3.2.2. Des mouvements : gabelles, péages et routes commerciales

Les marchés et les foires attirent des visiteurs, que ce soit sous la contrainte comme en Queyras ou, plus fréquemment, des marchands venus des châtellenies voisines, voire de plus loin. Suivant la logique du temps, Dauphins et princes de Savoie en profitent pour obtenir des revenus complémentaires, par l'implantation de péages le long des axes de circulation. Il ne faut d'ailleurs pas imaginer que ces droits de passage concernent exclusivement les routes commerciales. Les péages des villeneuves de Vals et de Bertheux, par exemple, sont situés sur un axe secondaire perpendiculaire à la vallée de la Galaure, hors des grandes voies supposées. La traversée des ponts de la châtellenie de Sallanches est aussi le prétexte au paiement d'un droit de passage, que ce soit le pont sur l'Arve, entre Sallanches et Saint-Martin, ou celui qui permet de traverser le torrent d'Arvillon en direction de Megève. Ces droits ne finissent pas toujours dans les coffres de l'administration princière. Ainsi, en 1431-1432, le lieutenant d'Amédée de Crécherel doit intervenir pour rappeler à deux nobles que les voies publiques, en particulier la route de Saint-Martin, sont la propriété de la communauté de Sallanches.1070

En outre, chacun doit s'acquitter de ces droits de passage. Ainsi, à Abriès, sont taxées son seulement les personnes qui se rendent au marché, mais aussi celles qui ne font que traverser le bourg.1071 A l'échelle de la châtellenie, le péage est ainsi l'outil le plus simple et le plus efficace dont dispose l'administration princière pour taxer les déplacements. Comme celles liées au contrôle des marchés, les recettes que lesdites administrations delphinale et savoyarde tirent de ces péages sont très variables en fonction des lieux et des années. On peut les comparer aux revenus des châtellenies concernées pour la même année (doc. 215).

Doc. 215. Revenus de quelques péages en Dauphiné et en Savoie (1321-1357)
châtellenie péage année recette
(d)
revenu de la châtellenie
(d)
Beaurepaire 1321 1072 2634,9 2737
1322 1073 902,2 5369,7
Montluel Bois Rond 1357 1074 18 4759,1
Roybon 1322 1075 588,1 3981,5
Serves 1322 1076 23874,5 786,6
Vals Bertheux 1333 1077 5,1 385,5

A Vals et surtout à Montluel le revenu du péage est pratiquement négligeable par rapport à celui de la châtellenie. En revanche, les autres génèrent des recettes intéressantes, en particulier celui de Serves, qui contrôle un point d'accès incontournable de la vallée du Rhône.

En changeant d'angle de vue, on peut s'interroger sur les axes suivis par les marchands de passage dans l'espace delphino-savoyard. L'étude des réseaux castraux et de la mise en place des villeneuves du Viennois a montré que le pouvoir central pouvait influer de manière concrète sur l'orientation des axes en question, ce que confirme l'itinéraire officiel mis en place par Amédée V en 1300. Le comte de Savoie étend alors le conflit qui l'oppose au Dauphin à la sphère économique, en garantissant sa protection aux marchands italiens désireux de se rendre aux foires de Chalon ou d'en revenir.1078 Son objectif est d'encourager lesdits marchands à séjourner exclusivement sur ses terres ou celles de ses alliés : en passant par la vallée de Suse, la Tarentaise, la combe de Savoie, la Novalaise, le Bugey et enfin la Bresse, les marchands profitent d'un itinéraire plus direct que celui qui, auparavant, les faisait rejoindre la vallée du Rhône à travers le Viennois. La création de Beaurepaire en 1309 est sans doute une des réponses dauphinoises à cette nouvelle forme de concurrence : désormais, le Dauphin est en mesure de garantir lui aussi aux marchands un voyage tranquille au moins jusqu'aux portes du Viennois savoyard. On comprend mieux l'intérêt économique que chacune des deux parties trouve dans la continuité territoriale issue du traité de Paris.

Notes
1070.

ADS SA14245, Sallanches (1431-1432) : Recepit a Michalleto de Passu, quia appropriauit de itinere publico tendente a Salanchia uersus Ioriam Arsam (…) Recepit a Guichardo dou Cheney, quia appropriauit de itinere publico a uilla Salanchie uersus pontem Sancti Martini et territorium de Bullioso, ultra uoluntatem comunitate dicti loci Salanchie (…).

1071.

FALQUE-VERT (H.), L'homme et la montagne en Dauphiné, p. 114.

1072.

ADI 8B352, Beaurepaire (1320-1321).

1073.

ADI 8B353, Beaurepaire (1321-1322).

1074.

ADCO B8547, Montluel (1356-1357).

1075.

ADI 8B353, Roybon (1321-1322).

1076.

ADI 8B353, Serves (1321-1322).

1077.

ADI 8B632, Vals (1332-1333).

1078.

KERSUZAN (A.), Défendre la Bresse et le Bugey, p. 116.