5. Synthèse comparative

Nous souhaitons maintenant revenir sur plusieurs points que l’étude de la pratique du centre et des pôles d’attraction a pu mettre en évidence.

Tel que nous avons pu le préciser au fil des présentations de nos résultats, la pratique du centre se révèle plus directement liée à la proximité du logement vis-à-vis de ce territoire, tandis que les accès aux pôles d’attraction se révèlent quant à eux plutôt dépendant du statut des citadins considérés. Cette divergence se retrouve dans les quatre aires urbaines. Malgré le caractère polyfonctionnel du centre et son importance en termes d’attractivité, les citadins qui s’installent en périphérie n’entretiennent qu’une relation ténue avec ce territoire. Tel que nous avons pu le mettre en évidence dans la partie II, les pôles d’attraction sont plutôt polyfonctionnels dans le centre et le sont de moins en moins lorsque nous nous en éloignons. Les modes de vie des citadins périphériques, qui s’abstraient assez largement du centre, fonctionnent alors grâce à divers territoires attractifs souvent monofonctionnels et parfois polyfonctionnels. Au-delà de la question mono-/poly- centrisme, l’étalement des villes contemporaines pose directement la question du développement de territoires mono- ou poly- fonctionnels. Dans le cas montréalais, les périphéries entretiennent un lien ténu avec le centre de l’aire urbaine et s’articulent plutôt avec des pôles monofonctionnels périphériques, cela n’est possible que grâce à la généralisation de l’usage de la voiture particulière.

La seconde tendance mise en évidence dans les quatre cas concerne les situations des ménages et des individus les plus aisées ou les plus défavorisées. Plus les moyens économiques dont disposent les citadins sont importants, plus fréquente en moyenne est leur pratique du centre et des pôles d’activités. A la distance physique des zones attractives, dont nous avons pu évaluer les effets, s’ajoute une distance d’ordre sociale, culturelle et/ou psychologique liée en partie aux capacités de mobilité, mais également aux degrés d’insertion des populations concernées dans les dynamiques urbaines. Ces distances non-euclidiennes, additionnées les unes aux autres, viennent former ce qu’on nous appellerons la distance individuelle. Celle-ci permet d’évaluer l’éloignement entre le lieu de résidence d’un citadin et celui des activités qu’il serait potentiellement en mesure de réaliser. A. Begag [1993] a bien montré que les résidents des banlieues lyonnaises se rendaient rarement dans le centre de Lyon, parce que l’accessibilité aux activités y est faible, mais pour d’autres raisons également qui rentre plutôt dans le cadre des préférences personnelles et des représentations. Cette distance individuelle varie selon les zones de résidence (zones aisées et défavorisées), mais aussi parmi les résidents d’une même zone. Ces derniers se caractérisent alors par une distance aux activités qui dépend des statuts (révélateurs de rôles et de situations sociales spécifiques), des revenus, des niveaux de scolarité, des genres, etc.

Une spécificité importante mérite enfin d’être mise en évidence dans le cas poblanais. Contrairement aux cas niaméens, lyonnais et montréalais, pour lesquels nous avons mesuré une pratique plus forte du centre par les citadins les plus aisés (à distance centre-logement comparable), la tendance inverse peut être soulignée pour les Poblanais aisés. Sans pouvoir fournir une interprétation complète de cette spécificité, cela peut être lié à la valorisation de la modernité par les populations latino-américaines aisées, à mettre en balance avec la dévalorisation des centres-villes [Dureau, 2006b].