B. Analyse descriptive des espaces résidentiels

1. Les caractéristiques des ménages

Les dimensions démographiques et socio-économiques des spécialisations spatiales sont successivement abordées. Elles renvoient à la structure des ménages et à leurs conditions économiques.

  • La structure des ménages

Concernant la structure des ménages, nous avons décidé de retenir, pour chaque quartier, la proportion de célibataires, le nombre moyen d’enfants et d’adultes et la propension à la polygamie. Nous faisons l’hypothèse que la structure du ménage, appréhendée par ces quatre variables, a in fine une influence sur les comportements individuels de mobilité et les rapports entretenus par chacun avec la ville. La tradition africaine de la famille élargie a des conséquences importantes en termes d’accueil au sein du ménage, d’où notre choix de considérer le nombre d’adultes au sein du ménage. Quant à la polygamie, elle tire sa source de traditions rurales et religieuses. Selon A.H. Sidikou (1980:163), « l’inclination à contracter des unions multiples dépend de plusieurs facteurs dont notamment la situation financière des individus, leur âge, leur niveau intellectuel ou leur origine ethnique ». La polygamie est évaluée ici par le pourcentage d’individus en ménage polygame sur l’ensemble des individus en ménage. Cette approche individuelle donne des résultats plus élevés que ceux que nous sommes habitués de voir et qui sont basés sur les ménages.

Comme dans le cas des types d’habitation, nous avons regroupé les quartiers en nous appuyant sur une classification ascendante hiérarchique (le dendrogramme associé est représenté schéma 4). Cette méthode suggère une partition en 6 groupes. Pour éviter des notations ordonnées (struct1, struct2, etc. par exemple), nous avons assigné à chaque groupe un sigle de 9 lettres dont les 2 ou 3 dernières renvoient à ses caractéristiques. Ces groupes sont :

  • Le groupe structMOY, composé de 18 quartiers. La structure des ménages qui y résident est assez typique de celle de l’ensemble des ménages niaméens. On y retrouve en moyenne 3 adultes et 3 enfants par ménage, 15 % d’adultes célibataires et 30 % appartenant à un ménage polygame.
  • Le groupe structCEL, avec 12 quartiers où vivent des ménages qui en moyenne ressemblent assez bien aux précédents. La proportion de célibataires y est plus forte cependant (27 % des ménages).
  • Le groupe structAdC, dans lequel on retrouve, vis-à-vis des deux premiers groupes, une proportion plus forte encore de célibataires (36 %) et un nombre moyen d’adultes par ménage élevé (proche de 4). 7 quartiers font partie de ce groupe.
  • Le groupe structGP, avec 4 quartiers dans lesquels les ménages sont grands (3,4 enfants par ménage en moyenne) et caractérisés par une propension élevée à la polygamie (39 % des adultes vivent dans un ménage polygame).
  • Le groupe structPE, composé de deux quartiers seulement. Les ménages qui y résident sont petits, puisqu’ils sont composés en moyenne de 1,6 enfants et 2,5 adultes par ménage.
  • Le dernier groupe, structGM, ne contient qu’un seul quartier : la Cité Fayçal. Le nombre d’hébergés est très élevé (les ménages y sont grands). Ce résultat est conforme à la forte densité dans les maisons économiques (majoritaires dans ce quartier) soulignée par H. Motcho [1991]. La propension à la polygamie y est peu développée (le M désigne Monogamie).

Les effectifs de ces groupes sont déséquilibrés. Les tendances observées en termes de structures de ménages ne permettent pas en effet de distinguer plusieurs grandes tendances, mais plutôt quelques exceptions et variations autour d’une tendance moyenne assez largement répandue.

Schéma 4 : Dendrogramme associé à la classification ascendante hiérarchique concernant la structure des ménages à Niamey
Schéma 4 : Dendrogramme associé à la classification ascendante hiérarchique concernant la structure des ménages à Niamey
  • Les conditions économiques des ménages

Les revenus en tant que tels n’ont pas été demandés dans le recensement de 1988. Pour pallier cette lacune, nous avons décidé de nous appuyer sur une variable proxy. Faute de pouvoir utiliser les niveaux d’éducation (non ventilés selon que les citadins ont fini leur cursus ou non), nous avons choisi les matériaux de construction des habitations, dur (parpaings et ciment) et semi-dur. Dès que les ménages en ont les moyens, ils cherchent en effet à améliorer leur habitation, d’abord en renforçant les murs et les toits (on parle alors de semi-dur), et ensuite en construisant ou en accédant à une maison en dur. 6 groupes de quartiers émergent de la classification ascendante hiérarchique réalisée avec les deux variables (pourcentage de construction en semi-dur et en dur). Nous les avons notés de dur1 à dur6 dans l’ordre croissant de la proportion d’habitations en dur. Ce choix de variable proxy a le défaut de faire redondance avec les types d’habitations précédemment décrits, mais l’accent avait été mis alors sur la forme des habitations (de cour, uni- ou pluri-familiaux et villas) plutôt que sur les matériaux de construction utilisés.

  • Les spécialisations ethniques à l’intérieur des espaces urbains niaméens

Dans notre description du contexte niaméen, nous avons fait état de la diversité ethnique de ses résidents. C’est une caractéristique typique des espaces métropolitains africains. Les parcours migratoires internationaux montrent également les relations importantes qui existent entre le Niger d’un côté, le Burkina Faso et le Nigéria de l’autre, mais également avec d’autres pays d’Afrique de l’Ouest [Clément, 2000]. Nous avons donc cherché à localiser les différentes communautés ethniques et nationales au sein des espaces résidentiels niaméens. Cela a été possible grâce aux données du recensement de la population de 1988. De l’analyse des correspondances simples, nous avons décidé de conserver les quatre premiers axes, qui expliquent 94 % de l’inertie du nuage de points. Les coordonnées des points sur ces quatre axes ont ensuite été utilisés pour la classification ascendante hiérarchique. Cette dernière suggère une partition en 7 groupes des quartiers nigériens (le schéma 5 correspond au dendrogramme associé) :

  • 10 zones composent le groupe ethnoD, dans lequel les Djermas sont majoritaires avec plus de 60 % des résidents. Les Haoussas et les citadins africains non nigériens sont les deux autres groupes de population les plus représentés avec respectivement 16 et 14 %.
  • 17 zones figurent parmi le groupe ethnoDH. Les Djermas et les Haoussas représentent chacun proche de 40 % de l’ensemble des citadins, les 20 % restant étant assez uniformément répartis.
  • Dans le troisième groupe (ethnoDHNN), de 18 zones, les Djermas sont légèrement majoritaires avec 27 % de la population, devant les Haoussas et les Non-nigériens, qui représentent respectivement 27 et 17 %. Ces derniers sont donc un peu plus représentés que dans les deux groupes précédents.
  • Les quatre zones du groupe ethnoDNN viennent ensuite, avec une proportion proche de Djermas et de Non-nigériens. Ils sont proches chacun de 30 % de l’ensemble des résidents.
  • Le groupe suivant est appelé ethnoP pour souligner la proportion importante de Peuls vis-à-vis des autres groupes formés. Ils atteignent 22 % des résidents.
  • Le groupe ethnoT n’est composé que de trois zones, dans lesquelles les Touaregs sont surreprésentés (20 %) relativement aux autres groupes.
  • On ne retrouve plus que deux zones dans le dernier groupe, ethnoE. Les Européens y sont nettement plus nombreux que dans le reste des espaces résidentiels niaméens, ils représentent plus de 30 % des résidents.
Schéma 5 : Dendrogramme associé à la classification ascendante hiérarchique concernant la spécialisation ethnique des espaces résidentiels niaméens
Schéma 5 : Dendrogramme associé à la classification ascendante hiérarchique concernant la spécialisation ethnique des espaces résidentiels niaméens