B. Les modes de transport

Les modes de transport sont avant tout des moyens pour les citadins d’accéder à des lieux et des activités. Ils leur permettent de se déplacer dans l’espace, au prix d’un certain temps et d’un coût. Le seul mode de transport non mécanisé et non motorisé est la marche à pied. Les vélos, les deux-roues moteur, les voitures particulières, ou encore les transports collectifs (taxis, bus, métros…) sont eux aussi fréquemment utilisés dans les métropoles contemporaines pour les déplacements quotidiens. Un mode de transport peut être défini comme « un objet sociotechnique résultant d’une combinaison stable et efficiente d’éléments (…) :

  • Matériels : puissance motrice et/ou filière technologique (musculaire, aéronautique, ferroviaire, etc.);
  • Socio-professionnels : savoir-faire, métiers, cultures et organisations professionnelles;
  • Socio-culturels : représentations sociales, images, ‘‘mythes’’, etc. » (Amar, 1993:10)

Cette définition suggère alors une nécessaire différenciation entre des objets techniques similaires situés dans des contextes différents. Du point de vue socio-professionnel, l’utilisation des deux-roues motorisés en Afrique est par exemple associée à une multitude de petits mécaniciens, qui peuvent réparer au moindre coût en particulier grâce à la récupération. Par ailleurs, le nombre important d’étalages et de petites boutiques le long des rues n’est pas étranger à un usage généralisé de la marche à pied. Dans le cadre socio-culturel maintenant, on peut évoquer un certain nombre d’images associées aux modes de transports. Dans la plupart des pays du Sud, la voiture particulière est associée à la réussite sociale (voir [Diaz Olvera & alii, 2002] pour l’exemple africain) tandis qu’elle représente la norme dans les villes occidentales. B. Montulet [1996] souligne le rôle de distinction sociale individuelle joué par la voiture particulière dès son apparition à la fin du XIXe siècle. La bicyclette est parallèlement délaissée6 dans les villes africaines en partie à cause de son association à des modes de vie ruraux et à la pauvreté [Diaz & alii, 2002]. Finalement, les usages effectifs des modes de transports que nous étudions sont une intériorisation des dimensions socio-professionnelles et socio-culturelles.

Le mode de transport doit être considéré comme une interface entre le citadin et sa ville. Il est intéressant à ce propos d’évoquer le rapport différent entretenu par chacun des modes de transport avec la ville. G. Amar [1993] développe le concept d’« adhérence urbaine des déplacements », réarticulant la mobilité dans des espaces et des temps complexes. Il considère alors l’interaction avec les lieux et activités de la ville (l’avion serait le paroxysme de l’adhérence terminale et discontinue, la marche à pied celui de l’adhérence longitudinale et continue). La voiture aura par exemple une forte adhérence en périphérie et la marche à pied en centre-ville (milieux denses et activités facilement accessibles). Chaque mode pourrait donc occuper dans la ville une niche écologique à l’intérieur de laquelle il serait le plus efficace et leur articulation pourrait ouvrir à un climax tel que défini par les écologistes (diversité optimale). Ce détour par le concept d’adhérence urbaine permet de conforter l’idée que le mode de transport fait partie intégrante de la relation homme/espace. « La ville, l’espace vécu, ces territoires du quotidien sont d’abord l’œuvre du marcheur et de l’automobiliste » (Di Méo, 1999:86). Cette association étroite entre mode de transport et relation du citadin à l’espace fait que les études portant sur le lien entre les modes de vie et la mobilité quotidienne abordent principalement la question du choix du mode [Scheiner & Kasper, 2003]. Si cette entrée est pertinente, l’étude des comportements de mobilité quotidienne offre une perspective plus large encore sur les modes de vie.

Notes
6.

Une exception est à faire pour le Burkina Faso, pays dans lequel la bicyclette est assez présente, et ce pour des raisons historiques variées.