1978 : le retour à la normale

Après un premier rapport commandé par le Sénat à l’agence d’audit et d’évaluation, un deuxième par les régents à un auditeur indépendant, la Smithsonian Institution n’attend pas que lui soit remis le troisième et dernier rapport à l’initiative de la Chambre pour mettre en œuvre les recommandations qui lui sont faites. En octobre 1977, John F. Jameson fait pour Ripley le bilan des efforts en cours. Il rappelle la nécessité d’établir dès le début de l’année 1978 un plan de développement sur cinq ans, comme l’a recommandé Hugues. Le temps presse en effet car la Smithsonian Institution devra rendre compte de ses projets à long terme lors du processus budgétaire fédéral de l’année suivante. Il fait également état des travaux entrepris pour faire un panorama exhaustif des activités de la Smithsonian Institution (conformément à une autre recommandation de Hugues) et suggère à cette occasion une meilleure coordination entre certaines activités. Ce document doit lui être prêt pour l’audition budgétaire de mars 1978285. Le calendrier des relations avec les instances fédérales incite donc la Smithsonian Institution à une prompte réaction. Une nouvelle étape dans l’application des recommandations est franchie en janvier 1978 lorsque le Conseil des régents approuve un document établissant des procédures pour l’utilisation des fonds fédéraux et des fonds propres286. C’est là encore sous la pression du calendrier budgétaire que les régents doivent approuver le document. En mai, suite au rapport de la Chambre, un secrétaire adjoint est choisi par le secrétaire et le comité exécutif des régents et ces derniers s’attachent les services d’un consultant pour codifier le fonctionnement du Conseil des régents287.

S’il existe des résistances à l’application des recommandations émises dans les trois rapports, elles ne transparaissent pas de manière évidente dans les archives de la Smithsonian Institution. Dans un entretien d’histoire orale, Hugues estime que Ripley accordait peu d’importance aux changements recommandés dans les rapports ; selon Hugues la question du contrôle accru du Congrès sur le budget ou la création d’un poste de secrétaire adjoint n’étaient pas les chevaux de bataille pour le secrétaire288. Comme précédemment, la version des faits donnée par Hugues dans ces entretiens lisse l’atmosphère conflictuelle de l’époque ; elle sous-estime probablement l’implication émotionnelle de Ripley dans le conflit. Voici néanmoins comment il évoque sa propre nomination au poste de secrétaire adjoint en 1980 :

‘The Secretary, I think, simply wanted to fill a job that the Regents regarded as more important than he, with somebody more or less acceptable to him, a kind of a known devil versus unknown devil, “Gee if I don’t take this fellow, who might those guys hire ? Who can say ?” Ripley is a very gracious man, he never put it quite that way, but it was some of the message that , “I know you and you know this place better than many, and why don’t you go ahead ?”289

Ripley n’est manifestement pas enthousiaste à l’idée de travailler avec un adjoint imposé par les recommandations fédérales. Lorsque Henry M. Jackson (qui dirige la commission des régents sur l’audit commandé par la Smithsonian Institution) sollicite en 1977 son opinion sur le rapport de Hugues et donc sur la création d’un poste de secrétaire adjoint, Ripley lui envoie une note récapitulant les fonctions statutaires du secrétaire. Ce document affirme la prééminence du secrétaire dans le processus de nomination aux postes les plus élevés de l’administration de la Smithsonian Institution ; il rappelle que le secrétaire a l’initiative des propositions de nominations, qui sont ensuite soumises au Conseil des régents pour approbation290. De manière générale on peut raisonnablement supposer que la S.I. n’était pas en mesure de s’opposer aux recommandations des trois rapports et que, soucieux de tourner la page, son personnel s’est plié de relativement bonne grâce aux exigences formulées par le Congrès et Phillip Hugues.

Le 25 septembre 1978, une atmosphère inhabituelle règne au Conseil des régents : le soir même, une cérémonie est prévue à l’occasion du départ à la retraite de George H. Mahon, régent parlementaire de la Smithsonian Institution et président de la commission budgétaire de la Chambre depuis 1964. Avec Mahon, c’est une personnalité de la Smithsonian Institution et un vétéran du Congrès qui part, car Mahon est représentant du Texas depuis 1935. Il est également question d’un dîner offert à la Cour Suprême par le Chancelier de la Smithsonian Institution, le président de la Cour Suprême, Warren Burger, en l’honneur d’un régent, James E. Webb, qui préside le comité exécutif du Conseil des Régents.291. Au lendemain de l’importante crise qui secoue la Smithsonian Institution, ces congratulations mutuelles indiquent une volonté commune de reconstruire de bonnes relations, ou selon l’expression de Hugues Heclo, de mettre en œuvre une « coopération » — dont les « conditions » ont été redéfinies dans le conflit.

Notes
285.

Memorandum de John F. Jameson à S. Dillon Ripley, 19 octobre 1977, S.I.A., record unit 613, box 429, folder : « Audit Review Committe ».

286.

Le document est élaboré à la S.I., avec le concours des régents et après consultation du personnel de plusieurs commissions parlementaires. « Smithsonian Institution Policies and Procedures Governing the Use of Appropriated Funds ; Contracts and Grants ; and Trust Funds », Board of Regents Minutes, 16 janvier 1978, S.I.A., record unit 1, pp. 26-32.

287.

Minutes du comité exécutif, Board of Regents Minutes, 5 mai 1978, S.I.A., record unit 1, p. vii-viii.

288.

Phillip S. Hugues, transcription du 2e entretien avec Pamela Henson, 29 mai 1985, S.I.A., record unit 9525, p. 79.

289.

Ibid., p. 83.

290.

« Responsibilities of the Secretary », appendice d’une lettre de S. Dillon Ripley à Henry M. Jackson, 16 septembre 1977, S.I.A., record unit 613, box 429, folder : « Audit Review Committee ».

291.

Board of Regents Minutes, S.I.A., record unit 1, 25 septembre 1978, pp. 140-141.