Au-delà de la base commune définie précédemment, on peut mettre en perspective l'évolution des quatre sites étudiés au cours de leur histoire respective. Il est ainsi possible de différencier cinq phases successives, marquées respectivement par la construction du château de Moras (Xe-XIe s.), la rénovation de celui de Montluel (XIIe s.), la construction de ceux de Sallanches et du Queyras (XIIIe s.), le développement de ces derniers (XIVe s.) et enfin le renforcement des deux premiers (XVe s.). Pour tester ce découpage chronologique, il a fallu réduire le corpus aux 199 ensembles pour lesquels une datation précise pouvait être proposée, parmi lesquels 151 châteaux. Ces ensembles apparaissent tous dans la documentation entre 838 (bourg de Romans) et 1476 (maison-forte de la Tour Noire, à Magland), le château le plus anciennement attesté étant celui de Mantaille (858), le plus récent celui de Villy (1448). La taille modeste de cet échantillon s'explique par le manque de données relatives aux châteaux les plus anciens, pour lesquels on dispose au mieux d'une date d'apparition tardive. Sa représentativité n'est donc pas forcément assurée. Néanmoins, il peut donner une indication des principales tendances du développement du phénomène castral en Dauphiné et en Savoie (doc. 163).
Montluel | Moras | Sallanches | Queyras | |
avant 1140 | 1080-1176 : vieux château | avant 1009 : premier castellum |
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1140-1249 | 1176-1276 : construction du château neuf | 1227-1330 : développement et fortification du bourg | 1140-1263 : existence d'un premier château ? | |
1250-1338 | 1276-1289 : fortification de la ville | 1263 : construction ou réfection du château | 1250-1265 : construction du château | |
1339-1395 | 1349-1360 : prise par les Savoyards puis nombreuses réparations | 1339-1370 : mise en défense de la maison de Gex | 1339-1395 : agrandissement du château et mise en défense | |
après 1395 | 1422-1445 : mise en défense et adaptation à l'artillerie | 1418-1473 : mise en défense et adaptation à l'artillerie | 1370-1426 : amélioration du confort | 1395-1430 : réfection générale et amélioration du confort |
Il existe un décalage, à la fois chronologique et géographique, entre les deux châteaux de plaine, plus anciens, renforcés au XVe siècle, et les deux châteaux de montagne, plus récents, progressivement remaniés entre leur construction et le premier tiers du XVe siècle. Ce simple constat ne permet naturellement pas de définir une règle générale et il faut élargir l'analyse à l'ensemble des châteaux de l'échantillon. Pour cela, on peut établir la distribution dudit échantillon en fonction des périodes précédemment définies (doc. 164) et construire le graphique cumulatif du nombre de châteaux et plus généralement d'ensembles fortifiés de l'échantillon attestés dans la documentation (doc. 165),
châteaux | autres ensembles | total | |
838-1139 | 26 | 7 | 33 |
1140-1249 | 34 | 5 | 39 |
1250-1338 | 72 | 23 | 95 |
1339-1395 | 10 | 7 | 17 |
1396-1476 | 9 | 6 | 15 |
total | 151 | 48 | 199 |
L'augmentation considérable du nombre de châteaux connus entre le milieu du XIIIe siècle et le premier tiers du XIVe siècle est évidente et permet donc de replacer la construction des châteaux de Sallanches et du Queyras dans un contexte régional bouillonnant. Sans doute doit-on y voir en particulier une conséquence à la fois de la guerre delphino-savoyarde et de la transformation de l'administration territoriale des deux principautés. On peut affiner ce phasage en construisant une nouvelle distribution fondée sur le découpage de l'échantillon en quintiles890, ce qui donne une idée plus objective du rythme de la construction des ensembles fortifiés (doc. 166).
châteaux | autres ensembles | total | |
838-1176 | 31 | 9 | 40 |
1177-1250 | 34 | 3 | 37 |
1251-1283 | 32 | 5 | 37 |
1284-1321 | 32 | 13 | 45 |
1322-1476 | 22 | 18 | 40 |
total | 151 | 48 | 199 |
La différence observée est due surtout au très grand nombre d'ensembles fortifiés bâtis entre le milieu du XIIIe siècle et celui du XIVe siècle, période qui apparaît ainsi comme décisive dans la mise en place des réseaux de fortifications au sein de l'espace delphino-savoyard. Inversement, la réunion des deux dernières périodes définies précédemment en un seul quantile confirme que leur distinction n'a de sens que si on s'intéresse à l'évolution interne des ensembles fortifiés. Voyons à présent dans le détail ce qui caractérise chacune de ces phases.
Chaque quintile correspond à la durée nécessaire pour que le nombre de châteaux de l'échantillon déjà construits augmente de 31.