2. Le cadre bâti et la localisation des zones dans l’aire urbaine de Niamey

Nous décrivons dans un premier temps les différents types de construction (leur forme et les matériaux utilisés). Deux autres variables viennent compléter la description de chaque zone, la densité et la position vis-à-vis du centre-ville.

  • Les différents types de constructions

Il existe à Niamey une large gamme d’habitats variant du précaire (tentes ou paillotes) au pérenne (habitats en dur, villas) en passant par les constructions en banco. L’habitat de cour en dur ou en banco est majoritaire. La proportion respective de ces différents types d’habitat varie selon les quartiers de la ville.

Les tentes sont relativement rares dans l’aire urbaine de Niamey et l’habitat précaire se résume quasi exclusivement aux paillotes. Ces dernières sont des cases rondes de 3 à 4 mètres de diamètre, « bâties selon le modèle de l’habitation rurale traditionnelle de la zone Songhaï-Zarma. » (Motcho, 1991:125). Le matériau de construction utilisé pour les murs est le secco, généralement confectionné en nattes. Le toit, en chaume, est souvent en mauvais état et doit être colmaté de chiffons, de morceaux de tôles ou de bâches [Bernus, 1962]. Il n’y a ni eau, ni électricité, l’éclairage se fait à la lampe-tempête, ce qui accroît les risques d’incendie. L’intérieur est sombre mais il y fait relativement frais, principalement grâce aux propriétés thermiques du secco. Les paillotes sont faciles à construire et ont un faible prix de revient (en augmentation cependant ces dernières années [Adamou, 2005]). Pour toutes ces raisons, ce type de construction se maintient dans l’aire urbaine de Niamey malgré son interdiction dans les zones urbanisées (à cause du risque important d’incendies). Cet habitat sommaire est également adapté aux déguerpissements éventuels et sans dédommagement des citadins concernés. Le quartier Foulani Kouara (en périphérie nord de la ville) est le seul quartier autorisé de paillotes. Il y est interdit de construire en matériau durable et les terrains sont accordés à titre provisoire par le chef de quartier [Motcho, 1991]. D’autres campements de paillotes, plus petits, sont disséminés dans plusieurs quartiers de la ville, parmi lesquels les plus aisés, puisque les gardiens de certaines villas y logent.

Le banco constitue le matériau de construction le plus répandu dans la capitale nigérienne. Selon le recensement général de la population réalisé en 1988, 74 % des logements étaient en banco. Il ne s’est pourtant développé qu’à partir des années 30. A cette période, la relocalisation dans l’actuel centre-ville des villages de Zongo, Maourey et Kalley fut assortie d’une interdiction des paillotes pour des raisons hygiénistes et sécuritaires. Son succès grandissant tient au caractère peu onéreux de la construction de ce type d’habitat relativement aux maisons en dur (briques et ciment). Les maisons en banco sont construites « avec des briques en terre crue, séchées au soleil après leur fabrication avec un moule fait de quatre petites planches. La terre crue utilisée à Niamey est le Kaolin, communément appelé banco » (Motcho, 1991:129). La toiture en terrasse est constituée de poutres de ronier43, de branchages et de secco, ou de tôle et de banco. La construction est généralement assumée par un maçon. Compte-tenu des fortes chaleurs et des pluies importantes en saison hivernale, l’entretien doit être fréquent. Les constructions en banco sont généralement desservies par une cour qui correspond à un lieu de vie et de passage central dans la vie des résidents niaméens. Cette cour peut être partagée entre plusieurs familles ou non, on parle alors respectivement d’habitat de cour collectif et d’habitat traditionnel (ou encore pluri-familial et uni-familial). C’est dans ce lieu que les femmes cuisinent, ensemble, sous des abris qui y sont consacrés ou en plein air. L’espace pour la toilette et les latrines (délimité par un muret, une paroi de banco ou de secco) est également partagé par les résidents de la cour. Un ou plusieurs arbres viennent agrémenter la cour lorsque celle-ci est assez grande.

L’habitat en dur constitue le troisième grand type d’habitat dans la capitale nigérienne. Les constructions sont alors réalisées à l’aide de parpaings et la charpente est métallique (barres I.P.N.). Les habitats de cour en dur et les villas doivent cependant être distinguées. Les premiers, autrement appelés célibatoriums, possèdent des caractéristiques morphologiques proches de l’habitat de cour en banco, mais sont plus grands et mieux adaptés à la vie collective (meilleur isolement entre co-résidents) [Motcho, 1991]. L’équipement y est meilleur (eau, électricité) et la densité plus limitée. La rupture reste nette cependant au regard des conditions de vie dans les villas. Ces dernières ne concernent qu’une petite frange favorisée de la population niaméenne. Les maisons économiques dans un premier temps ont été financées par l’Etat au travers de divers programmes. Ce sont par exemple les cités C.N.S.S. (Caisse Nationale de Sécurité Sociale) et SONUCI. Les équipements y sont bons mais le nombre de personnes par maison est parfois tel que les conditions de confort sont vite dégradées [Motcho, 1991]. Les villas de grand standing, vastes et généralement entourées de grands jardins, sont quant à elles parfaitement équipées et souvent climatisées (au moins en partie). Certaines disposent d’une piscine.

Au regard de ces types d’habitat, nous avons construit une variable qualitative permettant de rendre compte de la diversité décrite. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur les types d’habitat et les caractéristiques des murs (matériaux), disponibles dans le recensement de 1988. Nous avons calculé, pour chaque quartier, les fréquences des maisons unifamiliales, plurifamiliales, des villas, des constructions en dur, en semi-dur et en banco. Sur la base de ces données, nous avons eu recours à une analyse des correspondances simples. Trois axes ont pu être retenus, l’inertie expliquée atteint alors près de 97 %. Les coordonnées des points sur ces axes ont ensuite été repris pour la classification ascendante hiérarchique, qui suggère finalement une partition des zones en 5 groupes (dendrogramme associé sur le schéma 6) :

  • Les 9 quartiers résidentiels type européen (QRTE dans les analyses). Ils correspondent aux anciens espaces construits pour les colons (Plateau1, Plateau2, Issa-Béri, Hopital Terminus), à leurs prolongements (Dar es Salam, Stade), ou à des quartiers dont la construction ou la réhabilitation a été financée par divers organismes étatiques ou des capitaux étrangers (Wadata, cité Caisse, cité Fayçal, 105 logements). 42 % environ des logements sont des villas tandis que la proportion de constructions en dur dépasse les 51 %.
  • Les 9 nouveaux quartiers type européen (NQTE). Ils forment une ceinture au nord des quartiers précédemment cités (Yantala, Radio, Djidah, Couronne Nord, Dan Gao, Garba Do, Banifoundou1 et 2 et Route Filingué 1 et 2). Peu de villas y sont construites (10 % des habitations) mais près de la moitié des constructions sont en dur.
  • Les 13 quartiers africains en matériaux divers (QAMD). L’habitat de cour plurifamilial y est majoritaire (avec plus de 83 % des logements) mais une proportion non négligeable de constructions en dur et en semi-dur (respectivement 19 et 11 %) apparaissent aux côtés de celles en banco (64 %).
  • Les 17 quartiers traditionnels en banco (QTB). Vis-à-vis des quartiers du groupe précédent, la place du banco s’affirme avec plus des trois quarts des constructions, tandis que les logements unifamiliaux, dits traditionnels, atteignent 32 % contre 63 % pour les logements plurifamiliaux.
  • Le quartier d’habitat précaire (QHP), Foulani Kouara. On y retrouve près de 90 % de logements traditionnels unifamiliaux, les matériaux variant du banco (pour 51 % des constructions) à la paille (pour plus de 40 % d’entre elles).
Schéma 6 : Dendrogramme associé à la classification ascendante hiérarchique concernant l’habitat à Niamey
Schéma 6 : Dendrogramme associé à la classification ascendante hiérarchique concernant l’habitat à Niamey
  • La densité des populations niaméennes
  • La distance au centre

Pour rendre compte de la distance des zones considérées au centre-ville, nous avons construit une variable spécifique. A partir de la carte de Niamey, et relativement aux effets de coupure qu’il nous était possible de pointer, nous avons séparé les quartiers en quatre groupes. Le premier concerne les quartiers centraux tels qu’ils ont été définis dans la partie précédente. Le péricentre a ensuite été délimité en considérant l’espace fermé par le Boulevard de rocade Mali-Béro au nord et à l’ouest, l’Avenue de l’O.U.A. à l’est et le Niger au sud. Les quartiers de périphérie proche ont été ensuite regroupés, ce sont les quartiers périphériques mais situés dans la continuité du tissu urbain par rapport aux quartiers centraux et péricentraux. Le quatrième et dernier groupe concerne les zones de périphérie lointaine, séparés du reste de la ville par des espaces vierges de toute implantation ou par le fleuve. La distance importante de ces quartiers au centre-ville s’additionne à la coupure qui existe dans le tissu urbain.

Notes
43.

Arbres de la famille des palmiers