1. Niamey

Une distinction est faite à Niamey entre les emplois salariés et non-salariés, elle permet de rendre compte de la différence entre les emplois formels et informels. Nous n’avons pas pu étudier les accès à l’enseignement universitaire, aux démarches, aux loisirs et à la santé selon le degré d’attractivité des territoires associés, les effectifs étant trop faibles.

  • L’accès à l’emploi salarié

Les pôles d’emplois salariés ont été localisés dans le centre de l’aire urbaine, autour du Petit-Marché, ainsi que sur le Plateau, de l’autre côté du Gounti Yena. Compte-tenu de ces localisations, il n’est pas étonnant de mesurer, sur le graphe 27, une pratique plus fréquente des pôles d’emplois salariés par les résidents du centre et du péricentre aisé. La différence est importante entre ces citadins et ceux qui vivent dans le péricentre populaire et la périphérie lotie, qui reste assez proche des territoires les plus attractifs.

Graphe 27 : Usages des pôles d’emplois salariés selon le lieu de résidence à Niamey
Graphe 27 : Usages des pôles d’emplois salariés selon le lieu de résidence à Niamey

Les localisations résidentielles des citadins exerçant un emploi salarié sur le Plateau ou dans la zone centrale (les deux pôles d’emplois salariés les plus attractifs) diffèrent notablement (graphe 28). Les habitants des zones péricentrales sont plutôt bien représentés dans les deux cas, mais atteignent la proportion élevée de 55 % de ceux qui travaillent sur le Plateau.

Graphe 28 : Localisations résidentielles des citadins exerçant un emploi salarié sur le Plateau et dans la zone centre/Petit Marché à Niamey
Graphe 28 : Localisations résidentielles des citadins exerçant un emploi salarié sur le Plateau et dans la zone centre/Petit Marché à Niamey

Les accès aux pôles d’emplois salariés (tous confondus) concernent en proportion supérieure les citadins vivant dans les ménages des quintiles de revenus (par U.C.) les plus élevés et, ce qui n’est pas indépendant, les citadins les plus instruits. Les plus aisés et les plus instruits sont donc plus nombreux à exercer leur emploi sur le Plateau que dans la zone centrale du Petit Marché.

Les modes utilisés pour le déplacement domicile-travail dépendent des espaces de départ et d’arrivée. 50 % des actifs se dirigeant vers les pôles d’attraction le font en voiture particulière, alors que cette proportion tombe à 35 % pour les déplacements à destination des zones non-attractives. Une variation inverse peut être observée pour la marche à pied et l’usage des transports collectifs ne dépend pas de la localisation de l’emploi. La première interprétation possible renvoie à une lecture socio-économique, qui consiste à associer les actifs travaillant dans les pôles d’attraction aux plus aisés, i.e. les plus motorisés. La seconde est d’ordre géographique, puisque les emplois (même salariés) situés dans les zones non-attractives se situent en fait principalement à proximité du logement, les citadins y accèdent alors à pied. Les deux interprétations peuvent se compléter, la première étant d’ailleurs partiellement corroborée par le lien entre les localisations résidentielles et les pratiques modales, puisque 44 % des résidents du péricentre aisé utilisent la voiture particulière pour aller travailler (malgré la proximité relative d’une partie importante des emplois salariés). Ils ne sont que 20 % environ à utiliser ce mode parmi les autres Niaméens.

  • L’accès à l’emploi non-salarié

Les pôles d’emplois non-salariés sont concentrés dans le centre, ils correspondent aux trois grands marchés niaméens : le Petit Marché, le Grand Marché et le Marché Katako. Les résidents du centre et de la périphérie lotie n’ont pas été considérés, faute d’effectifs suffisants. Les tendances observées sont peu marquées sur les quatre espaces résidentiels considérés (graphe 29), si ce n’est la pratique moins fréquente des pôles d’emplois non-salariés par les résidents des périphéries non-loties récentes.

Sur le graphe 30, qui précise la localisation résidentielle des citadins selon le pôle d’attraction au sein duquel ils vont travailler (Petit Marché, Grand Marché ou Marché Katako), apparaît une différence marquée entre le marché Katako d'une part et les Petit et Grand Marchés d’autre part. Parmi ceux qui vont travailler sur le marché Katako, les habitants du péricentre aisées sont sous-représentés et ceux des périphéries non-loties récentes sur-représentés.

Graphe 29 : Usages des pôles d’emplois non-salariés selon le lieu de résidence à Niamey
Graphe 29 : Usages des pôles d’emplois non-salariés selon le lieu de résidence à Niamey
Graphe 30 : Localisations résidentielles des citadins exerçant un emploi non salarié sur le Petit Marché, le Grand Marché ou le Marché Katako
Graphe 30 : Localisations résidentielles des citadins exerçant un emploi non salarié sur le Petit Marché, le Grand Marché ou le Marché Katako

Les plus jeunes accèdent bien moins largement aux pôles d’emplois non-salariés que les autres. Une coupure assez nette apparaît à l’âge de 30 ans. Les hommes se dirigent plus souvent que les femmes vers les espaces les plus attractifs (45 % contre 30 %). Les revenus des ménages d’appartenance sont positivement corrélés avec cet accès aux pôles d’emplois non-salariés. Travailler sur les grands marchés de la capitale niaméenne apparaît donc comme bienfaisant d’un point de vue économique. Cela renvoie à des résultats mis en évidence par L. Diaz Olvera & alii [2007] à Douala et Conakry, où plusieurs citadins soulignent le caractère plus rémunérateur des emplois de commerce dans le centre, ce qui est confirmé statistiquement dans la suite de leur article. Les salaires plus élevés justifient alors les dépenses et les temps de transport. Ne travaille pas qui veut cependant sur ces marchés, où il faut se faire une place, ce qui nécessite des réseaux sociaux importants. Les niveaux de scolarité sont également liés aux pratiques des territoires attractifs, mais contrairement à l’accès aux pôles d’emploi salarié, plus de 55 % des citadins non-instruits se dirigent vers les pôles d’emploi non-salarié, contre 25 % de ceux qui ont suivi des études primaires ou secondaires. Ce lien s’explique par le fonctionnement même du monde informel, au sein duquel l’expérience et les connaissances valent tout autant, si ce n’est plus, que le niveau de scolarité pour occuper une activité rémunérée [Van Dijk, 1986].

Les modes utilisés varient assez largement selon le degré d’attractivité des territoires où sont situés les emplois. Alors que 70 % de ces déplacements se font à pied vers les zones non-attractives, cette proportion chute à 35 % vers les pôles d’attraction au profit des transports collectifs. Il apparaît ainsi que les zones non-attractives au sein desquelles les Niaméens vont travailler sont souvent proches de l’habitat, bien que certains déplacements à pied puissent être longs. L’usage de la voiture particulière reste marginal quelle que soit la destination.

Si l’on considère maintenant l’ensemble des emplois (salariés et non salariés), les différences sont importantes entre les citadins qui exercent leur emploi sur le Plateau et ceux qui l’exercent dans le centre (autour et dans les Petit et Grand Marchés surtout). Comme nous avons pu le voir dans les lignes qui précèdent, cette différence fait écho à une offre d’emplois fortement différenciés sur les deux territoires et révèle la persistance de l’opposition Ville Blanche/Ville Noire héritée de la planification du colon français.

  • L’accès à l’enseignement secondaire

Les pôles d’enseignement secondaire sont concentrés dans les zones péricentrales de l’aire urbaine niaméenne. Les résidents des zones centrales et péricentrales en ont une pratique sensiblement similaire. Elle chute ensuite pour les résidents des périphéries, en particulier ceux des périphéries non-loties récentes. Le graphe 31 permet de visualiser ces tendances. Les accès spécifiques à chacun des pôles d’enseignement secondaire mettent en valeur l’importance de la proximité dans le choix de l’établissement. Les scolaires niaméens accèdent principalement à ces espaces à pied, mais la pratique de la marche baisse de 90 % à 55 % pour ceux qui se dirigent vers les pôles d’attraction, les transports collectifs (et dans une moindre mesure la voiture particulière passager) compensant cette diminution.

Graphe 31 : Usages des pôles d’enseignement secondaire selon le lieu de résidence à Niamey
Graphe 31 : Usages des pôles d’enseignement secondaire selon le lieu de résidence à Niamey

L’accès aux pôles d’enseignement secondaire dépend donc des lieux de résidence. Nous n’avons pas été en mesure de relever de liens avec les autres variables individuelles ou liées aux ménages.

  • L’accès aux achats
Graphe 32 : Usages des pôles d’achats selon le lieu de résidence à Niamey
Graphe 32 : Usages des pôles d’achats selon le lieu de résidence à Niamey

Les pôles d’achats correspondent aux marchés cités précédemment (situés dans le centre ou proche). Le marché de Wadata (au nord-est) complète cette liste. Tel que nous le montre le graphe 32, la pratique des territoires les plus attractifs baisse au fil de l’éloignement du centre des lieux de résidence. Les résidents du péricentre populaire font exception à cette règle, mais ces espaces sont dotés de nombreux petits marchés, d’envergure certes plus limitée que les marchés du centre, mais leur permettant d’accéder aux denrées dont ils ont besoin à des prix qui restent raisonnables. Ce n’est pas nécessairement le cas pour les résidents des zones périphériques, qui se tournent, faute de mieux, vers les tabliers et autres vendeurs ambulants, qui proposent leurs produits à des prix plus élevés [Diaz Olvera et alii, 2003].

  • Synthèse du cas niaméen

Pour les activités étudiées ici, les populations centrales ou les plus aisés accèdent prioritairement aux territoires les plus attractifs. Cette remarque vaut aussi bien pour les pôles d’emplois (salariés et non-salariés) que d’enseignement secondaire et d’achats, ce qui était moins évident a priori.

Si les citadins les plus aisés accèdent assez largement aux pôles d’attraction, c’est autant grâce à leur meilleur équipement individuel que grâce aux moyens dont ils disposent pour prendre les taxis collectifs. L’offre est d’ailleurs plutôt développée dans leurs zones de résidence dans la mesure où la demande y est forte (c’est un cercle vertueux) et les infrastructures routières en bon état. Les citadins les plus pauvres sont quant à eux plus dépendants de leur localisation résidentielle. Les résidents centraux sont nettement avantagés par rapport aux résidents périphériques, aussi bien par la proximité des activités et des services que par le système de transports collectifs tel qu’il existe à Niamey (la demande est faible et les infrastructures en mauvais état dans les zones périphériques, ce qui fait augmenter les tarifs de desserte et raréfie l’offre). Les modes utilisés par les citadins qui vivent loin du centre suggèrent alors un certain repli sur la marche à pied et la proximité.

Les accès spécifiques aux pôles d’attraction permettent de faire ressortir la différence importante entre les territoires où s’exercent les emplois salariés et non salariés, ainsi que les localisations résidentielles des citadins qui les exercent. L’opposition historique entre la ville blanche et la ville noire continue de marquer les pratiques spatiales des citadins niaméens.