Chapitre 2 L’interconnexion des infrastructures de transport

L’intégration régionale implique la formation d’un ensemble économique cohérent. Elle suppose une mise en contact des économies à intégrer afin de favoriser à terme la construction d’un ensemble économique unifié. Dans ce cadre, l’interconnexion des infrastructures de transport a été prévue à l’article 31 de la Convention régissant l’union économique de l’Afrique centrale (UEAC)370. L’existence d’un réseau de transport opérationnel a un effet d’entraînement important sur toutes les autres politiques élaborées dans le cadre de la construction du marché commun. C’est ainsi que, par exemple, il ne sert à rien de concevoir une politique industrielle régionale, d’harmoniser les codes des investissements, et de rendre fiscalement attractifs les Etats, si les unités industrielles ne disposent pas d’infrastructures routières nécessaires à la production des biens et à leur écoulement. Les infrastructures de transport représentent par conséquent un levier important du développement économique et social, et un accélérateur du processus de régionalisation. La construction et l’entretien des infrastructures de transport a des effets sur la croissance économique, le bien-être, l’emploi, l’industrialisation, la compétitivité, le territoire et la pauvreté371.

De nombreuses études372 ont en effet établi le lien entre les infrastructures de transport et la croissance économique. Pour qu’il y ait croissance, il faut que la production des biens et des services augmente de façon durable373. Or, dans la CEMAC, les centres urbains sont approvisionnés en denrées agricoles en provenance des localités de l’intérieur, totalement enclavées. En raison du mauvais état des routes, les producteurs, en majorité pauvres, n’arrivent pas à évacuer la totalité de leur production agricole vers les centres de consommation. Cela réduit les revenus des paysans, accentue leur marginalisation et accroît la pauvreté. C’est donc à raison que les routes sont un déterminant majeur du développement de la région374.

Un réseau routier intégré permet en effet d’élargir les marchés. Il favorise, entre autres, la production et l’accroissement des revenus agricoles, et impulse une dynamique de progrès social et économique pour les régions pauvres dont le désenclavement élargi les débouchés commerciaux, l’accès aux biens et aux services de base et l’accroissement des revenus. Cela peut contribuer à l’amélioration du niveau et des conditions de vie des populations.

Le développement des infrastructures routières a aussi un effet important sur l’emploi et l’entrepreneuriat. La construction des routes nécessite souvent des grands travaux à haute intensité de main d’œuvre. Dans une zone où la majorité de la population active est au chômage, l’investissement dans le secteur routier représente un moyen important de création des emplois. Il peut entraîner l’installation et la compétitivité des entreprises des sous-traitances.

L’absence d’infrastructures routières qui facilitent l’intégration régionale est donc l’une des principales causes du manque de compétitivité des produits des pays de la CEMAC, en terme de coût, qualité, quantité, délais de livraison. De même, les contrôles abusifs et les tracasseries administratives sur les routes, leur mauvais état et les mauvaises conditions de transport augmentent le coût de production et contribuent à la détérioration de la qualité des produits375.

Ces difficultés ont conduit les Etats membres de la CEMAC à adopter un Plan directeur consensuel des transports 376 qui vise à doter la sous-région d’un système de transport fiable et à moindre coût, qui favorise la libre circulation des personnes et des biens, et qui soit en mesure d’appuyer le développement des échanges et l’intégration régionale (section 1). Ce plan directeur définit par ailleurs un cadre consensuel de négociations, en vue de la mobilisation des investissements dans le domaine des infrastructures de transport (section 2).

Notes
370.

L’article 31 de la Convention UEAC indique que le Conseil des Ministres arrête, à la majorité qualifiée et sur proposition du Président de la Commission, les mesures destinées à améliorer les infrastructures de transport et à renforcer leur interconnexion.

371.

E. Koulakoumouna du Centre d’Etudes et de Recherche en Analyse et Politiques Economiques, « Transport routier et effectivité de l’intégration régionale dans l’espace CEMAC : enjeux et contraintes pour le développement durable du Congo », 17 pages.

372.

K. Colletis-Wahl, « L’évaluation des infrastructures de transport. Quelle représentation théorique des liens entre l’infrastructures et le développement ? », in Politiques et management public, Paris, volume 17, n°1, mars 1999, 35 pages ; V. Catherin-Gamon, « L’évaluation ex-post des infrastructures de transport logiques d’acteurs et contraintes de l’action », in Politiques et management public, Paris, volume 21, n°1, mars 2003, 81 pages.

373.

Selon la Banque mondiale, une augmentation de 1% des équipements collectifs s’accompagne d’une hausse de 1% du PIB.

374.

Union africaine (et al.), Le transport et les objectifs de développement pour le millénaire en Afrique, février 2005, 45 pages.

375.

Selon la CEA (2004), il faut encore entre 7 à 10 jours pour aller de Douala à Bangui (1450 km), avec près d’une vingtaine de points de contrôle de divers services administratifs (police, gendarmerie, eaux et forêts, douanes, municipalités) qui induisent un coût variant entre 250000 à 300000 FCFA par voyage ; soit parfois jusqu’à 40% de la valeur de la marchandise transportée.

376.

Adopté par règlement n°9/00/CEMAC-AC –067-CM604 du 21 juillet 2000 du Conseil des Ministres de la CEMAC.