III. La ségrégation urbaine, la nécessité d’une approche des espaces du quotidien

Parmi les grandes transformations, typiques des métropoles contemporaines, il est fréquemment fait état de la ségrégation ([Buisson & Mignot, 2005], [Dureau & alii, 2000], etc.). « A l’échelle métropolitaine, l’idée prévaut que (…) la tendance est à l’accroissement de la ségrégation socio-spatiale, ce qui n’est pas nouveau mais accentué » (Dubresson, 2000:24). Etalement urbain et ségrégation semblent associés, dans les villes américaines [Mieszkowski & Mills, 1993] ou françaises [Bouzouina, 2007], même si des liens directs semblent difficiles à isoler. Quoi qu’il en soit à ce niveau, il suffit d’un regard pour observer, dans les villes du Nord comme dans les villes du Sud, les contrastes très nets entre certains quartiers et entre les habitants qui résident dans chacun d’eux ([Lautier, 2003], [Diomande, 2001]). A. Dubresson (2000:24) évoque par exemple « des îlots de pauvreté jouxtant des isolats de richesse au sein d’un archipel bâti en forme de kaléidoscope ». La ville est un lieu de cohabitation pour une multitude de personnes socialement différentes. Selon P. Blanquart [1997], elle est une projection sur un espace de manières d’être, de vivre ensemble et de penser. Des regroupements s’y déroulent alors et tendent à composer une partition ségréguée. Mais quelles sont les bases théoriques du concept de ségrégation et quelles sont les réalités qu’il recouvre ? La polysémie de ce terme, fréquemment dénoncée ([Brun, 1994], [Grafmeyer, 1999]), justifie un effort de précision. L’étude des formes d’organisation des hommes dans l’espace s’est concentrée au fil du temps sur les localisations résidentielles, c’est ce dont nous allons rendre compte dans un premier temps. Cette perspective épistémologique suggère un élargissement de la notion de ségrégation aux espaces du quotidien. Nous irons dans ce sens en dessinant, dans un second temps, les contours théoriques de ce que nous entendons par ségrégation urbaine.