C. La construction de la typologie résidentielle montréalaise

En nous appuyant sur les 6 variables qualitatives construites précédemment, nous avons réalisé une A.F.C.M.. Le schéma 13 correspond à la projection sur le premier plan factoriel des modalités des 6 variables en question. Le premier axe, qui explique près de 15 % de l’inertie du nuage de points, s’interprète par l’opposition entre la périphérie lointaine, les faibles densités, les maisons isolées et les fortes fréquences de couples avec enfants d’une part et d’autre part le péricentre, les fortes densités, les appartements dans des petits immeubles et les proportions importantes de célibataires. Le deuxième axe (7,8 % d’inertie expliquée) permet de souligner la spécificité des zones majoritairement anglophones, souvent situées en première couronne et habitées par des citadins plutôt aisés. Elles s’opposent sur cet axe aux zones exclusivement francophones et à la périphérie lointaine. L’axe 3 explique 7,2 % d’inertie et permet de souligner cette fois la spécificité des zones péricentrales, anglophones, où les résidents ont des revenus élevés et occupent principalement des appartements dans des grands immeubles. Les zones aux fortes proportions de célibataires complètent ce tableau. L’axe 4 (5,7 % d’inertie expliquée) met en relation les zones mixtes du point de vue des langues parlées et celles habitées par des populations plutôt défavorisées. Une opposition nette s’affirme entre ces derniers quartiers et les zones périphériques. Le cinquième et le sixième axe expliquent respectivement 5,5 % et 5,2 % d’inertie, ils permettent d’éclairer la spécificité des zones centrales.

Schéma 13 : Projection sur le premier plan factoriel des modalités des 6 variables qualitatives décrivant les espaces résidentiels montréalais
Schéma 13 : Projection sur le premier plan factoriel des modalités des 6 variables qualitatives décrivant les espaces résidentiels montréalais

Seuls les six premiers axes ont été retenus. Les coordonnées sur ces axes des individus statistiques (les zones) ont été récupérées et utilisées pour une C.A.H.. Cette classification nous a permis de choisir une partition en 8 groupes, qui ont par la suite été affinés par la méthode d’agrégation par centres mobiles. Les résultats obtenus ont été majoritairement conservés malgré le reclassement d’une trentaine de zones par nos soins (sur plus de 700…). La carte 39 permet de visualiser l’inscription géographique des groupes formés. Les zones restées en blanc sont des zones non résidentielles. On y retrouve une partie du parc Mont-Royal, le parc Lafontaine et diverses autres zones péricentrales et périphériques. Les tendances évoquées pour présenter les groupes ont été synthétisées sur le graphe 5, qui réunit plusieurs histogrammes permettant de décrire les groupes et de les comparer.

Les 8 groupes formés ressortent avec une identité forte que nous proposons maintenant de préciser :

Graphe 5 : Analyse descriptive comparée des groupes de la typologie résidentielle montréalaise
Graphe 5 : Analyse descriptive comparée des groupes de la typologie résidentielle montréalaise
Carte 39 : Typologie résidentielle de l’espace urbain montréalais
Carte 39 : Typologie résidentielle de l’espace urbain montréalais

Les typologies résidentielles construites dans ce chapitre rendent compte de spécificités très largement dépendantes des contextes de chaque aire urbaine. Quelques ressemblances entre les cas peuvent cependant être pointées. L’éloignement au centre des espaces résidentiels se décline par exemple assez systématiquement par une chute des densités moyennes, bien que celles-ci masquent des disparités potentiellement fortes (en particulier à Niamey et Puebla). Toujours selon ce facteur, l’importance en proportion des familles ne fait que croître. Dans les deux villes du Sud, cela renvoie au lien entre la pauvreté et l’importance de la natalité, puisque les résidents des périphéries sont défavorisés au regard des autres citadins. La dynamique est différente à Lyon et Montréal, où la vie en périphérie renvoie plus largement à un choix d’espace, de tranquillité, de verdure (bien que les prix du foncier puissent également jouer un rôle important). L’offre immobilière s’est alors rapidement adaptée à cette situation, et l’on retrouve dans les zones centrales et péricentrales des proportions plutôt faibles de logements adaptés pour accueillir des familles. Toujours dans ces deux villes et contrairement aux cas niaméen et poblanais, les populations les plus défavorisées ne se voient pas tant reléguées dans les périphéries que concentrées sur certains espaces spécifiques, les zones de « banlieues » à Lyon et les noyaux populaires péricentraux à Montréal.

Au-delà de l’organisation des activités et des résidences, dont rendent compte les typologies construites dans cette seconde partie, nous proposons maintenant de nous concentrer à nouveau sur l’individu pour étudier son articulation des territoires urbains au quotidien, et le replacer au cœur des dynamiques ségrégatives contemporaines.