cuisine à Moras en 1473.

Notes
880.

A propos de la vente du château de Crangiat, voir l'annexe 8.

881.

KERSUZAN (A.), Défendre la Bresse et le Bugey, p. 191.

882.

Ibid., p. 197.