2. Puebla au Mexique

Fondée au XVIe siècle par les Conquistadors espagnols, la ville de Puebla est aujourd’hui la quatrième ville mexicaine du point de vue de sa population. En 2003, le nombre d’habitants de la ville et son agglomération était proche de 2 millions10. Ils n’étaient qu’1,3 millions environ en 1994 sur le territoire couvert par l’enquête-ménages [G.I.M., 1994]. Ce centre régional important est localisé sur l’axe Mexico/Veracruz (à 130 kilomètres de la capitale).

  • Le contexte géographique

A l’interface entre les Etats-Unis et l’Amérique Centrale, le Mexique (carte 3) est un pays aux paysages et dynamiques culturelles contrastés, ouvert sur l’océan Atlantique et les Caraïbes vers l’Est et l’océan Pacifique et le Golfe du Mexique vers l’Ouest. Sa superficie totale atteint 1 972 550 km². Le Mexique est un pays accidenté, traversé selon un axe Nord/Sud par deux principales chaînes de montagne : la Sierra Madre Occidentale et la Sierra Madre Orientale. Entre les deux culmine le haut plateau central, appelé Altiplano Central, à une altitude supérieure à 1000 mètres et dont les points les plus élevés sont des sommets volcaniques (pour certains encore actifs).

Carte 3 : Le Mexique
Carte 3 : Le Mexique

Source : Emmanuel RAVALET selon World Atlas

La capitale Mexico et la ville de Puebla se situent à plus de 2000 mètres d’altitude (sur l’Altiplano) et jouissent d’un climat tempéré à tendance continentale. Une saison sèche et une saison des pluies s’y distinguent assez bien, la première s’étalant d’octobre à mai, la seconde de juin à septembre. Les températures varient peu pour ces villes, entre 22 (saison sèche) et 30 degrés (saison des pluies) dans la journée en moyenne. Trois volcans sont à proximité de la ville de Puebla. Le plus proche (à une quinzaine de kilomètre à vol d’oiseau) est le Volcan Malintzin, au Nord-Est de la ville. L’Iztaccihuatl et le Popocatepetl (en activité) culminent tous les deux à plus de 5000 mètres et sont situés à l’Ouest de Puebla. Malgré cet environnement montagneux, la ville est relativement plate sur une grande partie de son territoire. Aucune rivière d’envergure ne la traverse.

  • Histoire du Mexique et de Puebla

Le territoire mexicain est riche d’une histoire ancienne. Des Olmèques aux Aztèques, en passant par les Zapotèques, les Mayas ou les Toltèques, les civilisations dites précolombiennes furent pour certaines très développées à leur apogée. Leur empreinte est forte encore aujourd’hui, les pratiques linguistiques permettent d’en témoigner. Au début du XVIe siècle, les conquistadors anéantissent la civilisation aztèque et prennent possession d’un vaste territoire s’étendant jusqu’à l’actuelle Californie. Ils domineront cette zone pendant trois siècles en y implantant leur culture, leur langue et leur religion. C’est à cette période que la ville de Puebla est fondée. Après 11 ans de guerre, le Mexique est indépendant en 1821 et devient trois ans plus tard une république.

Les Conquistadors fondèrent la Ciudad de Puebla de los Angeles sur un site vierge de toute implantation amérindienne. La situation stratégique de la ville, à mi-chemin entre Mexico et Veracruz, va permettre à la ville de se développer rapidement, tant du point de vue commercial que culturel. Elle sera même la deuxième ville la plus importante de la Nouvelle-Espagne. En 1862, une quarantaine d’années après l’indépendance du Mexique, la bataille de Puebla voit les forces expéditionnaires françaises battues par l’armée du Général Ignacio Zaragoza. Cet événement fait encore aujourd’hui la fierté du peuple poblanais, et la ville a depuis été rebaptisée en Heróica Puebla de Zaragoza. Le Centre historique de la ville témoigne de l’architecture hispanique et de l’aménagement des Espagnols selon le principe d’une trame orthogonale s’étendant vers les quatre points cardinaux [Polèse & alii, 1994]. Une partie du Centro Histórico a été classée au Patrimoine Mondial par l’UNESCO.

En 1940, le quartier de la Paz est construit. Il s’agit de la première opération d’envergure de lotissement à destination des populations les plus aisées [Bélanger, 2006]. A partir des années 1950, les activités et les services qui leur sont plutôt destinés (commerces, banques et services divers) prirent cette même direction radiale et centrifuge, spécifiquement en direction du quartier de La Paz puis de l’Université Autonome de Puebla (avec la construction du centre commercial Plaza Dorada) [Germain & Polèse, 1995]. Le centre historique dense est délaissé à partir de cette période par les populations les plus riches au profit des classes moyennes et défavorisées. On parle aujourd’hui d’une éventuelle gentrification, qui aurait comme effet de relever le statut social des résidents des quartiers centraux [Bélanger, 2005]. En périphérie, de nombreux quartiers se sont formés sans aucun encadrement institutionnel, pour faire face à la demande importante en logement des populations défavorisées. Ces zones aux allures de bidonville sont souvent mal reliées aux réseaux d’assainissement et d’eau courante [Germain & Polèse, 1995]. La croissance rapide de la population dans la seconde moitié du XXe siècle explique en partie cet état de fait. Entre 1950 et 1990, la croissance urbaine poblanaise

Carte 4 : Puebla et sa périphérie par grandes zones
Carte 4 : Puebla et sa périphérie par grandes zones

Source : Emmanuel RAVALET

fut en moyenne de 4 % par an (et plus de 10% par an entre 1965 et 1974). La taille de la ville croît alors de 800 % pendant ces mêmes quarante années [Brennan, 1997]. Cet étalement spatial s’est déroulé dans un cadre largement informel, tout particulièrement par une appropriation à titre privé des ejidos (terres appartenant à une communauté). Les citadins ayant en propriété collective un ejido ont construit puis habité (ou loué) des logements sans accord de la puissance publique.

Malgré l’accroissement spectaculaire de sa taille, Puebla reste une des grandes villes mexicaines les plus denses. Sa périphérie compte plusieurs villes parmi lesquelles Amozoc, à 18 kilomètres vers l’Est, et Cholula (San Andres et San Pedro), à 10 kilomètres vers l’Ouest. La première fut créée dans la même période que Puebla, lorsque les Conquistadors espagnols y installèrent un monastère franciscain. Quant à Cholula, c’est sans doute l’une des plus anciennes cités mexicaines, puisqu’elle daterait du IIe siècle avant J.C..

  • La population

En 1994, le Mexique comptait 88,2 millions d’habitants, en 2005, ce chiffre atteignait 103,1 millions11. La croissance annuelle de la population mexicaine est aujourd’hui stabilisée autour de 1 %, elle a connu ses taux les plus forts entre les années 1930 et 1980, dépassant souvent les 3 %. A la fin du XVIIIe siècle la région latino-américaine était la plus urbanisée de la planète [Dureau & alii, 2006]. La tradition urbaine est en ce sens une des caractéristiques fortes des peuples de cette région. C’est quelques décennies après les pays européens et nord-américains que la révolution industrielle va accentuer l’urbanisation de la région, qui va passer de 25 % environ en 1925 à plus de 75 % en 2000 (74 % au Mexique)12.

La population indigène y est aujourd’hui relativement importante. 7 millions de personnes parlaient une langue indigène en 2000, soit 7 % de la population totale13. La Loi de Droits Linguistiques de 2001 concède le statut de langues nationales à l’Espagnol et à plus de 60 langues, parmi lesquelles le Náhuatl (langue qui était utilisée dans l’empire aztèque), le Maya, le Mixtèque ou encore le Zapotèque. L’espagnol reste cependant la langue de l’ensemble des documents officiels et il est parlé par la quasi-totalité des Mexicains.

La religion catholique est très majoritaire (90 % de la population se déclare de cette confession)14. Les quelques 6 % de protestants, principalement localisés à Mexico, forment la seconde communauté religieuse du pays. La pratique est encore ancrée dans les modes de vie des Mexicains, et la ville de Puebla dénombre à titre d’exemple plus de 70 églises.

  • Le contexte économique mexicain et poblanais

Le Mexique présente en bien des points des caractéristiques des pays du Sud (pauvreté, inégalités, importance de l’économie informelle, systèmes de santé et d’éducation déficients, etc.). Sa proximité avec les Etats-Unis, ses ressources pétrolières, l’importance de sa population ou encore ses débouchés touristiques ont pourtant permis à l’économie mexicaine de se moderniser et de se développer considérablement. Elle reste fragile cependant, les crises successives de 1982, de 1994 et de 2001 en témoignent. En 2005, le P.I.B. du Mexique était légèrement supérieur à 8 000 dollars par habitants15. L’ouverture au commerce international, au travers de plusieurs accords de libre-échange parmi lesquels l’ALENA (l’Accord de Libre-Echange Nord-Américain), a joué un rôle important dans la transformation de l’économie mexicaine.

L’économie de la ville de Puebla s’est rapidement orientée vers le commerce, à l’intérieur de la Nouvelle-Espagne. Dans le courant du XXe siècle, elle prend une dimension particulière grâce au dynamisme industriel de la zone. L’industrie textile se développe dès les années 20 et l’implantation des usines Volkswagen, au début des années 60, joue un rôle de catalyseur de l’économie locale [Germain et Polèse, 1995]. Plusieurs entreprises françaises ou allemandes se sont également installées dans la ville, pour répondre entre autres aux besoins matériels et logistiques des usines automobiles. La construction de l’aéroport de Mexico et le développement du réseau routier permettent alors à la ville de s’inscrire comme un pôle industriel d’envergure au moins nationale. La tertiarisation de l’économie est en cours mais reste relativement faible encore aujourd’hui au regard des villes Nord-américaines de taille similaire [Germain & Polèse, 1995]. Le secteur informel s’est quant à lui rapidement développé dans les années 80. Aujourd’hui, Puebla est un des premiers centres industriels du pays (textile, chimie, métallurgie, agroalimentaire), ainsi qu’un centre commercial et touristique actif. Elle reste cependant dans l’ombre de la capitale Mexico de point de vue des équipements culturels.

  • L’organisation administrative

Le Mexique (nous devrions dire les Etats-Unis Mexicains…) est une république fédérale constituée de 31 Etats (ayant chacun un gouvernement à la tête duquel siège un gouverneur) et du District Fédéral de Mexico. Comme l’ensemble des municipalités mexicaines, Puebla est administrée par un conseil municipal dirigé par un maire. Le renouvellement de l’équipe se fait tous les trois ans. La municipalité a une autonomie financière (mais des ressources limitées) pour prendre les décisions relatives à l’usage du sol et la fourniture des services publics locaux [Guerrero Bazan & Perez-Sanchez, 2005]. Il n’existe pas de gouvernement à l’échelle de la métropole. La planification urbaine reste sous l’égide de l’Etat de Puebla et de son gouvernement. Le transport urbain est une compétence du gouvernement de l’Etat de Puebla, mais certaines décisions exigent la participation du conseil municipal.

  • Les transports à Puebla

La voiture particulière s’est beaucoup développée à partir du début des années 80. D’abord réservée à une élite, elle tend aujourd’hui à se démocratiser. La marche à pied (surtout dans les zones denses) et les transports collectifs conservent cependant une place centrale dans les déplacements quotidiens des citadins latino-américains en général et poblanais en particulier. Comme c’est le cas pour la plupart des villes latino-américaine, la croissance rapide de la ville de Puebla a eu des conséquences néfastes sur le développement des transports publics. « The rapid growth of urban areas in Latin America have frequently involved the extension of low-income areas and ejidal properties on the outskirts of cities. The growth of these areas tends to only exacerbate the already inadequate provision of public transport facilities in low income areas » (Brennan, 1997:22).

Le transport collectif à Puebla est composé très largement d’acteurs privés. Plusieurs types de véhicules sont utilisés par les transporteurs, parmi lesquels les taxis, les bus (véhicules de 44 places généralement utilisés pour les grandes distances), les microbus (véhicules de 24 places utilisés sur des moyennes et grandes distances, selon les lignes) et les combis (petits véhicules de 14 places utilisés sur tous les types de route. Ces véhicules sont présentés sur la photo 2. L’activité principale du gouvernement de l’État de Puebla (à travers le Secretaria de Comunicaciones y Transportes del Estado de Puebla), qui détient la compétence dans le domaine des transports urbains de passagers, est d’accorder les permis de transport de passagers (concessions) aux entreprises ou aux individus qui en font la demande. Il contrôle également les prix fixés par les transporteurs. Son rôle est en fait assez minime relativement à ce qu’il a été dans le passé. Un rapide aperçu historique est utile ici pour nous en rendre compte.

Photo 2 : véhicules de transports collectifs à Puebla
Photo 2 : véhicules de transports collectifs à Puebla

Jusqu’en 1982 ne circulaient dans la ville de Puebla que des autobus dont les propriétaires étaient regroupés au sein d’une organisation appelée Alianza Camionera. L’étalement spatial, la rapide augmentation de la population et la diversification des activités économiques dans la métropole poblanaise ne cessaient alors d’aggraver la situation des transports collectifs, jugés insuffisamment efficaces [Guerrero Bazan & Perez Sanchez, 2000]. A la suite de manifestations orchestrées par plusieurs des acteurs concernés par les transports publics, l’Etat de Puebla décide de créer un organisme public décentralisé, le Sistema de Transporte Poblano, qui se voit confier la prestation de service public des transports de personnes dans l’aire urbaine poblanaise. C’est à l’instigation de cette structure que les véhicules de transports publics sont diversifiés (autobus « Chatos », « Trompudos » et « Combis » [Guerrero Bazan & Perez Sanchez, 2000]). Des concessions individuelles sont également délivrées pour que le service offert par les combis et les taxis collectifs se développe. Ce régime de concession domine rapidement en termes de véhicules le service offert par la structure publique. Les bus de la Alianza Camionera continuent aujourd’hui de circuler, malgré un léger fléchissement de leur nombre.

En 1988, Le Sistema de Transporte Poblano est revendu au secteur privé (entreprises et individus anciennement concessionnaires). Aujourd’hui, il existe un grand nombre d’organisations exploitant une partie du système de transport poblanais. Nous pouvons en citer quelques-unes : Alianza Camionera, CTEP, INDEPENDIENTE, FROC-CROC, CROM, CNC, CTM, CTB, etc. Le nombre de bus circulant dans la ville s’est stabilisé et a même décru légèrement depuis 1980 au profit des microbus et surtout des combis, qui assuraient environ 68 % des trajets en transports collectifs en 1990 [Guerrero Bazan & Perez Sanchez, 2000].

Les nombreuses organisations de transporteurs sont relativement autonomes du point de vue du service qu’elles souhaitent proposer. Il est cependant regrettable qu’aucune planification en tant que telle du réseau de transports urbains en général et des lignes en particulier (rutas) n’existe. Les axes les plus achalandés sont bien desservis au détriment d’autres axes moins rentables... « The mass transport network is considered inadequate to meet the needs of the population in all areas of the cities » (Brennan, 1997:26).

  • Synthèse

Plusieurs des caractéristiques décrites sont typiques des villes latino-américaines. Il s’agit par exemple de l’empreinte urbanistique des anciens colons espagnols et d’une économie formelle tournée vers les activités industrielles et commerciales relativement développée, mais toujours associée à un monde informel de grande envergure. L’organisation des transports collectifs et leur usage généralisé au sein de la population fait également partie des tendances communes à la plupart de ces villes.

L’histoire du développement de la métropole mexicaine, la dimension de son centre dont l’architecture a été préservée, son contexte géographique et climatique et l’importance économique de l’usine Volkswagen relèvent des spécificités propres à Puebla.

Notes
10.

United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division

12.

L’état du Monde, annuaire économique géopolitique mondial, 2000, Editions La Découverte

13.

Comisión Nacional para el Desarrollo de los Pueblos Indígenas, http://www.cdi.gob.mx/