4. Montréal

Les effectifs dont nous disposons dans le cas montréalais nous laissent une marge importante pour les décorrélations nécessaires à la compréhension la plus fine possible des phénomènes. Comme dans le cas des trois autres villes, nous aborderons dans cette section l’accès à l’emploi, aux études secondaires et universitaires, aux achats, aux loisirs et à la santé.

Pour ce qui est des emplois dans un premier temps, rappelons que la typologie fonctionnelle faisait apparaître dans l’Ouest montréalais plusieurs zones attractives autour de l’aéroport de Dorval. Le centre s’affirmait comme l’autre cœur névralgique de l’emploi montréalais.

Plus le lieu de résidence est éloigné du centre, plus faible est la proportion de citadins se dirigeant vers les pôles d’emplois (graphe 49). Par rapport à ce critère, les résidents du péricentre-ouest et de l’Ouest montréalais ont un usage plutôt plus fréquent des pôles d’attraction (du fait en particulier de la proximité du pôle d’attraction autour de Dorval). Quant aux zones d’attraction intermédiaire, leur pratique s’accroît avec l’éloignement au centre. Si l’on s’en tient à la forte proportion de localisation des emplois en zones non-attractives, il semble que les emplois sont plutôt diffus (entre 40 % et 60 % à l’exception de ceux qui vivent dans le centre). Les variables liées au genre, à l’âge, au statut, ou encore au niveau de revenu du ménage se révèlent peu explicatives quant à l’usage des pôles selon leur degré d’attractivité.

Graphe 49 : Usage des pôles d’emplois selon le lieu de résidence des citadins concernés à Montréal
Graphe 49 : Usage des pôles d’emplois selon le lieu de résidence des citadins concernés à Montréal
Graphe 50 : Pratiques modales selon la localisation du logement et de l’emploi à Montréal
Graphe 50 : Pratiques modales selon la localisation du logement et de l’emploi à Montréal

Pour mieux comprendre les conditions d’accès aux différents espaces définis dans la typologie fonctionnelle, nous rendons compte des contrastes en termes de pratiques modales en distinguant comme dans le cas lyonnais les pôles d’emplois selon leur localisation dans le centre ou hors-centre. En ce qui concerne les déplacements domicile- travail, une différence importante apparaît sur le graphe 50. Moins le territoire est attractif, moins les transports collectifs sont utilisés et plus la voiture particulière l’est. La différence est nette entre le centre et les deux autres types de territoires, avec une faible part de l’usage des transports collectifs pour les déplacements à destination des pôles d’emplois hors-centre. On remarque également qu’une localisation résidentielle périphérique impose quasiment à tous les actifs l’usage de la voiture particulière pour se rendre au travail, et ce quelle que soit la localisation de l’emploi.

L’éloignement au centre, pertinent pour comprendre l’usage des pôles d’emplois, l’est beaucoup moins dans ce cas des pôles d’enseignement pré-universitaire. Si ces derniers sont plus concentrés sur l’île de Montréal qu’à l’extérieur, ils sont plutôt bien répartis sur l’ensemble de l’aire urbaine de Montréal. Cela se retrouve dans les pratiques spatiales des citadins, puisqu’une faible polarisation vers le centre s’observe sur le graphe 51 pour ce type de déplacements. L’usage des pôles d’enseignement secondaire renvoie plus à une logique socio-économique que géographique. Les scolaires résidant dans les noyaux populaires péricentraux, le péricentre-est ou la première couronne francophone se dirigent vers des territoires et des établissements moins attractifs, au contraire de ceux qui vivent dans l’Ouest anglophone ou la périphérie lointaine.

Graphe 51 : Usage des pôles d’enseignement pré-universitaire selon le lieu de résidence des citadins concernés à Montréal
Graphe 51 : Usage des pôles d’enseignement pré-universitaire selon le lieu de résidence des citadins concernés à Montréal

L’existence de nombreux établissements d’envergure sur l’espace urbain montréalais explique la concentration sur certains territoires des destinations des déplacements domicile/école (qui permet une organisation plus aisée des acheminements par les gouvernements urbains en charge des transports ou directement par les établissements).

La spécificité du péricentre-ouest, de l’Ouest anglophone et de la périphérie lointaine en termes d’usage des pôles d’enseignement secondaire va de pair avec une habitude de l’accompagnement en voiture particulière plus élevée dans ces quartiers. L’usage des transports collectifs reste important quelle que soit la zone de résidence, puisque 60 % au minimum des scolaires l’utilisent. Comme pour les emplois, nous n’avons pu mettre en évidence de contrastes entre individus à l’intérieur de chaque espace résidentiel.

La répartition centralisée et concentrée sur quelques territoires attractifs des établissements universitaires dans l’espace urbain montréalais a des conséquences importantes en termes de pratiques de ces territoires. La proportion d’étudiants se dirigeant vers les pôles d’enseignement universitaire pour y faire leurs études, si elle est globalement élevée, faiblit avec l’éloignement au centre du lieu de résidence. Le graphe 52 permet de rendre compte de ces tendances. Comme pour l’emploi, le pouvoir discriminant des autres variables (âge, genre, etc.) est faible quant à l’explication des rapports aux territoires attractifs pour l’enseignement pré-universitaire et universitaire.

Si l’on observe les modes utilisés par les étudiants pour se rendre sur le lieu de leurs études (graphe 53), on remarque de nettes variations selon la localisation résidentielle. La forte utilisation des pôles d’enseignement universitaire par les résidents du péricentre-ouest est associée à leur proximité, qui se retrouve dans la pratique relativement élevée de la marche à pied. L’usage de la voiture particulière conducteur augmente au fil de l’éloignement au centre du lieu de résidence, et dépasse dans les zones périphériques celui des transports collectifs.

Les localisations centrales ou péricentrales, qui font écho à une autonomisation plus fréquente, se déclinent in fine par une place plus importante des loisirs dans le quotidien de ces citadins vis-à-vis des étudiants qui vivent dans les périphéries. Une différence importante au sein des quartiers périphériques apparaît entre les étudiants qui utilisent les transports collectifs et ceux qui se déplacent en voiture particulière pour aller étudier. Les déplacements hors-études des premiers sont moins fréquents (de 2 à 4 fois), qu’il s’agisse des achats, des loisirs ou de l’accompagnement.

Graphe 52 : Usage des pôles d’enseignement universitaire selon le lieu de résidence des citadins concernés à Montréal
Graphe 52 : Usage des pôles d’enseignement universitaire selon le lieu de résidence des citadins concernés à Montréal
Graphe 53 : Pratiques modales selon la localisation du logement et du lieu d’études à Montréal
Graphe 53 : Pratiques modales selon la localisation du logement et du lieu d’études à Montréal

Les pôles d’achats sont plutôt bien répartis dans l’aire urbaine montréalaise, sur l’île de Montréal mais également à l’extérieur, sur le territoire des municipalités de Laval et Longueuil en particulier. Contrairement aux activités précédemment considérées, la localisation résidentielle n’a qu’un impact limité sur la nature et l’attractivité des lieux où les Montréalais font leurs achats, exception faite des résidents du centre (graphe 54). Les territoires d’attraction intermédiaire sont plus utilisés par les résidents du péricentre-ouest, de l’Ouest anglophone et de la seconde périphérie montréalaise.

Le rôle du statut individuel doit être précisé puisque le degré d’attractivité des territoires est associé à des pratiques spécifiques. Le temps libre dont disposent les individus de chaque statut a effectivement un impact sur la nature des territoires visités pour les achats. Les actifs à plein temps se dirigent plus largement vers les espaces moins attractifs (zones d’attraction intermédiaire et zones non-attractives), sans doute les choisissent-ils pour leur localisation sur leur trajet, proches de leur domicile ou de leur travail. Il n’y a pas de différences nettes entre résidents d’un même espace résidentiel.

Graphe 54: Usage des pôles d’achats selon le lieu de résidence des citadins concernés à Montréal
Graphe 54: Usage des pôles d’achats selon le lieu de résidence des citadins concernés à Montréal

Les pôles de loisirs sont plutôt concentrés dans le centre de l’aire urbaine montréalaise, quelques-uns apparaissant tout de même en périphérie proche et lointaine. Les premiers sont plus largement utilisés par les résidents centraux et péricentraux (graphe 55). Plus ils résident loin du cœur de l’aire urbaine, plus les Montréalais sont nombreux à exercer leurs loisirs dans des zones considérées comme non-attractives.

Graphe 55 : Usage des pôles de loisirs selon le lieu de résidence des citadins concernés à Montréal
Graphe 55 : Usage des pôles de loisirs selon le lieu de résidence des citadins concernés à Montréal

L’usage des pôles de loisirs selon leur degré d’attractivité renvoie à des contrastes assez nets selon les statuts et les revenus moyens des ménages. On note une sur-représentation des plus aisés (associée à une sous-représentation des plus défavorisés) dans les espaces les moins attractifs (pôles d’attraction secondaire et zones non-attractives). Ce résultat, qui prend le contre-pied des tendances mises en exergue dans les autres aires urbaines, rend compte d’une pratique périphérique (nécessitant d’être motorisé) de certains loisirs au sein desquels les plus riches se retrouvent. On remarque parallèlement une préférence nette des scolaires et étudiants pour les espaces centraux dans le cadre de leurs loisirs, à l’inverse des retraités, mieux représentés dans les zones non-attractives.

Les pôles de santé sont répartis sur l’espace urbain montréalais, bien qu’une partie importante d’entre eux se situent sur l’île de Montréal. Les résidents du péricentre-ouest et de l’Ouest anglophone sont plus à même de se diriger vers les territoires les plus attractifs (graphe 56). Ceux du péricentre-est, de la première couronne francophone et de la périphérie lointaine vont plus fréquemment quant à eux vers des territoires non attractifs. Les activités reliées à la santé sont peu diffuses puisque seulement 30 % à 40 % (selon les zones de résidence) de ces déplacements ont pour destination des espaces non-attractifs. Elles sont, pour un part importante, concentrées sur certains grands établissements de santé de Montréal.

Comme pour les achats ou les loisirs, une préférence assez nette des plus aisés pour les zones d’attraction intermédiaire peut être notée pour la santé. En ce qui concerne les statuts, il ressort un plébiscite des retraités pour les pôles de santé.

Graphe 56 : Usage des pôles de santé selon le lieu de résidence des citadins concernés à Montréal
Graphe 56 : Usage des pôles de santé selon le lieu de résidence des citadins concernés à Montréal

Sur l’ensemble des activités étudiées ici, plusieurs tendances ont pu être dégagées. Au-delà de la forte spécificité des résidents du centre quant à leurs pratiques, l’éloignement au centre est ressorti comme une clé de compréhension intéressante mais incomplète pour définir le rapport entretenu par les citadins avec les pôles d’attraction. L’accès à ces territoires, quelle que soit la nature de l’activité concernée, est finalement plus fréquent chez les résidents du péricentre-ouest et de l’Ouest anglophone, qui sont les espaces résidentiels où vivent les plus fortes proportions de ménages aisés.

Au-delà de la localisation résidentielle, les statuts et le niveau de revenu du ménage d’appartenance jouent à plusieurs niveaux. Les étudiants entretiennent une relation assez particulière avec le centre, où ils pratiquent fréquemment loisirs et achats. Les retraités préfèrent quant à eux les zones non-attractives pour les loisirs ou les pôles d’attraction hors-centre pour la santé et dans une certaine mesure leurs achats. Du point de vue des niveaux de revenu, les zones d’attraction intermédiaire concentrent plutôt les plus aisés, en particulier grâce à un large accès par voiture particulière.