Les déclarations de Rockefeller sur le Bicentenaire donnent par ailleurs une image du rôle de l’Etat contre laquelle les développements qui précèdent s’inscrivent en faux. Après avoir parlé de la Commission sur le Bicentenaire de la Révolution Américaine comme d’un organe fédéral de programmation et de coordination « relativement inefficace », il considère les initiatives fédérales des quatre années qui viennent comme quantité négligeable dans son projet de Bicentenaire élargi :
‘Recently the government’s approach was reorganized. The Congress passed its version of a White House-sponsored bill to create a new American Revolution Bicentennial Administration. This did need doing, but in the process the White House and the Congress agreed, for different reasons, to terminate the ARBA in 1977.Le passage formule l’idéal d’un régime démocratique dans lequel les citoyens participent activement à la vie politique et dans lequel les institutions représentatives n’apparaissent qu’au second plan. Dans le cas de l’organisation de la commémoration du Bicentenaire, cet idéal conduit Rockefeller à ne pas voir les modalités de l’intervention de l’Etat et à survaloriser les associations intermédiaires et l’organisation spontanée de la société. Cependant, s’il est vrai que l’activité de la Commission sur le Bicentenaire de la Révolution Américaine ne rend que très partiellement compte des pratiques nationalistes à l’approche du Bicentenaire, ce chapitre a montré l’importance de l’implication de l’Etat dans la commémoration. L’existence de cette institution temporaire rend l’enjeu national plus explicite et, sur le plan financier, contribue modestement à la promotion de la nation. Cependant, hors de toute période commémorative, les projets d’envergure de la Smithsonian Institution ont déjà été élaborés en fonction d’enjeux nationaux, selon le processus budgétaire inscrit dans le calendrier fédéral et au rythme des votes du Congrès. L’organisation de la commémoration au niveau fédéral est donc autant à chercher dans les institutions ad hoc que dans le fonctionnement ordinaire et continu du système fédéral, en particulier depuis que son champ d’action s’est considérablement renforcé en matière culturelle à partir des années 1930.
Contrairement à ce que suppose Rockefeller, et malgré l’Etat joue donc un rôle déterminant dans la temporalité des pratiques nationalistes. Par ailleurs, la représentation qu’il donne des célébrations fédérales comme d’une « comédie » vide de sens sous-estime la capacité qu’a l’Etat (y compris ses émanations, comme l’Administration du Bicentenaire de la Révolution Américaine et la Smithsonian Institution) de refléter certaines tendances contemporaines. Les différentes réponses que proposent les musées à la crise contemporaine du temps s’inscrivent dans une histoire du rapport au temps qui dépasse largement les cercles de décision fédéraux. En ce sens, la coupure qu’il présuppose entre un Etat étranger au corps social et la société qu’il domine ne rend pas compte du fait que le système fédéral fait partie de la société. A ce titre, l’Etat participe à la promotion et à l’entretien du sentiment national : il est le cadre dans lequel prennent forme des pratiques nationalistes continues à la Smithsonian Institution.
Ibid.