2/ La liberté d’établissement des personnes morales

Le droit d’établissement pour les travailleurs indépendants constitue l’équivalent de la liberté de circulation des salariés dans le domaine des professions libérales. Cette liberté ne bénéficie pas seulement aux personnes physiques. Elle profite aussi aux personnes morales appelées à jouer un rôle dans le fonctionnement de l’économie. Pour autant, les personnes morales ne sauraient « circuler » au sens propre sur le territoire de la Communauté, le déplacement physique étant incompatible avec leur nature juridique et comptable. C’est la raison pour laquelle la libre circulation induit, pour les personnes morales, le libre établissement.

En vertu de ce principe, les sociétés ou personnes morales dont l’origine et l’activité proviennent du marché intérieur sont en droit d’installer des établissements secondaires ou périphériques sur tout ou partie du territoire et ce, sans que l’Etat sur lequel la succursale est installée puisse opposer les dispositions restrictives de son droit à l’implantation des sociétés étrangères.

Les conditions auxquelles une personne morale peut exercer le droit d’établissement sont au nombre de trois. La personne morale qui évoque l’article 27, paragraphe b doit, en premier lieu, avoir été constituée en conformité avec la loi d’un Etat membre. Sa constitution et son fonctionnement interne doivent ainsi être conformes au droit national d’un Etat membre.

Elle doit, en second lieu, avoir son siège statutaire, son administration centrale ou son principal établissement sur le territoire de la Communauté. Ceci, pour empêcher qu’une société constituée en vertu d’un droit national très libéral qui l’autorise à localiser tous ses centres d’intérêts dans des Etats tiers, dont le droit fiscal ou social serait plus avantageux, ne puisse profiter des largesses du marché communautaire sans y apporter une réelle contribution.

Enfin, cette personne morale doit, en troisième lieu, poursuivre un but lucratif. La notion de lucre est cependant entendue largement. Il suffit que la personne morale qui invoque l’article exerce une activité rémunérée, sans que son objectif soit forcément la maximisation du profit. Ces conditions réunies, la personne morale qui les satisfait peut se voir reconnaître le droit d’établir des succursales sur le territoire des Etats membres, sans que la moindre disposition discriminatoire puisse lui être opposée. Cette succursale bénéficie alors du même traitement que celui réservé aux sociétés déjà implantées sur le territoire désigné. Toute disposition restrictive et discriminatoire fondée sur la nationalité, le siège ou la résidence de la personne morale est prohibée165. Ce droit d’établissement est, par ailleurs, opposable aussi bien à l’Etat d’accueil qu’à l’Etat d’origine de la société. Ce dernier ne peut dès lors empêcher une société remplissant les conditions requises de s’implanter sur le territoire d’un autre Etat membre166. Le droit d’établissement peut toutefois être limité dans son exercice par l’Etat d’accueil quand son ordre public est menacé. L’Etat d’accueil doit pour cela justifier d’un intérêt légitime, dont la protection ressortit à l’ordre public. C’est le cas de la protection des consommateurs167, des créanciers168, de l’efficacité des contrôles fiscaux169, ou de la protection de la propriété industrielle et commerciale170. Il doit ensuite être en mesure de démontrer le caractère proportionné des dispositions qu’il prend pour restreindre la liberté d’établissement171.

Notes
165.

CJCE 12 avril 1994, C 1/93, Halliburton Services, Rec. 1137 ; CJCE 13 juillet 1993, C 330/91, Commerbank, Rec. 4017.

166.

CJCE 27 septembre 1988, C 81/87, Daily Mail, Rec. 5483.

167.

CJCE 13 mai 1997, C 233/94, Allemagne c/ Parlement et Conseil, Rec. 2405.

168.

CJCE 9 mars 1999, C 212/97, Centros, Rec. 1459.

169.

CJCE 15 mai 1997, C 250/95, Futura Participations, Rec. 2471.

170.

CJCE 11 mars 1999, C 212/97, Pfeiffer, Rec. 2835.

171.

CJCE 13 mai 1997, C 233/94, Allemagne c/ Parlement et Conseil, Rec. 2405.