2. Montréal au Canada

La ville de Montréal est située au Canada, dans la province du Québec. Etant donnée la taille du pays et la spécificité de la province québécoise dans ce pays, nous évoquerons les contextes canadiens et québécois pour mieux comprendre les réalités contemporaines de la métropole montréalaise. Le recensement réalisé en 2001 dénombrait 3 380 000 habitants dans l’aire urbaine tandis que la municipalité en comptait 1 812 000 à la même date24. Comme nous allons en rendre compte dans la suite de cette partie, la multi-ethnicité est sans doute une des caractéristiques les plus marquantes de la métropole montréalaise.

  • Le contexte géographique

Le Canada est le deuxième plus grand pays du monde. Sa superficie est de 9 984 670 km². Il s’étend de l’Océan Atlantique à l’Est jusqu’à l’Océan Pacifique à l’Ouest. Deux chaînes de montagnes marquent le paysage, les Appalaches à l’Est et les Montagnes Rocheuses à l’Ouest. Entre les deux s’étendent les plaines intérieures canadiennes, autrement appelées les prairies canadiennes. Une grande partie du pays n’est pas ou peu habitée (si ce n’est par des populations dites autochtones), il s’agit du Grand Nord, dans les régions arctiques. Le Canada se découpe en dix provinces (dont le Québec) et trois territoires. La province francophone est également très étendue puisque sa superficie est de l’ordre de 1 667 000 km². Situé à l’est du Canada, le Québec possède une frontière avec les Etats-Unis et des frontières avec trois provinces canadiennes, l’Ontario, le Nouveau Brunswick et la province de Terre-Neuve et Labrador. Il dispose d’une des plus grandes réserves d’eau douce de la planète, avec près de 500 000 lacs et plusieurs milliers de rivières.

Montréal est située sur une île éponyme, au confluent du fleuve Saint-Laurent et de la rivière des Outaouais. Cette dernière se jette dans le Lac des Deux-Montagnes, qui se déverse à son tour dans trois cours d’eau parmi lesquels le Saint-Laurent (qui borde l’île de Montréal au Nord et au Sud) et la Rivière des Prairies (au nord de Laval). L’agglomération se compose de nombreuses îles et îlots. Sa localisation dans le golfe du Saint-Laurent offre à la ville un débouché maritime de grande importance. Le Mont-Royal (le parc en lui-même et plusieurs quartiers sur son flanc Ouest) est le seul accident topographique, le reste de la ville est relativement plat.

Carte 7 : Le Canada
Carte 7 : Le Canada

Source : Emmanuel RAVALET selon World Atlas

Le climat varie largement selon les régions considérées. Mise à part la côte Ouest de la Colombie britannique, qui jouit d’un climat tempéré, le reste du Canada est soumis à des écarts extrêmes de température entre l’été et l’hiver. Les hivers sont rudes non seulement dans les régions arctiques, mais également dans les villes du Golfe du Saint-Laurent, et en particulier à Montréal, alors même que cette ville se situe à des latitudes comparables à celles de Bordeaux ou Lyon en France. Les températures peuvent descendre en dessous de -40° pendant les nuits hivernales et monter au-dessus de 35° pendant certaines après-midi estivales.

  • Histoire du Québec au Canada et de Montréal au Québec…

Le territoire actuel du Canada était habité uniquement par des Indiens jusqu’à la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492. Les tribus indigènes étaient alors nombreuses et parlaient des langues pouvant être très différentes. Le nom « Canada » fut d’abord attribué à la première communauté française installée sur les rives du Saint-Laurent à partir de 1534 (date de l’arrivée de l’expédition de Jacques Cartier sur le territoire actuel de la ville de Québec). Cette communauté devient ensuite colonie et s’étend sur un immense territoire en Amérique du Nord, c’est la Nouvelle-France. Celle-ci est annexée en 1763 par les Britanniques, à la suite de la prise de Québec. Le Canada devient alors une colonie anglaise. Le territoire du Québec conserve cependant une population francophone importante, qui restera longtemps en tension avec la population anglophone. Le Canada devient le nom de la colonie britannique en 1867, au travers de l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique. Une grande autonomie vis-à-vis de l’Angleterre est obtenue au fil du temps, en particulier grâce aux statuts de Westminster en 1931. Aujourd’hui, le Canada est une monarchie constitutionnelle avec à sa tête le monarque anglais (en l’occurrence la reine d’Angleterre Elisabeth II depuis 1952). L’indépendance du Québec est un thème politique récurrent dans la province. Deux référendums ont porté sur ce sujet, le « non » l’a emporté les deux fois, la deuxième fois avec un score de 50,4 %.

La ville de Montréal25 est fondée en 1642 par un petit groupe de Français parmi lesquels Paul Chomedey de Maisonneuve et Jeanne-Mance (qui y fonda un hôpital). Les relations de la colonie avec les Indiens varient selon les périodes et les peuples autochtones. En 1701, la Grande Paix de Montréal, signée par les Français et l’ensemble des nations indiennes, offre alors les conditions de stabilité propices au développement du commerce de la fourrure. En 1760, la ville devient anglaise mais la langue parlée par ses habitants reste majoritairement le français jusqu’au milieu du XIXe siècle (période pendant laquelle plusieurs vagues d’immigration écossaise, irlandaise, anglaise et américaine se succèdent). Les activités commerciales se diversifient ensuite et la construction du Canal de Lachine en 1824 permet à l’industrialisation de se développer plus rapidement (celui-ci permet aux embarcations de passer les rapides de Lachine et de s’enfoncer vers l’Ouest). Plusieurs voies ferrées sont construites, plaçant Montréal à la croisée des chemins. Les tensions entre les anglophones et les francophones sont incessantes, mais la ville continue de se développer en particulier sous la houlette des anglophones (qui dirigent les affaires). La masse ouvrière, un tiers de la population active avec des conditions de vie précaires, est alors largement exclue de la scène politique locale et l’establishment concentre surtout les marchands et les financiers [Germain, 1992].

A la fin du XIXe siècle, d’autres vagues d’immigration se succèdent, avec en particulier les Italiens, les Hongrois ou les Russes, qui viennent travailler et participer à la construction de grandes infrastructures. Pendant ce temps, Montréal annexe les villes voisines et redevient majoritairement francophone. Les maires sont alors alternativement francophones et anglophones, mais plusieurs enclaves politiques anglophones se forment en guise de protestation (Westmount ou Mont-Royal) et « personne n’est dupe de l’identité ethnoculturelle des véritables dirigeants de la ville » (Germain, 1992:72). L’immigration se diversifie dans le courant du XXe siècle, avec une proportion importante d’Est-Européens dans un premier temps puis de Chinois, d’Haïtiens parmi un grand nombre de nationalités représentées. Ce n’est vraiment qu’à partir des années 60 que les Montréalais divorcent d’avec l’Eglise catholique, qui tenait jusque là une place centrale dans leur vie quotidienne. Les anciennes paroisses, divisant la ville en micro-territoires ayant chacun une forte identité, ont disparu au profit d’une vie communautaire souvent organisée par quartier, qui relayent pour plusieurs d’entre eux une identité ethnique et linguistique particulière [Sénécal, 1992].

La ville prend une stature internationale avec l’exposition universelle de 1967 (pour laquelle le métro de Montréal est construit) et les jeux Olympiques de 1976. Lorsque, cette même année, le Parti Québécois prend les rennes de la province, plusieurs sièges sociaux quittent Montréal pour se diriger vers Toronto. Montréal reste cependant un centre névralgique de première importance pour le Québec et pour le Canada. L’emprise géographique de la ville s’étend considérablement à partir des années 60, avec la construction de plusieurs autoroutes, dont certaines au cœur même de la ville. La vieille-ville connaît un renouveau important, en particulier grâce au tourisme et aux loisirs tandis que le centre s’élève avec de nombreux gratte-ciel. La densité de l’agglomération est relativement importante au regard des autres métropoles nord-américaines [Paulhiac & Kaufmann, 2006]. Montréal est aujourd’hui une grande métropole nord-américaine, tant du point de vue économique et financier que politique et culturel.

Carte 8 : L’agglomération montréalaise en 100 grandes zones
Carte 8 : L’agglomération montréalaise en 100 grandes zones

Source : Emmanuel RAVALET

  • La population

La population du Canada s’élevait en 2006 à près de 31,6 millions de personnes26. Elle comptait en 1996 plus de 28,8 millions d’habitants. Si elle continue de croître de façon stable, elle vieillit par contre très vite. L’âge médian, inférieur à 26 ans en 1970, atteignait presque 39 ans en 2006. La proportion de personnes âgées est en forte progression dans l’ensemble du Canada, mais de manière encore plus significative au Québec. La croissance de la population canadienne est plutôt attribuable à l’immigration. Terre d’immigration d’origine principalement européenne jusque dans les années 60 (plus de 90 % des immigrés avant 1961 sont d’origine européenne), les provenances se diversifient ensuite. Dans le courant des années 70, la part des immigrants d’origine asiatique sur l’ensemble des immigrants croît rapidement pour atteindre plus de 57 % entre 1991 et 1996. Cette tendance est à relativiser dans la province québécoise, qui pour des raisons culturelles et géographiques entretient une immigration d’origine européenne relativement forte. La grande diversité ethnique et linguistique caractérise aujourd’hui le Canada et le Québec. Les Indiens composent une part de plus en plus marginale de la population canadienne, ils vivent sur des territoires spécifiques, les réserves.

Le profil linguistique du Canada est très varié, plus de 100 langues maternelles différentes ont été enregistrées dans le recensement de 200127. L’anglais était la langue la plus répandue (67 % de canadiens anglophones), devant le français (22 %). Le chinois était la langue non officielle la plus répandue tandis que le cri (langue parlée par les Cris) était la langue autochtone la plus parlée devant l’inuktitut (langue des Inuits). Au Québec, la proportion de personnes parlant français était de 81,5 % et les allophones (ni francophones, ni anglophones) se révélaient plus nombreux que les anglophones. Ces tendances devraient se confirmer dans le recensement de 2006. Le français et l’anglais sont les deux langues officielles du Canada, la province québécoise étant la seule province francophone et le Nouveau-Brunswick la seule province bilingue français-anglais.

Selon le recensement réalisé en 2001, la majorité des Canadiens sont chrétiens (77 %), tandis que 17 % d’entre eux se déclarent sans confession religieuse. 56 % des Chrétiens sont catholiques, religion très implantée en particulier au Québec. Elle y a joué un rôle important jusque dans les années 60, avant qu’un recul important de sa pratique ne se fasse sentir.

  • Le contexte économique canadien, québécois et montréalais

L’économie canadienne est une grande économie à l’échelle mondiale. Le P.I.B. du pays en 2000 était de 680 milliards de dollars, soient 22 480 dollars par habitant. Grâce à ses ressources naturelles, le Canada est un grand exportateur d’énergie (gaz naturel, énergie hydro-électrique et pétrole). Les grandes étendues dans le centre permettent une forte production de céréales. Le sol est particulièrement riche en diamant, zinc, uranium, or, nickel, aluminium et plomb. Les accords de libre-échange conclus avec les Etats-Unis et le Mexique (l’ALE puis l’ALENA) ont permis au Canada d’accroître sensiblement ses exportations. Le secteur industriel est dynamique en particulier dans les provinces du Québec et de l’Ontario. En plus de leurs importantes ressources naturelles, l’économie de ces deux provinces repose sur le secteur des nouvelles technologies.

La ville profite depuis sa création de la navigabilité du fleuve Saint-Laurent, qui permet aujourd’hui de relier l’océan Atlantique à la région des Grands Lacs. Son port est le plus important du pays. La construction de diverses lignes de chemins de fer a également positionné Montréal au cœur du réseau. Dès lors, l’économie montréalaise a pu se développer autour de son industrie d’abord puis des hautes technologies (pharmacologie, biochimie, aérospatiale ou encore télécommunications). Près de 84 % de la population active occupée travaille dans le secteur tertiaire28.

  • L’organisation administrative

La reine d’Angleterre est représentée au Canada par un gouverneur général. Le régime canadien est parlementaire et fédéral. Le pouvoir législatif est entre les mains du Parlement, constitué du gouverneur général, du Sénat et de la Chambre des Communes. Le pouvoir exécutif est constitué quant à lui du Conseil Privé, nommé par le gouverneur général, au sein duquel le cabinet ministériel est assermenté et dirigé par le Premier Ministre. Le Québec est, quant à lui, un régime parlementaire, comme les neuf autres provinces du Canada. L’assemblée nationale et, dans une moindre mesure, le lieutenant-gouverneur (représentant de la reine au Québec) exercent le pouvoir législatif tandis que le Premier Ministre du Québec et le conseil des ministres exercent le pouvoir exécutif.

En remplacement de la corporation de Montréal Metropolitain, la Communauté Urbaine de Montréal (C.U.M.) fut créée en 1970. Pour viser une extension du champ des compétences de cet organe décisionnel, des réorganisations municipales sont ensuite mises en place en 2002 et regroupent autour des villes-centre un certain nombre de municipalités. Des tensions politiques amèneront certaines d’entre elles à se « dé-fusionner » en 2006, après un référendum organisé par le Parti Libéral. En 2001 est créée la Communauté Métropolitaine de Montréal (C.M.M.), en remplacement de la Communauté Urbaine de Montréal. Elle couvre 64 municipalités et elle est en charge en particulier de l’aménagement et des transports. Ce dernier domaine est d’ailleurs géré en partenariat avec l’Agence Métropolitaine des Transports (A.M.T.), organe gouvernemental mis en place en 1995. En partie financé par le transport individuel automobile, l’A.M.T. a vocation à améliorer les transports publics urbains. En ce sens, elle constitue une innovation majeure [Paulhiac & Kaufmann, 2006]. La gestion des transports publics urbains de l’agglomération montréalaise passe donc nécessairement par un partenariat dynamique entre l’A.M.T. et la C.M.M. dans la mesure où la première a un rôle de concertation et de coordination tandis que le second approuve les budgets et les programmes triennaux du premier. Les tarifs des transports collectifs sont régulés par l’A.M.T. mais peuvent être contestés par la C.M.M. [Paulhiac & Kaufmann, 2006].

  • Les transports à Montréal

A l’image de la plupart des métropoles nord-américaines, la voiture particulière est largement utilisée par les citadins, notamment par ceux qui résident en périphérie. L’étalement urbain a joué en faveur de cette tendance. Le plébiscite automobile pose en particulier le problème de l’accès à l’île de Montréal aux heures de pointe. Les sept ponts qui permettent cet accès sont effectivement saturés pendant les heures de pointe.

Malgré la position dominante de la voiture particulière dans les modes de vie urbains des Montréalais, l’usage des transports publics reste élevé au regard des autres villes nord-américaines. Cette spécificité tient en particulier aux densités relativement élevées et à la forte centralité de l’agglomération [Paulhiac & Kaufmann, 2006]. Les transports collectifs montréalais concernent plusieurs modes parmi lesquels les bus, les métros et les trains de banlieue. A l’exception de la construction des premières lignes de métro dès la fin des années 60, le développement du réseau des transports urbains de la métropole québécoise date principalement du début des années 80, moment où « le rôle des politiques de transport en commun dans le développement urbain change radicalement » (Paulhiac & Kaufmann, 2006:64). L’A.M.T. (déjà présentée précédemment) relève directement du Ministère des Transports du Québec et agit à trois niveaux : « A titre d’agence gouvernementale, elle met en œuvre les politiques, programmes et projets de transport collectif qui lui sont confiés par le Ministère – A titre d’organisation métropolitaine, elle soutient, planifie et coordonne le transport collectif régional (…) – A titre d’autorité organisatrice de transport, l’A.M.T. planifie, gère et exploite les activités dont elle est directement responsable, notamment les réseaux de trains de banlieue et le transport métropolitain par autobus » (A.M.T., 2003:22). En relation étroite avec cette structure, la C.M.M. planifie, coordonne et finance les transports urbains montréalais à l’échelle de la métropole. L’exploitation en tant que telle est placée sous la responsabilité de 19 autorités organisatrices de transports (A.O.T.)29. Le réseau des trains de banlieue est exploité par l’A.M.T et le réseau de métro par la Société des Transports de Montréal (S.T.M.), ancienne Société de Transport de la Communauté Urbaine de Montréal (S.T.C.U.M.). Mis à part l’A.M.T., chaque A.O.T. exploite un réseau local d’autobus (elles sont réparties sur le territoire et dépendent largement des municipalités sur lesquelles leurs services sont mis à disposition. Les trois plus grosses A.O.T., qui sont la S.T.M., le Réseau de Transport de Longueuil (R.T.L.) et la Société de Transport de Laval (S.T.L.), sont des organismes publics de transport.

L’envergure actuelle du réseau doit beaucoup à la forte implication des politiques depuis les années 80. Deux lignes de trains de banlieue ont été remises en service au début des années 90, trois autres à la fin de cette même décennie. Le réseau est développé sur la base d’anciennes voies (à l’abandon depuis plusieurs décennies), rénovées et modernisées. Plusieurs lignes de métro se sont vues prolongées également depuis cette période. La part modale des transports collectifs montréalais est relativement forte vis-à-vis des autres métropoles nord-américaines. L’usage du vélo et de la marche à pied varie finalement assez fortement selon les saisons (les pistes cyclables ferment pendant l’hiver…) et les zones de l’aire urbaine.

  • Synthèse

Pour conclure cette description de l’agglomération montréalaise, nous souhaitons souligner la position spécifique de Montréal entre les métropoles nord-américaines et européennes. La forme étalée de l’aire urbaine est en ce sens assez caractéristique des premières tandis que les densités des zones centrales, leur dynamisme et la part modale relativement forte des transports collectifs correspondent plutôt à des traits communs aux secondes. La spécificité du Québec explique en partie cet état de fait. En ce sens, les tendances que nous serons amené à souligner dans le cas montréalais seront difficiles à généraliser. Elles rendent compte cependant de prolongements intéressants du cas lyonnais.

Notes
25.

Voir à ce sujet la section « archives » du site Internet de la ville de Montréal, http://www.ville.montreal.qc.ca/

26.

L’ensemble des données d’ordre démographique sont disponibles sur le site de Statistiques Canada, http:// www.statcan.ca

27.

Résultats disponibles sur http://www.statcan.ca

28.

Donnée disponible dans l’Atlas Socio-Economique de Montréal 2003, http://ville.montreal.qc.ca/

29.

L’appellation A.O.T. regroupe dans les cas montréalais et lyonnais des structures dont les missions et les activités sont très différentes.