A. Fonctions urbaines et attractivité quotidienne des territoires

Qu’entendons-nous tout d’abord par fonctions urbaines ? « D’un côté les fonctions paraissent déterminer le contenu social, le mode de vie de la ville ; d’un autre côté elles délimitent des aires d’influence, expliquant la place de la ville dans l’organisation spatiale » (Roncayolo, 1997:52). Les fonctions urbaines renvoient dans la littérature à la fois à des questionnements intra- et inter-urbains. Elles caractérisent la ville relativement à la campagne, en lui associant un rôle et une spécificité, qui dépendent de la région et du contexte national (et international) de chaque aire urbaine. Il s’agit plus simplement de comprendre comment les villes fonctionnent, en leur sein, avec leur hinterland et entre elles. L’utilisation du verbe fonctionner éclaire ce que nous entendons par fonctions urbaines. Celles-ci font écho directement à une offre en infrastructures de transports, de santé, d’éducation, de services mais aussi à une dynamique économique concrétisée notamment par des emplois… Cette mise à disposition peut alors être décrite et qualifiée, c’est précisément l’objectif de cette partie. Lorsque des textes de lois, des articles de presse ou des contributions scientifiques évoquent le droit à la ville, elles font référence à ces fonctions urbaines, celles-ci se déclinant en divers établissements et infrastructures pour lesquels l’accessibilité (ou l’accès à) peut être étudiée.

La question de l’organisation et de l’articulation des fonctions urbaines ne fait pas uniquement référence à une offre en infrastructures et en services « nécessaires à la vie sociale, professionnelle et extra-professionnelle » (Rémy & Voyé, 1992:1970). Elle ne se limite pas à des activités mises à disposition, mais touche également à l’usage effectif de ces activités et l’articulation des territoires associés avec l’ensemble de l’aire urbaine. L’étude de l’inscription spatiale des fonctions urbaines et de leur articulation a pour objectif intermédiaire de mieux comprendre l’offre intra-urbaine en termes de services et d’activités telle qu’elle s’est construite au fil du temps, notre objectif final étant d’approcher les modes de vie des citadins à travers leurs habitudes, activités et mobilités. Nous nous appuyons donc sur « la vie des relations et une conception unifiante de la fonction, alliée au concept de centralité » (Roncayolo, 1997:60). Les fonctions urbaines renvoient finalement à des domaines d’activités spécifiques auxquels sont associés des établissements et des localisations spatiales concrètes. La présence éventuelle de ces établissements sur un territoire va alors influencer son image et ses usages par les citadins. A titre d’exemple, ces fonctions seront les fonctions commerciales, administratives, de formation ou encore de santé. Nous nous intéressons donc ici à la localisation des grands pôles d’emplois (dans les domaines publics ou privés), d’enseignement, d’achats, de santé, de loisirs, etc. Le domicile est considéré comme un point d’ancrage pour le citadin, autour duquel les activités et les espaces sont articulés. Puisque notre recherche est basée sur les modes de vie des citadins au quotidien, la fonction résidentielle fera l’objet d’une analyse propre dans le chapitre 2 de cette partie et ne sera donc pas évoquée ici.

Pour rendre compte au plus précisément de la place des fonctions urbaines évoquées précédemment, nous avons pris le parti de situer les activités et établissements concernés, mais également de leur associer les flux générés. Ce dernier point correspond à l’attraction quotidienne des pôles d’activité et des territoires où ils sont situés. C’est en mesurant l’attraction effective des territoires au quotidien que nous rendons compte de leur attractivité, la première relevant du pendant observable et mesurable de la seconde (grâce aux données des enquêtes-ménages en particulier). L’attractivité, comme l’accessibilité, doit être considérée comme une qualité de certains territoires vis-à-vis d’autres, elle renvoie en l’occurrence au potentiel d’attraction des territoires urbains. A l’autre extrême se situent des territoires quotidiennement peu ou pas attractifs, si ce n’est pour les citadins qui y résident. Lorsque les activités sont principalement destinées à la population locale résidente, l’échelle métropolitaine qui est celle de notre recherche n’est pas pertinente. En d’autres termes, l’attraction de ces territoires ne peut être envisagée à l’échelle métropolitaine, mais dans le cadre des espaces de vie individuels, que nous décrirons dans la troisième partie de cette thèse.

Des activités et des équipements permettent d’expliquer l’attraction quotidienne de certains territoires, mais il n’est pas question de s’affranchir de l’espace urbain sur lequel ils se situent. Ce dernier n’est pas neutre. Loin d’être un simple support d’une activité qui le dépasserait, il porte, consolide, renforce ou pèse, étouffe, lèse les dynamiques économiques et sociales dont il fait partie intégrante. En ce sens, ce sont bien des territoires que nous étudions, au travers des activités qui s’y déroulent, c’est-à-dire au travers du sens que leur donnent les citadins par leurs comportements quotidiens. Les typologies fonctionnelles construites rendent finalement compte de la spatialisation des activités des citadins.

Le travail effectué dans cette partie revient à localiser de grands pôles attracteurs, des centres autour desquels la vie des citadins s’organise. L’attraction mesurée des espaces urbains peut être associée à une ou plusieurs fonctions urbaines, les territoires en question pourront respectivement être qualifiés de monofonctionnels ou polyfonctionnels. En ce sens, un des territoires possède un statut atypique qui justifie une étude spécifique, il s’agit du centre-ville, que nous serons amené à localiser et délimiter dans les quatre aires urbaines étudiées.