4. L’âge, la structure des ménages, le genre et la possession du permis de conduire à Montréal

Des partitions supplémentaires ont été réalisées pour chacun des cinq groupes de Montréalais obtenus à l’issue de la distinction basée sur les statuts, nous les présentons maintenant en commençant par le groupes des scolaires/étudiants.

Les scolaires et les étudiants sont codés ensemble dans l’enquête. La seconde partition porte précisément sur cette distinction (position de l’enquêté dans le cursus scolaire), qui renvoie à l’âge. La différence se fait entre ceux qui sont âgés de 19 ans ou moins (dits scolaires par la suite) et ceux ayant 20 ans ou plus (dits étudiants) et permet de distinguer les citadins suivant un cursus pré-universitaire (secondaire puis collégial) de ceux qui ont atteint un niveau d’études universitaires.

Les étudiants effectuent moins de déplacements à destination des études que les scolaires (ce qui fait écho à la plus faible charge horaire des études universitaires vis-à-vis des études pré-universitaires). Par contre, ces mêmes étudiants se déplacent plus souvent pour le travail (qui finance les études), les achats et l’accompagnement (graphe 19). Le gain en autonomie explique assez largement cette évolution. Il n’y a pas de différence notable au niveau du genre entre les deux sous-groupes créés. Les revenus par unité de consommation des ménages d’appartenance sont assez nettement tirés vers le bas pour les étudiants. Les subsides mis à disposition par les parents sont mal évalués cependant.

Graphe 19 : Fréquence de scolaires/étudiants effectuant chaque activité selon leur âge à Montréal
Graphe 19 : Fréquence de scolaires/étudiants effectuant chaque activité selon leur âge à Montréal

Toujours en référence à l’autonomie et la prise de responsabilité croissante des citadins de cet âge, nous avons construit une variable relatant la position de l’individu concerné dans le ménage. Le rôle de chef de ménage (ou conjoint du chef de ménage) implique certaines activités et déplacements qui concernent peu les scolaires ou étudiants vivant encore chez leurs parents. Les achats, mais aussi les visites sont plus fréquents chez les premiers. Pour les étudiants ayant la charge de leur foyer, on remarque une fréquence de déplacements 3 fois plus élevée pour les achats, 4 fois plus élevée pour les accompagnements (qui fait référence à la constitution d’une famille) et 2 fois plus élevée pour les loisirs. Les groupes créés pour les scolaires/étudiants sont présentés sur le schéma 26.

Schéma 26 : Branche de la typologie individuelle correspondant aux scolaires/étudiants montréalais
Schéma 26 : Branche de la typologie individuelle correspondant aux scolaires/étudiants montréalais

La variabilité des activités des actifs à temps plein est expliquée dans un premier temps par la structure des ménages d’appartenance. Cinq modalités ont été construites pour cette variable, ménage individuel (à une personne), couple (le chef de ménage et son(sa) conjoint(e)), famille (couple avec enfant(s)), famille monoparentale (un adulte et un ou plusieurs enfants) et autres (colocation ou famille polynucléaire). Les activités fortement contraintes que sont le travail et les études ne varient que faiblement en fonction de la structure du ménage d’appartenance, mais les achats, les loisirs, les visites et les déplacements liées aux accompagnements en sont plus nettement dépendantes. Les actifs habitant seul ou à la tête d’un ménage monoparental font plus fréquemment des achats (20 % d’entre eux ont déclaré faire un déplacement pour ce motif contre 13 à 15 % pour les trois autres types de ménages). Les loisirs et les visites sont parallèlement deux fois plus fréquents chez les actifs qui vivent seuls. Enfin, les déplacements liés à des accompagnements concernent plus les ménages dans lesquels on retrouve un ou des enfants, c’est-à-dire les familles et les familles monoparentales. Les coefficients de contingence varient entre 7 % et 19 % pour ces types de déplacements ou activités.

La composition des groupes formés selon la structure du ménage cache quelques spécificités intéressantes quant au genre et aux revenus disponibles des individus considérés. Les actifs vivant dans une famille monoparentale se distinguent nettement des autres, à la fois parce qu’il s’agit du seul groupe où les femmes dominent en proportion (elles représentent les deux tiers des individus), mais également pour la faiblesse relative des revenus moyens de ces ménages. Cela n’est pas surprenant dans la mesure où un seul salaire est à disposition du ménage, alors même qu’un ou plusieurs enfants sont à sa charge. E. Algava [2002] confirme la vulnérabilité des familles monoparentales, tout en soulignant cependant les différences qui peuvent être faites selon l’histoire vécue par les parents pour en arriver à cette situation (rupture d’une union, veuvage, etc.). Nous ne sommes pas cependant en mesure ici de rendre compte de ces distinctions. Les actifs à temps plein vivant en couple sont inversement les plus favorisés en moyenne (ce qui suggère une fréquence forte de bi-activité), puis, dans une moindre mesure, les actifs qui vivent seuls.

Après la structure du ménage d’appartenance, nous avons réalisé pour chaque groupe une troisième partition, basée soit sur l’âge, soit sur la présence dans le ménage d’enfant(s) de 14 ans ou moins. Cette dernière variable a été utilisée pour les actifs vivant dans une famille ou une famille monoparentale. Lorsque la partition est basée sur l’âge des citadins, la coupure a été réalisée à 35 ans. Cet âge est associé à une baisse en fréquence d’un certain nombre d’activités parmi lesquelles les loisirs et les visites. La tendance inverse peut être observée pour les achats. Cela n’apparaît pas pour le moment avec les variables que nous considérons, mais une localisation résidentielle un peu différente peut être observée entre les moins et les plus de 35 ans. Les deux niveaux de partitions réalisées pour les actifs à temps plein à Montréal sont présentés sur le schéma 27.

Schéma 27 : Branche de la typologie individuelle correspondant aux actifs montréalais à temps plein
Schéma 27 : Branche de la typologie individuelle correspondant aux actifs montréalais à temps plein

Les actifs à temps partiel sont moins nombreux que les actifs à temps plein. On retrouve dans cette catégorie une frange non négligeable de citadins menant de front études et travail (à temps partiel). Pour cette raison, mais aussi pour le différentiel important observé au niveau des achats, de l’accompagnement et des loisirs, nous avons choisi la variable de l’âge pour faire la première partition des actifs à temps partiel. Les deux groupes ont été formés par rapport à l’âge de 35 ans.

Il apparaît assez nettement sur le graphe 20 que les plus âgés ont des activités moins diversifiées et plus directement tournées vers la gestion quotidienne de leur ménage (achats et accompagnement). Inversement, les plus jeunes poursuivent plus souvent des études et maintiennent malgré cette charge une vie sociale assez intense (visites et loisirs). Les effectifs concernés pour cette partition sont présentés sur le schéma 28.

Graphe 20 : Fréquence d’actifs à temps partiel effectuant chaque activité selon la structure de leur ménage d’appartenance à Montréal
Graphe 20 : Fréquence d’actifs à temps partiel effectuant chaque activité selon la structure de leur ménage d’appartenance à Montréal
Schéma 28 : Branche de la typologie individuelle correspondant aux actifs montréalais à temps partiel
Schéma 28 : Branche de la typologie individuelle correspondant aux actifs montréalais à temps partiel

Le codage de la variable du statut à Montréal ne permet pas de distinguer les chômeurs et les sans-activité (hommes ou femmes au foyer en particulier), regroupés au sein de la modalité autres. Pour autant, la variabilité des activités réalisées dépend dans leur cas de la structure du ménage d’appartenance, ce qui fait écho à cette distinction : on retrouve dans des familles ceux qui s’occupent de leurs enfants à temps complet, qui sont plus souvent des femmes au foyer, autrement codées sans-activité. Comme pour les retraités, les citadins classés dans le statut autres ne sont pas assujettis aux activités fortement contraintes (travail et études) et les achats occupent une place importante dans leur quotidien (plus de 30 % en moyenne déclarent s’être déplacés pour ce motif). Ils sont plus fréquents encore chez ceux qui vivent seuls ou avec des enfants à charge (familles et familles monoparentales). Les loisirs et les visites concernent plus directement les personnes vivant seul et les couples (dans une moindre mesure). Les accompagnements sont l’apanage principalement des personnes vivant au sein d’une famille ou d’une famille monoparentale.

Les familles (couples avec enfants) sont majoritaires en termes d’effectifs, ce qui permet dans leur cas de prévoir une partition supplémentaire. Comme dans le cas des retraités, la variable qui apparaît en deuxième ligne est la possession du permis de conduire. Dans cette aire urbaine organisée autour de l’automobile, les activités de ceux qui ne peuvent conduire diffèrent clairement de ceux des autres. La différence est nette en particulier sur les achats (37 % de ceux qui disposent du permis se sont déplacés pour faire des achats contre 26 % pour les autres), les loisirs (12 % contre 5 %) et l’accompagnement (23 % contre 7 %). Les partitions effectuées pour les citadins dont le statut est codé autres sont présentées sur le schéma 29.

Schéma 29 : Branche de la typologie individuelle correspondant aux montréalais de statut codé
Schéma 29 : Branche de la typologie individuelle correspondant aux montréalais de statut codé autres

Vis-à-vis d’autres variables explicatives telles que le genre ou les revenus du ménage d’appartenance, on remarque une sur-représentation importante des femmes (90 %) parmi ceux qui vivent au sein d’un ménage monoparental, mais aussi au sein d’une famille ou en couple (respectivement 80 et 75 %). Sans pouvoir confirmer cette hypothèse, on peut imaginer que ce déséquilibre est lié aux contraintes de mise en place de la bi-activité (trouver deux emplois accessibles), et qui peuvent s’associer aisément à une priorité sur la carrière de l’un des deux membres du couple, sans doute plus souvent l’homme que la femme. Au sein des familles, les femmes au foyer s’occupant du (ou des) enfant(s) sont plus fréquentes que les hommes. Sans surprise, les individus appartenant à cette catégorie de statut sont plus défavorisés que les autres. Cette tendance est nettement accentuée pour ceux qui vivent seul ou au sein d’un ménage monoparental (respectivement 74 % et 66 % des individus sont dans un ménage appartenant au quintile de revenus par unité de consommation le plus faible).

Le statut de retraité ne s’acquière pas au même âge selon l’activité professionnelle qui a précédé. On retrouve ainsi parmi les retraités quelques personnes de moins de 50 ans. L’âge du retraité va alors jouer un rôle déterminant pour expliquer les activités réalisées. Trois groupes d’âge ont été créés.

Tel que le montre le graphe 21, les retraités de moins de 60 ans conservent des activités relativement diversifiées. 5 % d’entre eux exercent même un emploi (qui vient compléter leur pension de retraite), mais leurs activités s’orientent principalement vers les achats, et dans une moindre importance vers les visites et les loisirs. La proportion de retraités exerçant ces activités baisse progressivement pour les 60-75 ans puis plus nettement pour les plus de 75 ans. La proportion de femmes augmente avec l’âge, du fait de leur espérance de vie plus élevée. Il n’y a pas de variation particulière au niveau des revenus moyens des ménages d’appartenance.

Graphe 21 : Fréquence de retraités effectuant chaque activité selon leur âge à Montréal
Graphe 21 : Fréquence de retraités effectuant chaque activité selon leur âge à Montréal

Le groupe des moins de 60 ans a été conservé tel quel pour des raisons liées à la faiblesse relative de ses effectifs. Les deux autres groupes ont pu faire l’objet d’une nouvelle partition sur la base de la possession du permis de conduire. Cette variable individuelle permet de mieux rendre compte des écarts dans les comportements de mobilités et d’activités que la motorisation, le genre ou les revenus, des variables pourtant liées à la première. Dans les générations concernées, la proportion d’individus ayant le permis de conduire est inférieure à celle des générations suivantes, ce qui nous permet à la fois d’obtenir des groupes aux effectifs plutôt équilibrés, mais également de rendre compte de l’importance du permis pour conserver un potentiel de mobilité suffisant et maintenir diverses activités. La transformation des formes urbaines relativement à la généralisation de la voiture particulière a évidemment des conséquences potentiellement graves pour les retraités n’ayant pas le permis de conduire. Il est d’ailleurs notable dans le cas des retraités entre 60 et 74 ans et de 75 ans et plus que la possession du permis de conduire ait un impact direct sur les activités réalisées. Nous verrons l’importance dans le cas de ces citadins de la localisation résidentielle. Deux faits majeurs complètent la compréhension de ces groupes, puisque l’on retrouve 81 % et 77 % de femmes parmi ceux qui n’ont pas le permis de conduire (dans la classe des 60-75 ans et dans celle des plus de 75 ans) alors que cette proportion chute à 41 et 34 % pour ceux qui ont le permis de conduire. Cette différence majeure entre les hommes et les femmes est typiquement générationnelle. Elle n’explique pas tout non plus puisque l’on remarque également que l’accès au permis de conduire pour ces générations de citadins est lié aux revenus (les revenus moyens des ménages d’appartenance sont plus élevés pour les citadins ayant le permis). Ces barrières à l’accès au permis de conduire sont partiellement levées aujourd’hui puisqu’il est quasiment généralisé chez les jeunes citadins.

Les partitions effectuées pour les retraités sont synthétisées dans le schéma 30. Nous pouvons y remarquer la proportion différente de personnes sans permis entre les 60-74 ans et les 75 ans et plus (respectivement de 37 et 65 %). Cela confirme l’importance des effets générationnels évoqués précédemment.

Schéma 30 : Branche de la typologie individuelle correspondant aux retraités montréalais
Schéma 30 : Branche de la typologie individuelle correspondant aux retraités montréalais

Nous obtenons finalement 27 groupes de citadins définis selon les activités réalisées. Les variables qui se sont révélées être déterminantes pour la construction de cette typologie sont le statut individuel, la structure du ménage, la classe d’âge et la possession du permis de conduire. Ne sont intervenus directement ni les revenus des ménages par unité de consommation, ni la motorisation, ni le genre. Cela ne veut pas dire cependant que les groupes créés ne sont pas variés de leur point de vue. Tel que nous l’avons montré au fil de la présentation de nos partitions, les groupes présentent des spécificités fortes quant à la répartition hommes/femmes ou vis-à-vis des revenus. Ces variables n’interviennent pas cependant d’une manière directe sur la nature des activités, c’est-à-dire qu’au sein de chaque groupe, les hommes et les femmes organisent leur temps d’une manière assez similaire. Cette remarque concerne également les revenus des ménages d’appartenance, qui résultent pour une bonne part de la forme du ménage et du statut des citadins qui le composent.