5/ La situation de monopole légal

L’Etat peut avoir érigé certaines activités en monopole, de même qu’il peut avoir contribué à la création d’une entreprise pour exercer certaines activités et lui conférer des droits exclusifs ou spéciaux. A ce propos, le règlement dispose que « les entreprises en situation de monopole légal ou de fait sont soumises aux règles régissant les pratiques anticoncurrentielles et notamment à celles relatives à l’abus de position dominante, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique 258 ».

Le monopole est légal quand l’Etat accorde des droits exclusifs à une entreprise privée ou publique pour exploiter un service public ou produire des biens et des services259. L’entreprise publique est celle sur laquelle les pouvoirs publics peuvent exercer directement ou indirectement une influence dominante du fait de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent. L’influence dominante est présumée lorsque les pouvoirs publics détiennent la majorité du capital souscrit de l’entreprise, disposent de la majorité des voix attachées aux parts émises par l’entreprise, ou enfin lorsqu’ils ont le pouvoir de désigner plus de la moitié des membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance de l’entreprise260.

Il faut considérer qu’un service public, dès lors qu’il répond à l’exercice d’une activité économique, doit recevoir la qualification d’entreprise publique261. A l’inverse, un service public qui met en œuvre des prérogatives de puissance publique doit échapper à la qualification d’entreprise publique262. De même un organisme public chargé de satisfaire un besoin d’intérêt général n’ayant pas un caractère industriel ou commercial échappe à cette qualification263.

L’application du droit de la concurrence communautaire aux entreprises publiques est subordonnée à la réunion de deux conditions. La première n’appelle pas de remarque particulière car elle est classique et tient à la notion d’affectation des échanges entre les Etats membres. La seconde apparaît comme une limite à la soumission de principe des entreprises au droit communautaire de la concurrence. Ainsi, l’application des règles de concurrence ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière impartie aux entreprises264, par exemple, la nécessité de promouvoir la cohésion sociale et territoriale dans l’union265.

Notes
258.

Article 8 paragraphe 1 du règlement n°4/99/UEAC-CM-639 portant réglementation des pratiques étatiques affectant le commerce entre les Etats membres.

259.

L’entreprise, qu’elle soit publique ou privée, doit en effet éviter des pratiques abusives consistant à imposer des conditions de vente discriminatoires injustifiées, procéder au refus de vente, pratiquer des ruptures injustifiées des relations commerciales, ou utiliser leurs recettes pour subventionner leurs ventes dans d’autres secteurs.

260.

Directive n°80/723 du 25 juin 1980 concernant la transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques.

261.

Une telle solution a été consacrée dans l’hypothèse du service des pompes funèbres (CJCE, 4 mai 1988, Bodsom, 30/87, Rec. 2507). Dans ce cas, la Cour a précisé que le fait que les droits spéciaux ou exclusifs aient été accordés non par l’Etat, mais par des autorités publiques au niveau régional, provincial ou communal était sans incidence.

262.

CJCE, 19 janvier 1994, Eurocontrol, C-364/92, Rec. I-55.

263.

CJCE, 10 novembre 1998, Gemeente Arnhem, C-360/96, Rec. I-6846.

264.

C. Nourissat, droit communautaire des affaires, Paris, éditions Dalloz, 2ème édition, année 2005, pages 329.

265.

Les arrêts Corbeau (CJCE, 19 mai 1993, Corbeau, C-320/91) et Commune d’Almelo (CJCE, 27 avril 1994, Commune d’Almelo, C-393/92, Rec. I-1477) consacrent d’amples développements à la justification de la reconnaissance de la dérogation à l’application des règles de concurrence communautaire en présence d’un « service d’intérêt économique général ».