Le XVe siècle voit dans la région une évolution des formes castrales vers ce qu'on pourrait appeler les premiers châteaux modernes. D'une part, ceux que je viens de citer bénéficient d'aménagements importants destinés à améliorer leur confort global. C'est le cas des deux châteaux de montagne présentés ici, ainsi que celui du château de Bonneville, transformé en véritable résidence princière après 1385, par l'adjonction d'un second logis et de chambres supplémentaires (doc. 180).
L'essor des palais est d'ailleurs un des points les plus marquants de cette période. Le château de Ripaille (doc. 182), bâti en 1434 à l'emplacement d'un pavillon de chasse datant de l'époque d'Amédée VII, est un vaste ensemble résidentiel comprenant initialement sept tours, correspondant chacune à un espace semi-privatif réservé au duc ou à ses conseillers. Situé au bord du lac Léman, à proximité d'autres ensembles fortifiés, ce palais n'a aucune fonction militaire et est donc très différent des constructions mentionnées jusqu'à présent, préfigurant, de ce point de vue le château du XVIe siècle. Le cas de Ripaille est toutefois exceptionnel par sa double fonction de palais princier et de quasi-ermitage, voulue par Amédée VIII, alors retiré pour un temps des affaires du pouvoir. C'est en tout cas le seul château princier totalement nouveau construit dans la région depuis le XIIIe siècle. Cette amélioration du caractère résidentiel des châteaux n'est pas propre au monde delphino-savoyard, qui suit un mouvement amorcé vers le milieu du XIVe siècle par la construction du palais des papes en Avignon ou l'agrandissement du château de Vincennes par Charles V. Les principaux châteaux royaux ou princiers des régions francophones connaissent alors une évolution similaire vers un confort plus grand.933
Les châteaux les plus anciens, comme Moras et Montluel, font à cette même époque l'objet d'importants travaux d'adaptation aux besoins nouveaux générés par l'introduction de l'artillerie : érection de glacis pour gêner le tir des ennemis, percement de canonnières, etc. Le château du XVe siècle prend ainsi, dans l'ensemble, un aspect encore plus monumental que précédemment. Les constructions nouvelles, plutôt rares (6% des châteaux, 13% des autres ensembles, doc. 181) appartiennent, selon les cas, à l'une ou l'autre de ces deux catégories. Ainsi, le second château de Beaurepaire est bâti après 1437, sur ordre du Dauphin Louis II, sur une colline qui constitue une position plus facilement défendable que celle du château originel, situé au cœur de la ville.935 Son rôle à la fois symbolique et stratégique est ainsi renforcé.
Dans les châtellenies du Faucigny, le mouvement de construction de maisons-fortes se poursuit, des familles comme celles de la Frasse ou de Lucinge en possédant désormais plusieurs dans le bailliage, qui constituent autant de résidences pour les différents membres du lignage. En 1458, la maison de Hautetour est complètement transformée, abandonnant son plan initial pour celui d'un unique logis, flanquée d'une tourelle d'angle circulaire. On a vu que le plan des maisons-fortes sallanchardes était différent, la tour occupant le centre d'une des façades. Encore une fois, les tours rondes, bien qu'omniprésentes ne sont pas la norme, un bâtiment comme la Tour Noire de Magland présentant toujours l'allure d'une grande tour quadrangulaire.
PANIOUCHKA-MOULLET (V.) et TUDOR (A.), Ville de Bonneville (Haute-Savoie). Etude préalable aux travaux de restauration et de mise en valeur du Château des sires de Faucigny, 6B.
MESQUI (J.), Châteaux et enceintes de la France médiévale, t. 1, p. 82-83.
www.panoramio.com, avril 2009.
Histoire des communes de l'Isère. Généralités. Arrondissement de Vienne, p. 160-168.