3. Les liens entre les statuts et les autres variables explicatives

L’âge, le genre et dans un troisième temps les niveaux d’études et de revenus sont les variables dont les liens avec les statuts sont les plus forts. En explicitant la nature de ces relations, nous précisons les rôles sociaux et les situations économiques associés à chaque modalité des statuts.

Il n’est pas surprenant de relever un lien entre les statuts et l’âge des individus concernés dans la mesure où, dans cet ordre, les scolaires, les étudiants, les citadins en âge d’être actifs (actifs, chômeurs et sans-activité) et les retraités sont associés à des âges de plus en plus avancés. Au-delà de ce positionnement de certains statuts dans le cycle de vie, plusieurs points méritent ici d’être précisés.

A Niamey, les salariés sont plus jeune que les non-salariés et les sans-activité sont sur-représentés dans les classes d’âges jeunes et âgées. Les femmes enceintes et avec de jeunes enfants dans le premier cas et l’absence d’un régime de retraite suffisamment étendu dans le second cas expliquent cette répartition. A Puebla, les chômeurs sont plus jeunes en moyennes que les actifs. C’est le cas également à Lyon, puisque les chômeurs sont 39 % à avoir moins de 30 ans et 34 % à avoir plus de 40 ans (alors que parmi les citadins ayant un emploi, on retrouve 21 % de moins de 30 ans et 50 % de plus de 40 ans). A Montréal enfin, puisque les sans-activité et les chômeurs sont regroupés au sein d’une seule modalité, les répartitions spécifiques de chacun des deux n’apparaissent pas.

Moins trivialement que dans le cas de l’âge, le lien entre les statuts et le genre des citadins est très net dans les quatre aires urbaines.

A Niamey (graphe 11), les femmes dominent largement parmi les sans-activité (77 %), alors que les hommes sont plus représentés parmi les scolaires/étudiants (56 %), les actifs non-salariés (60 %) et surtout les actifs salariés (75 %) et les retraités (qui, pour recevoir une retraite, ont dû travailler dans le secteur formel). Le déséquilibre important selon le genre parmi les actifs salariés mérite d’être souligné, il symbolise la force des rôles sociaux associés au genre dans cette ville.

Graphe 11 : Répartition hommes/femmes pour chaque statut à Niamey
Graphe 11 : Répartition hommes/femmes pour chaque statut à Niamey

Les différences liées au genre sont nettes également à Puebla (graphe 12). Si la parité hommes/femmes est respectée pour les scolaires et les étudiants, les premiers sont majoritaires parmi les chômeurs, les actifs et les retraités tandis que les secondes constituent une large majorité des sans-activité (qui sont donc en général des femmes au foyer). Si les hommes composent la plus grande partie des retraités, c’est qu’ils sont plus nombreux à avoir exercé une activité leur permettant d’avoir droit à une retraite. On retrouve nombre de femmes de plus de 60 ans dans la modalité sans-activité. La forte proportion de familles parmi les ménages niaméens et poblanais (respectivement 82 % et 70 %) est à mettre en parallèle des fortes différences de répartition relevées entre hommes et femmes selon les statuts dans ces villes.

Graphe 12 : Répartition hommes/femmes pour chaque statut à Puebla
Graphe 12 : Répartition hommes/femmes pour chaque statut à Puebla

A Lyon, le déséquilibre entre le statut et le genre se concentre sur les actifs à temps partiel et les citadins sans-activité, puisqu’ils sont composés respectivement de 85 % et de 97 % de femmes (graphe 13). Les différences sont moins nettes pour les autres statuts. La balance entre temps complet et temps partiel semble se faire en faveur du second chez les femmes, c’est également le cas à Montréal. La présence d’enfants dans le ménage explique assez largement ce déséquilibre. Selon J. Bué [2002], les temps partiels renvoient à des réalités différentes s’ils sont « imposés à l’embauche », « choisis pour s’occuper des enfants », ou « choisis pour d’autres raisons ». Dans le second cas de figure, les personnes concernées sont presqu’exclusivement des femmes. H. Garner & alii [2005] confirment également la préférence pour le temps partiel des actifs qui ont des enfants.

Graphe 13 : Répartition hommes/femmes pour chaque statut à Lyon
Graphe 13 : Répartition hommes/femmes pour chaque statut à Lyon

A Montréal enfin (graphe 14), les hommes et les femmes sont également représentés chez les scolaires et étudiants, mais un déséquilibre apparaît en faveur des premiers chez les actifs à temps plein (57 contre 43 %) et en faveur des secondes chez les actifs à temps partiel (65 contre 35 %), les retraités (58 contre 42 %) et les statuts autres (75 contre 25 %). L’espérance de vie, plus forte pour les femmes, permet partiellement d’expliquer le déséquilibre observé chez les retraités. L’importance en proportion des femmes au foyer parmi les statuts autres explique enfin leur sur-représentation dans ce groupe.

Graphe 14 : Répartition hommes/femmes pour chaque statut à Montréal
Graphe 14 : Répartition hommes/femmes pour chaque statut à Montréal

Bien que notre approche soit ici limitée à la mise en lumière de diverses corrélations entre les statuts et quelques facteurs socio-économiques et démographiques, nous avons pu, à travers les résultats présentés précédemment, soulever l’idée que les rôles sociaux associés aux statuts étaient sans doute plus marqués dans les deux villes du Sud et à Niamey en particulier. En considérant maintenant le lien des statuts avec les niveaux de scolarité et de revenus, nous sommes amenés à une lecture plus économique des situations sous-tendues par les statuts.

En ce qui concerne les niveaux de scolarité, on remarque à Niamey que parmi les personnes ayant terminé leurs études, les citadins non instruits ou ayant un niveau équivalent à l’école primaire sont majoritairement sans-activité ou non-salariés, ces proportions chutant avec l’élévation du niveau de scolarité au profit des actifs salariés, largement majoritaires (plus de 80 %) parmi les citadins ayant suivi des études universitaires. Le graphe 15 permet de visualiser cet impact net du niveau d’études sur le statut. Suivant la même logique, les niveaux de scolarité des chômeurs, des sans-activité et des retraités poblanais (effet de génération pour les derniers) sont globalement plus faibles que ceux des actifs.

Graphe 15 : Relation entre le statut et le niveau d’études des citadins niaméens
Graphe 15 : Relation entre le statut et le niveau d’études des citadins niaméens

De manière moins nette à Lyon, les niveaux de scolarité sont globalement plus faibles pour les chômeurs et surtout pour les sans-activité vis-à-vis des actifs. Aucune différence n’apparaît cependant entre les actifs à temps plein et les actifs à temps partiel.

Les degrés de scolarisation sont fréquemment utilisés comme des proxys permettant d’approcher les répartitions des niveaux de revenus dans la population. Le lien entre ces deux variables est confirmé à ce niveau. Les tendances concernant les niveaux de scolarité se retrouvent effectivement au niveau des revenus des ménages d’appartenance (alors même que cette dernière variable ne concerne pas les individus mais les ménages…). A Niamey, les actifs salariés sont plus nombreux en proportion dans les ménages les plus aisés, tandis que les actifs non-salariés et surtout les sans-activité le sont dans les ménages les plus pauvres. A Lyon, les actifs sont sur-représentés parmi les ménages les plus aisés, tandis que les actifs à temps partiel, les retraités, les sans-activité et les chômeurs appartiennent en proportion croissante dans cet ordre à des ménages plus défavorisés. C’est le cas également des scolaires et des étudiants, mais l’interprétation est moins aisée dans leurs cas (à l’exception des étudiants autonomes, la surreprésentation de ces jeunes citadins parmi les ménages moins aisés vient probablement du fait qu’ils appartiennent à des ménages plus grands). A Montréal enfin, les quintiles de revenus élevés sont nettement sur-représentés parmi les ménages des actifs à temps plein, ainsi que ceux des actifs à temps partiel. Inversement, les scolaires/étudiants, les retraités et les statuts autres appartiennent à des ménages des quintiles les moins élevés.

Finalement, les rôles et les situations associés aux statuts sont contrastés dans les quatre aires urbaines, et ces contrastes semblent plus forts à Niamey et Puebla qu’à Lyon et Montréal. Les variables utilisées ensuite dans les typologies individuelles diffèrent pour chaque aire urbaine, nous présentons donc chaque situation successivement.