2.1.3. Le logis

Termes liés dans les comptes étudiés : donionis, domus, edifficium, magna turris, aula, camera, sala, garda roba.

Le logis, bâtiment principal de la haute-cour, sert à la fois résidence du châtelain et de lieu d'exercice du pouvoir. Encore une fois, les termes utilisés pour le désigner sont variables. Il est ainsi qualifié de domus à Sallanches et de donjon à Château-Queyras, plus souvent de grande tour dans les deux cas. On a vu précédemment que, dans ces deux exemples, le donjon ou la domus pouvait aussi être interprété comme l'ensemble de la haute-cour, ce qui pose ponctuellement quelques difficultés d'interprétation des textes. Le logis n'est mentionné qu'une seule fois à Moras, sous le nom d'edifficium, tandis qu'il n'est jamais cité explicitement à Montluel. Dans ces deux derniers exemples, il s'agit quoi qu'il en soit d'un bâtiment distinct de la grande tour, d'où ma préférence pour le terme plus neutre de logis, qui présente cependant le double inconvénient de ne pas être employé dans les textes contemporains et d'évoquer plutôt le caractère résidentiel de l'édifice.

Il ne s'agit pas forcément d'un unique édifice, mais parfois d'un ensemble de bâtiments mitoyens, comme à Bonneville (doc. 161) ou Albon (doc. 162).

Doc. 161. Le château de Bonneville (1339-1385) © Paniouchkina-Moullet & Tudor
Doc. 161. Le château de Bonneville (1339-1385) © Paniouchkina-Moullet & Tudor PANIOUCHKA-MOULLET (V.) et TUDOR (A.), Ville de Bonneville (Haute-Savoie). Etude préalable aux travaux de restauration et de mise en valeur du Château des sires de Faucigny, 5B.

L'espace plus particulièrement résidentiel est la camera, terme que je ne me suis permis de traduire par "chambre" que dans le cas de Château-Queyras, tant ledit caractère résidentiel était affirmé. Le reste du temps, celui-ci n'est pas suffisamment mis en avant pour qu'on puisse affirmer qu'elle est strictement réservée à l'usage du châtelain, l'espace privatif du châtelain de Montluel étant la garde-robe, par exemple. On peut supposer que, la plupart du temps, la camera est, comme l'aula, une pièce d'apparat. La salle ou aula est le lieu de représentation du pouvoir du châtelain. C'est pourquoi elle est souvent en hauteur, renforçant ainsi l'aspect majestueux du lieu pour le visiteur qui contemple la vue. C'est le cas des aule d'Albon, Château-Queyras ou de Montluel, mais aussi de celles des châteaux bressans et bugistes.889 Seule la grande salle du château de Sallanches ne respecte semble-t-il pas cette règle. Les comptes sont plutôt avares d'informations sur le mobilier présent dans ces logis. Les inventaires les plus complets concernent Château-Queyras et ils ne montrent pas de différence majeure dans l'ameublement des différentes pièces de la grande tour : on trouve à chaque étage des coffres, des bancs, des tables, mais aussi des ustensiles de cuisine.

Cette tripartition fonctionnelle entre un logis et deux cours se retrouve non seulement dans les exemples traités ici, mais aussi dans la plupart des châteaux dauphinois et savoyards qui ont fait l'objet de recherches au cours de la décennie écoulée. Elle est valable aussi bien pour de simples centres de châtellenies que pour des résidences prestigieuses, comme Albon ou Bonneville. Il y a cependant des exceptions, au premier rang desquels les grandes résidences princières, comme celles d'Annecy ou Chambéry, mais aussi certains châteaux de plaine (Saint-Trivier-de-Courtes) et plus généralement les châteaux implantés en milieu urbain, comme celui de Nyons. Dans ces ensembles, la basse-cour est en général inexistante, les bâtiments, particulièrement imposants dans le cas des résidences princières, étant organisés autour d'une cour unique.

Néanmoins, on peut admettre comme postulat de départ que le château comtal delphino-savoyard comprend normalement un logis ou un ensemble de bâtiments à la fois résidentiels et officiels situés dans une première cour, la basse-cour abritant des bâtiments utilitaires et, éventuellement, d'autres bâtiments d'habitation.

Notes
887.

PANIOUCHKA-MOULLET (V.) et TUDOR (A.), Ville de Bonneville (Haute-Savoie). Etude préalable aux travaux de restauration et de mise en valeur du Château des sires de Faucigny, 5B.

889.

KERSUZAN (A.), Défendre la Bresse et le Bugey,.