3. Les musées d’art

Dans la tradition muséographique, le musée d’art est un genre solidement établi. Il vise à l’exposition d’œuvres en fonction d’un canon esthétique défini initialement en Europe au XIXe siècle. Il fait fonctionner des types distincts de mécanismes nationalistes : à partir du XIXe siècle, les musées d’art des grandes métropoles – dont le Louvre, le British Museum ou le Metropolitan Museum of Art sont les archétypes – se jaugent à la richesse et à l’universalité de leurs collections. Les National Portrait Galleries représentent un genre à part puisqu’elles combinent le critère artistique et l’hommage aux grandes figures nationales. En parallèle, les écoles artistiques nationales sont particulièrement mises en valeur dans leur pays d’origine. Les musées d’art sont ainsi le vecteur d’une concurrence esthétique et politique entre nations.

Trois musées d’art ouvrent à Washington entre 1968 et 1974, sans compter le Cooper-Hewitt Musem of Design, un musée new-yorkais administré par la Smithsonian Institution à partir de 1968. La National Collection of Fine Arts (N.C.F.A.) ouvre ses portes la même année dans un bâtiment historique du centre de Washington, le Old Patents Building. Le bâtiment accueille à partir de l’année suivante un second musée, la National Portrait Gallery (N.P.G.). Puis en 1974, le Hirshhorn Museum and Sculpture Garden ouvre ses portes au public dans un édifice à l’architecture audacieuse, qui tranche avec les monuments voisins sur le National Mall. La création de ces nouveaux musées semble a priori moins problématique que celle du Museum of History and Technology ou du National Air and Space Museum puisque le genre muséographique des projets est immédiatement identifiable. Pour leurs promoteurs à la Smithsonian Institution comme pour les acteurs fédéraux, pour les donateurs, le public et les médias, les musées d’art ont déjà une place dans le paysage culturel et leur fonction nationale fait figure d’évidence.

Contrairement au Museum of History and Technology ou au National Air and Space Museum, la National Collection of Fine Arts ainsi que la National Portrait Gallery peuvent prétendre à une généalogie qui remonte à l’entre-deux-guerres. C’est cependant le contexte spécifique de l’après-guerre qui réunit les circonstances favorables à leur création. Le cas du Hirshhorn Museum est différent puisqu’il existait déjà avant d’être intégré à la Smithsonian Institution. Les trois projets washingtoniens sont réalisés en l’espace d’une dizaine d’années. L’histoire de leur réalisation, comparée à celle du Museum of History and Technology et du National Air and Space Museum, confirme que l’incarnation dans un musée d’un discours sur la nation est une entreprise de longue haleine.