3. Les spécificités comportementales propres à chaque ville

Diverses spécificités ont été mises en évidence, leur ’interprétation est directement liée au contexte propre à chaque cas. Dans le cas niaméen tout d’abord, la forte part modale de la marche à pied s’associe sans grande surprise à une vie locale très fréquente chez ces citadins. Le quartier (ou plutôt la proximité) est bel et bien la norme dans les modes de vie des Niaméens. Les actifs (et plutôt les salariés que les non-salariés) sont les exceptions les plus nettes à cette règle. Cette proximité peut alors être subie ou choisie, selon le degré de contrainte pesant sur la mobilité des citadins et l’équipement des zones de résidence [Plat, 2002]. Nous n’avons pas pu évaluer cette spécificité avec les données dont nous disposions, mais il ressort que tous les espaces résidentiels, quels qu’ils soient, sont concernés par la proximité. L’accent doit donc être mis sur les populations qui vivent sur les territoires les moins équipés et les plus éloignés des services et activités. Nous avons également pu faire ressortir l’opposition très nette entre deux des pôles d’attraction majeurs en termes d’emplois, à savoir le Plateau d’une part et le centre entre le Petit et le Grand Marché d’autre part. Ces territoires correspondent précisément à l’ancienne Ville Blanche et l’ancienne Ville Noire des plans d’urbanisation et de développement de Niamey pendant la colonisation française dans la première moitié du XXe siècle. Il est remarquable qu’une telle planification puisse avoir de tels impacts encore aujourd’hui sur les espaces de vie des Niaméens et sur le sens différent qu’un emploi dans l’un ou l’autre des deux territoires peut avoir. L’organisation des emplois dans la capitale nigérienne est duale et les emplois salariés, qui concernent les plus aisés et les plus instruits, sont plutôt situés sur le Plateau.

Dans le cas de l’aire urbaine de Puebla, une forte propension à l’immobilité a été relevée, plutôt qu’un repli sur la proximité. L’importance de ce résultat ne saurait alors être remis en cause par les biais éventuels liés au recueil de données. Autour du centre, très attractif, les territoires se sont développés avec une fonction principalement résidentielle, les territoires alors constitués ne sont que faiblement dotés en services et activités et ne possèdent pas pour beaucoup d’entre eux une identité de quartier propice à la vie de proximité. Les circulations motorisées, symbole d’une modernité longtemps espérée puis trop soudainement atteinte, ont parallèlement pris une place très marquée dans la voirie de cette ville, ne laissant que peu de place à la marche à pied (ou le vélo, peu présent). La seconde spécificité forte est relative aux populations aisées qui, contrairement aux tendances mises en évidence dans les trois autres cas, ne se distinguent pas par une pratique plus forte du centre ou des pôles d’attraction. Une fois de plus, l’histoire du développement de la ville et l’image de la modernité (antinomique de celle du centre historique) semblent liées à cet état de fait [Dureau, 2006b].

Dans les cas lyonnais et montréalais enfin, l’échelle adoptée pour notre recherche ne permet pas de faire ressortir de spécificités, si ce n’est, dans les deux cas, une pratique du centre de l’aire urbaine ne concernant, tout au moins les jours de semaine, que de rares résidents des périphéries. Les périmètres choisis pour les enquêtes-ménages ne sont pas sans effet cependant sur cette tendance.