C. Synthèse théorique

Les propos tenus dans l’ensemble de cette partie recouvrent volontairement un spectre large de la réflexion théorique portant sur les villes contemporaines. Cette ouverture a pour vocation de mieux positionner notre éclairage de la relation entre ségrégation urbaine et mobilité quotidienne. Il convient dans cette partie finale de synthétiser notre approche pour poser explicitement les questions de recherche auxquelles cette thèse a vocation à répondre.

Nous avons décrit dans un premier temps les reconfigurations spatiales métropolitaines et pointé la tendance commune à l’étalement des villes du Nord et des villes du Sud. Dans les métropoles, la mobilité s’affirme et s’impose aux citadins avec un besoin perpétuellement inassouvi d’une plus grande maîtrise de l’espace et du temps. Au sein d’une dialectique entre désirs et contraintes, ces derniers articulent leur quotidien selon des schémas qui relèvent des modes de vie. Très dépendants des choix de mobilité et spécifiquement des modes de déplacements, les modes de vie des citadins motorisés, usagers des transports en commun ou piétons, diffèrent fortement. Les espaces de vie des uns et des autres, des hommes et des femmes, des jeunes et des plus âgés, des actifs et des chômeurs, etc., suggèrent un rapport à l’espace urbain et à l’altérité qui est propre à chacun d’eux. Ainsi questionnées, les situations de coprésences et d’isolement social offrent à repenser la ségrégation urbaine dans une perspective large, dépassant les localisations résidentielles pour embrasser l’ensemble des dynamiques quotidiennes [Preteceille, 2004]. Au regard de la portée épistémologique du questionnement, bien rares sont les recherches considérant que la ségrégation urbaine s’observe au niveau des localisations résidentielles et des espaces du quotidien. « We argue that segregation should represent the agents’ location, not only in respect to the identities of their neighbors in residential spaces, but also in respect to the spaces in which they practice their everyday life, mingle with meaningful others, and develop their sociospatial networks » (Schnell & Yoav, 2001:623).

Au travers d’une étude des comportements de déplacements et des activités qui les motivent, nous souhaitons aborder et préciser les sentiers de vie quotidienne [Juan, 1997] des citadins contemporains, qu’ils vivent dans une ville du Nord ou dans une ville du Sud. Selon leurs capacités propres à se déplacer et accéder aux activités et services que propose la ville, nous faisons l’hypothèse que la ville peut s’interpréter comme une ville à plusieurs vitesses, une recomposition de différents modes de ville (propre à chaque citadin).

La question générale de recherche à laquelle nous nous proposons de répondre à l’occasion de cette thèse est la suivante : quels sont les déterminants individuels et les configurations urbaines qui permettent d’éclairer la réflexion sur la ségrégation urbaine dans ses dynamiques quotidiennes ?

Pour répondre à cette question, nous avons décidé de considérer quatre situations urbaines contrastées, Niamey au Niger, Puebla au Mexique, Lyon en France et Montréal au Canada. Les raisons qui ont guidé ce choix ainsi que l’ensemble de la méthodologie de recherche articulée autour des enquêtes-ménages transport sont présentées dans le chapitre II.