1/ Les domaines de la libre circulation de marchandises

La notion de marchandises, dans le sens du droit communautaire, se définit comme « tous biens appréciables en argent et susceptibles, comme tels, d’être l’objet de transactions commerciales 67 » ; ce qui amène à considérer que la liberté de circulation des marchandises profite à l’ensemble des biens corporels ou incorporels qui peuvent être commercialisés68, quelque soit par ailleurs le secteur de l’activité économique à laquelle ils appartiennent. Constituent dès lors une marchandise au sens du droit communautaire, à côté des produits courants du secteur tertiaire, les livres, l’électricité, les fruits, et même les déchets69. La jurisprudence ne retient quasiment pas d’exemples de biens qui ne puissent constituer les marchandises.

Le domaine matériel de la libre circulation des biens est en un mot quasi-universel, et seules de rares exceptions70 viennent le limiter. Le domaine spatial de la liberté de circulation des marchandises résulte, quant à lui, de restrictions plus franches. La libre circulation des marchandises ne profite pas à l’ensemble des produits quelle que soit leur provenance ou leur lieu de situation, mais à ceux qui présentent un lien étroit avec le territoire de la Communauté71.

Cette restriction a pour fonction de défendre l’intégrité du marché intérieur contre l’économie des pays tiers. La libre circulation ne profite ainsi qu’aux produits originaires des Etats membres, ainsi qu’à ceux en provenance des pays tiers qui sont en libre pratique avec ces Etats.

La libre circulation profite, dans ces conditions, et en premier lieu, à l’ensemble des marchandises qui trouvent leur origine dans la Communauté. La notion d’origine ne pose pas de difficultés majeures. Elle désigne les marchandises produites dans l’un des pays membres de la Communauté. Aucune matière en provenance d’un pays extérieur qui n’ait été importée régulièrement après paiement des droits de douane y afférents ne doit être incorporée dans la fabrication de ces marchandises. A cet égard, sont considérés comme des biens communautaires, les produits fabriqués sur le territoire d’un des Etats membres, à partir de matériaux fabriqués sur leur territoire, en incorporant des produits régulièrement importées de pays tiers, après acquittement des droits de douane. La liberté de circulation profite aussi aux marchandises qui trouvent leur origine dans des pays tiers, lorsqu’elles ont été régulièrement importées après règlement des droits de douane, et accomplissement des formalités douanières de l’Etat sur le sol duquel elles ont été déchargées. Ainsi, dès l’instant où un produit originaire d’un Etat tiers est importé régulièrement et satisfait à ces conditions, son commerce bénéficie des mêmes conditions que celui des produits venant de la Communauté. Le produit importé devient, par ce dédouanement, une marchandise communautaire mise en libre circulation.

La liberté de circulation ne profite pas, par contre, aux produits originaires des Etats tiers qui se trouveraient sur le territoire de la Communauté sans avoir donné lieu au paiement des droits de douane. Le marché n’est ouvert qu’aux produits extérieurs dont les importateurs ont acquitté les taxes fixées. Il se trouve protégé contre les flux de marchandises des Etats concurrents.

Notes
67.

CJCE 19 décembre 1968, C 7/68, Commission c/Italie, Rec. 617. La définition que fournit la jurisprudence de la Cour de la notion de marchandise présente un caractère autonome, en ce sens qu’elle ne peut être en rien affectée par les acceptions nationales éventuellement divergentes du mot marchandise. Un bien qui présente les caractères requis pour constituer une marchandise au sens de cette définition entre donc automatiquement dans le domaine de la liberté de circulation quand bien même le droit national de son pays de production ou de vente le considérerait par exemple comme autre chose qu’une marchandise.

68.

La jurisprudence considère qu’une marchandise ne peut être qu’un bien meuble, puisqu’elle doit être susceptible, pour circuler, d’être soit importée, soit exportée : CJCE 21 septembre 1999, Lääärä, Rec. 6067. Cela semble exclure du domaine de la liberté de circulation des marchandises les biens immeubles ; et ce, même si le secteur immobilier n’échappe pas pour autant au droit communautaire, puisqu’il est justiciable du régime de la liberté de circulation des services : M Fallon, Droit matériel général de l’Union européenne, Bruylant, sakkoulas, 2ème éd., 2002, page 108.

69.

CJCE 10 janvier 1985, C 229/83, Leclerc, Rec. 1 ; CJCE 15 juillet 1964, C 6/64, Costa, Rec. 1141 ; CJCE 9 juillet 1992, C 2/90, Commission c/Belgique, Rec. 4431 ; CJCE 29 mars 1979, C 231/78, Commission c/Royaume Uni, Rec. 1447 ; CJCE 25 septembre 1979, C 232/78, Commission c/France, Rec. 2279.

70.

Ces exceptions peuvent se rapporter à la circulation des armes de guerre, des stupéfiants ou de la fausse monnaie.

71.

Les pays membres de cette Communauté sont liés par des accords conclus sous l’égide de l’OMC avec certains pays tiers, et dont l’inspiration est libérale et libre échangiste.