C. Méthode de construction des typologies fonctionnelles

Malgré les différences déjà évoquées entre les villes étudiées et les données dont nous disposons sur chacune d’elles, nous avons opté pour une méthodologie commune de construction des typologies fonctionnelles. Ce choix n’exclut pas certains compléments d’analyse nécessaires principalement pour pallier les lacunes en termes d’informations disponibles.

L’ensemble de ces typologies repose donc sur un travail de localisation des destinations des déplacements des citadins. La justification de cette méthode de travail est liée à notre volonté de travailler sur les déplacements effectifs des citadins, sur les accès plutôt que sur l’accessibilité, sur l’attraction effective des territoires plus que sur leur attractivité. Cette technique a parallèlement l’avantage de permettre la localisation des pôles d’activités dans les villes du Sud (villes pour lesquelles aucune autre source de données ne permet ce type de travail). Nous avons exclu les déplacements de retour au domicile, les déplacements d’accompagnement ou encore les visites. Ceux-ci renvoient en effet à des dynamiques urbaines différentes et ne font pas directement écho à une offre en infrastructures et activités. Les déplacements internes au quartier d’habitation ont également été écartés. Nous savons la mobilité urbaine contrainte dans les métropoles contemporaines, l’effort nécessaire aux déplacements longs est donc significatif de l’importance de l’activité dont il est question. Notre échelle d’analyse des fonctions urbaines est l’aire urbaine, elle se prête mal à la mise en exergue des dynamiques locales dans certains quartiers. Nous n’en ferons donc pas état dans cette partie de notre travail. Pour limiter les doubles ou triples comptes, nous avons calculé le nombre de citadins entrant dans chaque zone pour une activité donnée plutôt que le nombre d’entrées dans chaque zone. Un citadin travaillant dans une zone spécifique et rentrant déjeuner chez lui aurait sinon été comptabilisé deux fois. Nous avons donné le nom d’entrée à l’unité de ce comptage.

La première de nos préoccupations fut celle de la localisation des activités économiques synonymes d’emploi pour les citadins, abordée par les déplacements de motif travail. Quelques précisions ont pu être apportées ensuite, entre les emplois salariés et non salariés pour le cas de Niamey, et entre les emplois du secteur secondaire et tertiaire pour les quatre aires urbaines. Dans un second temps ont été abordés les grands pôles d’enseignement. Les déplacements de motifs études ont permis de localiser les établissements pré-universitaires et universitaires. Ceux-ci ont été considérés successivement, leur nombre, leur taille et leur localisation variant fortement. Les grands pôles d’achats, administratifs (liées aux démarches administratives), de santé, de loisirs et de pratique religieuse ont également pu être situés grâce aux déplacements de motifs associés. L’ordre dans lequel nous venons de les présenter fait référence à une hiérarchie basée sur la fréquence et le caractère obligé des activités correspondantes. Les fonctions urbaines associées à l’emploi et à l’éducation sont considérées comme les deux plus importantes dans la mesure où elles renvoient à des déplacements dont la récurrence est quotidienne et qui s’imposent aux citadins. Étudier pour les plus jeunes puis travailler pour gagner sa vie sont des inconditionnels de la vie quotidienne contemporaine. La fréquence et la nature contrainte des activités décroît ensuite.

Une fois l’ensemble de ces pôles urbains localisés dans la ville, et représentés sur des cartes thématiques permettant d’apprécier l’importance des flux générés, nous avons situé et délimité le centre-ville. Il correspond au premier regroupement de zones pour ce travail typologique. Tel qu’évoqué dans la partie précédente, divers éléments ont été abordés en complément des analyses fonctionnelles, comme l’histoire du développement de la ville ou encore les représentations des territoires par les citadins dans le cas de Niamey. Des techniques d’autocorrélation spatiale locale, en l’occurrence l’indice L-Moran (implantation locale de l’indice de Moran) ont été utilisées pour rendre compte des similarités et différences locales entre les zones. Ce type d’indicateur local d’association spatiale permet d’indiquer « le degré de similarité par petits voisinages » (Morency, 2006:93). Cet indicateur permet de situer pour une variable donnée (ce sera le nombre d’entrées dans notre cas) la valeur d’une zone par rapport à celle de ses voisins [Anselin, 1995]. Nous verrons par la suite l’utilité de ce type de calcul pour caractériser les centres des villes considérées. Quant à la délimitation en tant que telle de ces espaces spécifiques, elle a été possible grâce à un travail sur les effets de coupure liés à certaines infrastructures ou à des caractéristiques physiques de l’espace. Nous en préciserons la nature dans la partie consacrée à la localisation et la délimitation des centres-villes.

La dernière phase de ce travail relève plus directement de la construction des typologies fonctionnelles. Rappelons ici que leur objectif est à terme de pouvoir différencier les citadins exerçant des activités données selon les lieux où ils les exercent. En ce sens, effacer la polyfonctionnalité d’un territoire en le plaçant dans un groupe lié à une fonction urbaine située plus haut dans la hiérarchie n’était pas approprié. Nous avons donc fait le choix de permettre à une zone d’appartenir à plusieurs groupes (dans le cas où elle s’avérerait être un pôle d’attraction important pour plusieurs fonctions). Les groupes créés découlent directement des fonctions urbaines étudiées. Une fois tous les pôles d’activités regroupés, nous avons recalculé l’attraction de chaque territoire, mais cette fois pour l’ensemble des motifs. Les territoires d’attraction intermédiaire (qui présentent une attraction non négligeable mais ne sont pas des pôles d’activités présentés) et non attractifs (attraction faible ou nulle) sont les deux derniers groupes des typologies fonctionnelles ainsi créées.