B. Analyses descriptives des espaces résidentiels montréalais

1. Les caractéristiques des ménages

Les dimensions démographiques et économiques de la ségrégation résidentielle sont abordées dans cette partie comme elles l’ont été à Niamey, Puebla et Lyon. La dimension ethnique a également pu être abordée dans le cas montréalais, comme elle l’a été pour l’aire urbaine de Niamey. Nous l’avons étudiée à partir de la langue parlée au domicile par le chef de ménage et son(sa) conjoint(e). Les raisons de ce choix seront évoquées après avoir décrit la répartition des ménages sur l’aire urbaine montréalaise relativement à leur structure et leurs revenus.

  • La structure des ménages

Comme pour Lyon, la forme des ménages a été abordée dans le cas montréalais grâce à la proportion dans chaque zone de ménages à une personne, de couples sans enfant et de couples avec enfants, qui sont respectivement de 29 %, de 25,6 % et de 30,9 % en moyenne sur l’ensemble de l’aire urbaine. Les 14,5 % restant concernent les autres structures de ménages, à savoir les colocations, les familles monoparentales, etc. De notre analyse de classification ascendante hiérarchique émergent 5 groupes qu’il est possible d’ordonner par proportion croissante de couples avec enfants et décroissante de ménages individuels. Ces groupes seront nommés dans cet ordre de struct1 à struct5. La part moyenne des couples sans enfant parmi les ménages se maintient quel que soit le groupe entre 21 et 33 %, elle varie bien moins que celle des ménages individuels et des couples avec enfant(s), qui passent toutes les deux de 10 à 50 % selon les groupes.

  • Les conditions économiques des ménages montréalais

Pour attribuer un revenu à chaque ménage enquêté, des moyennes sont calculées (grâce aux données du recensement) dans chacune des zones dites « secteurs de recensement » puis appliquées aux ménages qui y résident. Dans la mesure où nous cherchons ici à caractériser les zones en tant que telles vis-à-vis de la population résidente, nous avons récupéré directement ces moyennes. Comme à Lyon, nous nous intéressons plus aux revenus par unité de consommation, plus directement parlant en termes de capacités de consommation des ménages (dont nous souhaitons évaluer les implications en termes de modes de vie). Nous avons donc calculé puis utilisé la moyenne dans chaque zone du nombre d’unités de consommation par ménage sur la base cette fois des données de l’enquête-ménages. Nous obtenons donc des données mensuelles de revenu moyen des ménages par unité de consommation dans chaque secteur de recensement. La moyenne est égale à 2262 CAN$ et l’écart-type de 930 CAN$. Ces moyennes sont les seules indications dont nous disposons sur la distribution des revenus à l’intérieur de chaque zone. La méthode utilisée ici pour construire les groupes de zones est donc la même que pour l’étude des densités, c’est-à-dire en situant le revenu moyen de chaque zone par rapport à la moyenne et l’écart-type de la distribution des revenus moyens des zones de l’aire urbaine (pondérées selon leur population). Les 6 groupes formés, de rev1 à rev6, sont respectivement composés de 39, 161, 241, 142, 55 et 69 zones.

  • La dimension ethnique de la ségrégation abordée par la langue parlée dans le ménage

A l’instar des grandes métropoles nord-américaines, le brassage ethnique dans l’aire urbaine de Montréal est large. L’histoire de cette ville, évoquée rapidement dans la première partie de cette thèse, en témoigne. Plutôt que d’utiliser pour rendre compte de ce brassage ethnique des données relatives au(x) groupe(s) ethnique(s) ou culturel(s) au(x)quel(s) appartenaient les ancêtres du citadin, disponibles dans le recensement de la population, nous avons préféré baser notre réflexion sur les langues parlées dans le ménage. Ce choix s’appuie en premier lieu sur l’histoire de la friction entre francophones et anglophones dans la métropole, qui dépasse leur origine irlandaise, écossaise, anglaise, française ou autre. Dans une étude sur la ségrégation résidentielle montréalaise, M. Charron [2002] souligne la persistance de cette opposition linguistique dans la seconde partie du XXe siècle. Au-delà de ce contraste entre francophones et anglophones, la langue d’usage des citadins, si elle n’est ni le français ni l’anglais, peut permettre de rendre partiellement compte de leur situation d’immigrés récents. La langue parlée peut être un frein à l’insertion urbaine des nouveaux arrivés. Les citadins ni anglophones ni francophones sont sujets à l’exclusion sociale et leur localisation résidentielle, tout comme leur rapport à la ville, méritent en ce sens d’être mieux connus.

Dans chaque secteur de recensement, nous avons calculé la proportion d’anglophones, de francophones et de citadins ne parlant ni le français ni l’anglais chez eux. L’analyse de classification hiérarchique qui a suivi suggère une partition en 4 groupes. Le premier groupe, avec 342 zones, correspond aux espaces composés essentiellement de francophones. Ces derniers sont moins nombreux (79 %) au profit des anglophones dans le second groupe, de 244 zones. Le troisième groupe est composé de 90 zones majoritairement anglophones (58 %) et le quatrième groupe est mixte, avec 31 % d’anglophones et 11 % ni francophones ni anglophones.