III. Techniques et choix d’analyse

A. Un travail par typologie pour une recherche exploratoire

La méthodologie de cette recherche s’appuie sur l’élaboration de trois typologies. Les typologies sont répandues dans la recherche urbaine et font référence à la notion de type [Panerai & alii, 2005]. Ce mot est apparu à la fin du XVe siècle pour désigner le caractère d’imprimerie, en plomb. Dans cette première utilisation du mot, « le type n’est pas l’objet ou la figure à imiter, mais le moyen concret de la reproduction » (Panerai & alii, 2005:105). Avec un objectif de classification, la notion de type évolue et se précise ensuite pour désigner l’essence d’un grand nombre d’objets, de plantes, d’animaux ou de personnes. Il s’agit donc d’un « objet exemplaire qui permet de rendre compte avec économie d’une population assez vaste » (Panerai & alii, 2005:105). La typologie fait directement référence au type que nous venons d’évoquer si ce n’est que celui-ci n’existe pas a priori en tant que tel, il est construit à l’occasion d’un raisonnement théorique et abstrait. La typologie désigne le résultat du processus au cours duquel une population est réduite en plusieurs groupes homogènes et différents les uns des autres. La population étudiée est finalement appréhendée sur la base de ces différents types.

Diverses variables descriptives (des plus discriminantes aux moins discriminantes) sont utilisées au cours de la construction des typologies. Plusieurs techniques statistiques aident à choisir et hiérarchiser ces variables, ce sont par exemple les analyses de variance, les analyses factorielles des correspondances, les analyses en composantes principales ou encore les méthodes de classification hiérarchique. Toutes ces techniques sont au service de la typologie, mais restent informatives et ne doivent pas suffire à sa construction. Celle-ci revient au chercheur, qui connaît le contexte et les enjeux qui lui sont associés, et peut donc associer à la pertinence statistique la portée interprétative. C’est une des caractéristiques les plus importantes du travail typologique, elle se doit donc d’être assumée, avec les risques qui lui sont associés. La typologie permet de prendre en compte un grand nombre de variables et d’en tirer de grandes tendances. « (…) la typologie est un instrument utile, permettant de trier et de styliser un ensemble de données souvent foisonnant » (Vassy, 2003:226). En ce sens, elle est bien adaptée aux recherches exploratoires, car elle permet de faire émerger de grandes tendances, qui peuvent ouvrir sur des pistes de recherche futures.

Les typologies spatiales visent à caractériser et regrouper les espaces urbains selon un certain nombre de variables. Pour chacune des aires urbaines considérées, deux de ces typologies sont réalisées dans cette thèse, une résidentielle et une fonctionnelle. La première a vocation à préciser la spécialisation socio-spatiale qui caractérise les localisations résidentielles. Elle fait directement écho à la notion de ségrégation résidentielle présentée précédemment. Sont utilisées plusieurs variables permettant de décrire les ménages résidants (leur structure et les revenus par unité de consommation (U.C.)) et les zones en tant que telles (éloignement au centre-ville, densité, types de logements). D’un tout autre point de vue, la typologie fonctionnelle vise quant à elle à localiser les activités urbaines, en prenant en compte leur attraction quotidienne, appréhendée à travers les destinations effectives des déplacements des citadins. Faire un bilan géolocalisé de l’offre urbaine ne suffit pas pour rendre compte des différences de nature entre les fonctions urbaines et la disponibilité de ce type de données est rare dans les pays du Sud. Nous avons donc décidé d’utiliser les informations disponibles dans les enquêtes-ménages transport. L’étude des activités réalisées par les citadins renvoie en effet à la fois à la localisation des pôles d’activités, révélateurs de l’inscription géographique des fonctions urbaines, mais permet également de rendre compte de l’importance des flux associés à ces pôles d’activités et la provenance des personnes concernées. Une fois ces deux typologies spatiales construites, chaque zone se voit doublement caractérisée, selon la population qui y vit et selon les activités qui s’y déroulent.

Une troisième typologie, individuelle cette fois, est construite pour chaque aire urbaine. Les variables utilisées sont des variables individuelles ou liées aux ménages d’appartenance : l’âge, le statut, le genre, la situation dans le ménage, la structure du ménage d’appartenance, ses revenus par unité de consommation, etc. Cette typologie vise à mettre en évidence les différences interindividuelles du point de vue des activités réalisées. Celles-ci permettent effectivement d’engager la description des modes de vie urbains. Les variables d’ordre spatial ont volontairement été mises à l’écart pour cette typologie, de manière à évaluer plus directement leurs effets dans une phase ultérieure, qui renvoie alors plus directement aux relations tissées par les citadins avec la ville, et à la ségrégation urbaine telle qu’elle a été définie précédemment.

Le logiciel SAS a été utilisé pour le traitement de données, en particulier parce qu’il est capable de gérer des bases de données importantes, comme celles de l’enquête-ménages montréalaise. Le logiciel de cartographie utilisé est MapInfo. Il est mobilisé principalement dans ce travail à des fins descriptives et représentatives.