A. Les typologies individuelles, pour distinguer les citadins selon leurs activités hors-domicile

Les modes de vie urbains sont abordés sur la base des activités réalisées à l’extérieur du domicile (nous travaillons sur les mobilités associées à ces activités). Ces dernières peuvent être hiérarchisées selon leur niveau de contraintes. Le travail et les études sont des activités fortement contraintes, tant spatialement que temporellement. Elles se déroulent en un lieu précis, fixé sans négociation préalable avec le citadin concerné, tout au moins généralement45, et à une heure précise. Ce sont également des activités dont la fréquence est importante, généralement quotidienne. Les achats, les accompagnements ou encore les services et les déplacements pour la santé ne sont pas caractérisés par un niveau de contrainte aussi élevé, mais sont tout de même nécessaires au bon fonctionnement du ménage. Les loisirs, les visites ou encore la pratique associative ou religieuse rentrent dans un troisième cadre, dans lequel le choix a nettement pris le pas sur la contrainte. La pratique religieuse et les visites, qui s’inscrivent en particulier à Niamey dans une perspective de maintien des réseaux sociaux, peuvent également être perçus comme partiellement contraints. A. Marie [1997] évoque trois devoirs typiques du citadin africain envers ses relations : la participation aux cérémonies familiales, aux activités publiques et la réalisation de visites fréquentes. Ces remarques ne remettent toutefois pas en cause la hiérarchie des activités, qui s’inscrit principalement dans notre démarche d’exposition.

Nous considérons dans cette partie un ensemble d’activités, dont le motif des déplacements recensés rend compte. L’objectif de la première section est alors de rechercher et de hiérarchiser les facteurs qui déterminent la réalisation éventuelle de ces activités. Nous avons construit autant de variables binaires qu’il y a d’activités pour préciser leur réalisation ou non par l’individu en question. Les variables explicatives sont de deux ordres. Elles font référence d’une part à des caractéristiques socio-économiques individuelles, l’âge, le statut, le genre, le niveau d’instruction ou la position dans le ménage par exemple. Dans un second temps, les informations mobilisées concernent le ménage d’appartenance, sa structure, ses revenus par unité de consommation et sa motorisation. A chacune d’elles sont associées des contraintes de niveau et de nature différents, ainsi que des avantages qui vont avoir in fine un effet sur la réalisation de certaines activités plutôt que d’autres. « Constraints on travel can be imposed by a person’s social or economic status, by one’s household and societal roles, or by one’s location vis-a-vis the transport system and activity sites » (Hanson & Hanson, 1981:334).

Nous ne présenterons pas l’ensemble des traitements et analyses statistiques réalisées dans la mesure où la construction d’une typologie suppose une considération exhaustive des facteurs, à chacune des étapes. Toutes les variables, explicatives ou descriptives, sont qualitatives. Les croisements et décorrélations ont donc été réalisés sur la base de tableaux de fréquences croisés. Pour statuer sur l’existence d’une relation statistique entre les variables, le préalable était le test d’hypothèse du χ². Lorsque l’hypothèse d’indépendance entre les deux variables était rejetée, nous avons calculé le coefficient de contingence46, qui permet de mesurer la force de la relation existante. C’est sur la base de la comparaison de ces coefficients que nous avons pu pointer et hiérarchiser les facteurs déterminants pour comprendre la réalisation éventuelle des activités considérées. Une pondération a systématiquement été prise en compte dans les analyses et calculs de fréquences. Dans le schéma synthétisant la typologie (ou une de ses parties), les effectifs sont présentés non-pondérés pour que le lecteur puisse se rendre compte de la marge de sécurité statistique associée à nos choix de classification. Le critère d’arrêt pour les partitions est lié soit à la faiblesse de l’effectif du groupe en question, soit à l’absence de variables supplémentaires permettant d’expliquer la réalisation éventuelle des activités considérées (pour le sous-groupe en question). C’est ce qui explique que les groupes obtenus ne résultent pas d’un nombre égal de partitions, et possèdent des effectifs variables. Pour des questions d’homogénéité entre les villes, n’ont été considérés dans les quatre aires urbaines que les étudiants de 14 ans ou plus (l’enquête niaméenne s’y limitant).

Les citadins sont finalement regroupés selon diverses caractéristiques individuelles ou liées au ménage d’appartenance. Les variables spatiales (localisation du ménage et des activités) sont volontairement écartées dans un premier temps pour être plus spécifiquement abordées dans la seconde section. Ce choix repose sur notre volonté de distinguer spécifiquement ce qui relève des configurations spatiales (résidentielles et fonctionnelles) et ce qui n’en relève pas.

Notes
45.

Le télétravail fait exception, mais son développement reste marginal encore aujourd’hui.

46.

Le coefficient de contingence varie de 0 (indépendance entre les deux variables) à 1 (corrélation parfaite).