3. Les grands pôles d’achats

Les achats sont des activités qui ne sont généralement pas réalisées quotidiennement. Nous avons considéré sans différenciation les denrées alimentaires ou les équipements divers, dans la mesure où la différence n’est pas faite pour les enquêtes niaméenne, poblanaise et montréalaise. Si les déplacements vers le lieu de travail ou d’enseignement répondaient à des logiques individuelles, reliées au statut de chaque citadin, les achats s’inscrivent en partie au moins dans une logique de fonctionnement du ménage. Nous ne manquerons pas d’en préciser les implications dans la troisième partie. Précisons que les déplacements de shopping, ou de « magasinage » à Montréal (promenade « sur fond » commercial mais sans achat) ne font pas partie des déplacements achats mais ont été considérés dans les loisirs.

Les pôles d’achats mis en évidence à Niamey (carte 17) correspondent aux grands marchés de la ville dont nous avons déjà fait état. Le Petit Marché, le Grand Marché et le Marché Katako sont les plus attractifs, les marchés de Wadata et de Yantala viennent ensuite (ce dernier est un marché de nuit et se tient le soir).

Carte 17 : Les pôles d’achats à Niamey
Carte 17 : Les pôles d’achats à Niamey

Ces marchés dynamiques avaient déjà été pointés par A.H. Sidikou [1980]. Celui-ci évaluait alors à la fin des années 70 à près de 32 % la proportion de citadins faisant leurs achats quotidiennement au Grand Marché, 13 % au Petit Marché et 33 % dans leur quartier. Les autres citadins affirmaient changer parmi les lieux précités. Il n’existe pas cependant de marchés dans tous les quartiers de la ville. Les quartiers anciens, villages déplacés ou rattrapés par l’urbanisation, sont généralement organisés autour d’un marché. En ce qui concerne les autres quartiers de la ville, l’équipement est assez divers, variant de petits marchés à l’absence presque totale d’offre commerciale (elle se réduit parfois à quelques tabliers41). Cette offre de petite envergure (qui se résume parfois à quelques vendeurs ambulants) offre à des citadins peu mobiles une possibilité d’accéder à des biens de première consommation sans se déplacer. Les prix demandés s’avèrent alors logiquement plus élevés (Diaz Olvera et alii, 2003).

A Puebla, les pratiques d’achats se répartissent sur plusieurs territoires qui peuvent être localisés sur la carte 18.

Carte 18 : Les pôles d’achats à Puebla
Carte 18 : Les pôles d’achats à Puebla

La zone du Zócalo et celle immédiatement à l’ouest sont les deux pôles d’attraction commerciale les plus importants. Deux autres zones, à l’est du Zócalo concentrent également les déplacements d’achats grâce au marché Carmen Serdán et à quelques petits supermarchés. Malgré le développement de plusieurs pôles d’achats péricentraux (Plaza Dorada, Plaza Crystal et Plaza América vers le sud) et périphériques (Plaza Reforma et Centro Comercial Cruz del Sur vers l’ouest), plusieurs marchés restent dynamiques. Il s’agit principalement du Mercado Unión et du Mercado José Maria Morelos respectivement au nord et au nord-est du centre. Depuis la réalisation de l’enquête, un grand centre commercial (du nom d’Angelopolis) a été construit en périphérie ouest. Il n’apparaît donc pas dans notre travail mais concentre aujourd’hui des flux importants pour le motif achat.

Carte 19 : Les pôles d’achats à Lyon
Carte 19 : Les pôles d’achats à Lyon

Plusieurs pôles d’achats ressortent à l’échelle de l’agglomération lyonnaise (carte 19). Le plus important d’entre eux est situé à Bron dans la périphérie sud-est, il regroupe 10,6 % de l’ensemble des entrées dédiées aux achats. Il s’agit d’une zone commerciale importante dont le nom est Porte des Alpes, comprenant notamment l’un des plus grands hypermarchés de l’agglomération. Viennent ensuite deux zones beaucoup plus centrales. La portion de la Presqu’île entre la Place Bellecour et l’Hôtel de ville et le centre commercial de la Part-Dieu (à l’est de cette première) concentrent respectivement 9,2 % et 7,4 % des entrées considérées. Ces deux zones tirent plus leur attractivité d’une concentration de commerces et boutiques que de la présence d’une seule grande surface. Ils s’opposent en cela aux autres pôles commerciaux de l’agglomération lyonnaise, plus directement liés à la présence d’un hypermarché. Il s’agit (dans l’ordre de l’attraction mesurée) des Carrefours de Vénissieux, d’Ecully, de Villeurbanne, des Galeries Lafayette à Bron, du Continent des Sept Chemins et des Mammouth de Caluire et Dardilly. Les enseignes de ces grandes surfaces ont changé pour certaines d’entre elles depuis 1995. Celles-ci sont toutes situées en périphérie lyonnaise et nécessitent généralement une voiture pour s’y rendre.

Tel que nous pouvons nous en rendre compte sur la carte 20, les grands pôles commerciaux mis en évidence à Montréal ont la particularité de ne pas être situés dans le centre (à une seule exception près). Les trois zones les plus attractives du point de vue des achats sont les Galeries d’Anjou, dans la partie est de l’île de Montréal, le Carrefour Laval, dans la municipalité de Laval, en périphérie nord-ouest, et le Fairview Pointe-Claire, une grande galerie commerciale située dans la partie ouest de l’île de Montréal. Sur le territoire de la municipalité de Longueuil (sur la rive droite du Saint-Laurent) apparaît parmi d’autres hypermarchés la galerie commerciale appelée Promenades Saint-Bruno. Ces quatre pôles sont des galeries commerciales de grande taille, gérées par l’entreprise Cadillac Fairview. Le Centre Eaton dans le centre de Montréal est également un centre commercial regroupant un grand nombre d’enseignes, ce qui revient à dire que l’attraction commerciale centrale est au moins autant liée à la présence de centres commerciaux qu’à celle d’une offre répartie sur de nombreuses petites boutiques. L’ensemble de la pratique des achats à Montréal se concentre dans un certain nombre de pôles d’importance variables mais correspondant tous ou presque à des galeries marchandes ou autres hypermarchés. Ces pôles sont répartis sur l’ensemble de l’aire urbaine.

Sur l’ensemble des quatre villes étudiées, les pôles d’achats s’affirment comme plutôt bien répartis dans l’ensemble des aires urbaines, bien qu’une certaine concentration de l’attraction puisse être notée autour du Zócalo à Puebla et autour de trois marchés majeurs à Niamey. Dans le cas montréalais, les pôles d’achats périphériques prennent l’essentiel de l’attraction mesurée, à l’exception du Centre Eaton. Qu’il s’agisse des marchés niaméens et poblanais, ou des grandes surfaces et des galeries marchandes à Puebla, Lyon et Montréal, on retrouve la même forme pour ces pôles d’achats de centralité commerciale, avec le regroupement systématique de divers types de vendeurs et de produits (alimentation, vêtements, chaussures, bricolage). Plus que toute autre fonction, la fonction commerciale semble à même de se concentrer sur des espaces qui lui sont entièrement dédiés et qui drainent à eux seuls une large part des flux associés. Ces localisations périphériques ne sont possibles que si l’usage de la voiture particulière est généralisé.

Carte 20 : Les pôles d’achats dans l’agglomération montréalaise
Carte 20 : Les pôles d’achats dans l’agglomération montréalaise
Notes
41.

Les tabliers sont des marchands installés sur le trottoir et ne disposant que d’une table en bois (ou valise en bois parfois posée sur des tréteaux). Les produits vendus sont divers mais on trouve régulièrement des cigarettes et des médicaments.