3/ Le Fonds spécial multi donateurs

Le Fonds spécial multi donateurs a vu le jour dans le cadre de la préparation des projets du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) et de la Banque africaine de développement (BAD)414. Il vise à aider les Communautés économiques régionales à élaborer des projets pouvant bénéficier des concours financiers des partenaires en développement415.

Le NEPAD est une initiative pilotée par les Africains pour promouvoir leur propre développement. Base politique et économique pour le programme de développement de chaque sous région, il définit les modalités de la coopération de l’Afrique avec ses partenaires au développement. Sa stratégie est fondée sur la nécessité d’accorder une attention particulière aux projets de coopération régionale et des actions conjointes entre pays. Elle comporte deux volets: le Plan d’action à court terme (PACT) pour enclencher le développement des infrastructures (période 2002-2007), et un Cadre stratégique à moyen et long terme.

Le PACT a été élaboré en partenariat avec les Communautés économiques régionales, les pays membres de la BAD, les organisations spécialisées dans le développement de l’infrastructure et les partenaires au développement. Il comprend 120 études prioritaires, les programmes de renforcement des capacités, et les projets en matière d’infrastructure, pour un coût total de 8,125 milliards de dollars EU pour l’ensemble des régions. Plus de la moitié des projets d’investissement devraient être financés par le secteur privé. Le PACT met l’accent sur les programmes qui poursuivent le but de créer un environnement favorable à l’accélération du développement des infrastructures. Le rôle du NEPAD est de mobiliser les ressources, la volonté et l’action politique pour la mise en œuvre des réformes qui s’y rapportent.

Le Cadre stratégique à moyen et long termes a été élaboré à l’initiative de la BAD. Il vise à offrir un cadre cohérent et stratégique pour la définition, la mise en œuvre et le suivi du développement de l’infrastructure en Afrique. L’étude devra être réalisée dans le cadre d’une approche participative, avec la participation étroite de l’Union africaine, des Communautés économiques régionales, des différents pays, des institutions spécialisées en infrastructure, du Secrétariat du NEPAD et des partenaires au développement. Les parties prenantes nationales doivent aussi jouer un rôle central dans la mise en œuvre de l’étude qui devrait être achevée en juin 2006.

Des progrès ont été réalisés avec le NEPAD dans le développement des infrastructures. De 2002 et 2005, la BAD a financé 25 projets régionaux pour un engagement de 628 millions de dollars US et mobilisé 1,6 milliards au titre du cofinancement des projets du PACT. Treize interventions supplémentaires d’un montant de 472 millions de dollars US ont également été examinées en vue d’un financement du Groupe de la Banque en 2006. Le PACT et les activités du NEPAD sont à la base des réactions positives du G8 et de la Commission pour l’Afrique vis-à-vis du programme de développement de l’infrastructure en Afrique416.

Le Consortium de l’Afrique pour l’Infrastructure est l’une des principales retombées de la réaction du G8 aux programmes du NEPAD. Il a été lancé en octobre 2005, et est le fruit des efforts déployés par les bailleurs de fonds pour accélérer les progrès afin de répondre aux immenses et urgents besoins en infrastructures de l‘Afrique. Ce programme se fixe la mission d’examiner les contraintes qui entravent le développement des infrastructures, en conjuguant les efforts dans des domaines choisis, et en servant de plate-forme pour la mobilisation de financements additionnels en faveur des projets d’infrastructures. Son Secrétariat est à la BAD.

Ces dispositifs montrent qu’il y a un large éventail de solutions à la disposition de la CEMAC pour financer les infrastructures. Ce qui est récurrent, c’est cette volonté exprimée dans chacun de ces programmes de rechercher la performance de la gestion des infrastructures, avec l’élaboration des outils pour assurer la viabilité économique des projets ; le recentrage du rôle des Etats, mais aussi et surtout la volonté d’impliquer les privés dans leur gestion417.

Par ailleurs, depuis la préparation de la stratégie du 9ème FED, suivie de la préparation de la Stratégie d’Appui à l’Intégration Régionale (SAIR) de la Banque mondiale, il existe de fréquentes consultations informelles entre les institutions internationales qui cherchent à mieux coordonner leurs actions. D’autres bailleurs ont ainsi participé au forum organisé à Libreville par la CE pour présenter et discuter du programme d’assistance (2000-2007) avec les autorités régionales (avril 2002). Inversement, le document de stratégie de la Banque a été étudié par la CE qui a participé à l’atelier organisé par la Banque et la CEMAC à Yaoundé (octobre 2002).

Au niveau du dialogue politique, les coordinations qui ont été mises en place permettent de défendre des positions communes sur des points clefs dans les discussions avec le Secrétariat Exécutif de la CEMAC. Ainsi, les principaux bailleurs maintiennent un dialogue par projet et entendent désormais adopter des stratégies communes et concertées de coopération.

Avec cette amorce de la coordination des bailleurs de fonds, il faut s’attendre à un durcissement des conditions de financement des infrastructures. Seuls les projets économiquement viables, qui ont des potentialités de rentabilité fortes seront financés. Cette ingérence des organisations internationales dans les affaires intérieures des pays emprunteurs est justifiée par le fait même qu’elles sont des institutions de coopération. Leurs buts coïncident avec ceux des emprunteurs. Il n y a, entre elles et eux, ni d’opposition, ni de conflit d’intérêt. C’est ainsi que l’action qu’elles poursuivent, en commun accord, exprime cette coopération dont le but est de susciter des pratiques d’une meilleure gestion des ressources publiques418.

La doctrine considère qu’il ne s’agit pas de politique car les discussions portent sur des principes d’action qui ne donnent pas lieu à des divergences d’opinion parmi des personnes raisonnables. On ne peut pourtant pas méconnaître cette dimension politique car les institutions internationales ne fonctionnent pas en dehors du jeu politique international. Leurs politiques expriment en partie, mais à des degrés divers, les intérêts et les vues de leurs actionnaires. De même, lorsqu’elles s’efforcent d’être des conseillers impartiaux, leurs conseils techniques ne sont pas nécessairement apolitiques dans leurs implications et leurs effets. Ainsi, lorsqu’il s’agit de décisions qui touchent aux intérêts nationaux, l’absence de visées impérialistes ne suffit pas à réfuter les accusations d’ingérence généralement portées contre elles.

La CEMAC devra toutefois inciter ses membres à dépasser ces débats sur la légitimité de l’ingérence des institutions d’aide au développement dans les affaires intérieures. Dans l’état de faiblesse où sont les infrastructures, et tenant compte du besoin de les combler, il ne sert à rien de s’attarder sur les interrogations liées au bien-fondé de l’intervention des institutions internationales par rapport aux souverainetés nationales. Ce qui devra compter, c’est la capacité des Etats à être éligibles aux ressources extérieures qui doivent venir en complément des ressources locales pour assurer le financement des infrastructures routières419.

Notes
414.

C’est à la Banque africaine de développement (BAD), une institution multilatérale de financement du développement créée en 1964 pour mobiliser les ressources destinées à financer les programmes de développement qu’est confiée la gestion de ce fonds. Le Comité des Chefs d’Etat et de Gouvernement, chargé de mettre en œuvre le NEPAD lui a confié le rôle de coordination des activités dans les domaines des banques, finances et infrastructures. Lire notamment le Rapport annuel 2004 de la Banque Africaine de développement, page 97

415.

Ce mécanisme a été transformé en Fonds spécial multi donateurs NEPAD-IPPF pour mobiliser les ressources additionnelles. Il a été mis en place en 2003et est opérationnel depuis 2004, avec un financement de départ de 10 millions de dollars fournis par le Canada.

416.

Table ronde ministérielle et séminaires de haut niveau organisées conjointement avec la Commission économiques des Nations Unies pour l’Afrique, « Développement de l’infrastructure et intégration régionale: problématique, opportunités et défis », 16 mai 2006, 14 pages.

417.

Table ronde ministérielle et séminaires organisés par la Commission économiques des Nations Unies pour l’Afrique, « Développement de l’infrastructure et intégration régionale: problématique, opportunités et défis », 16 mai 2006, page 9.

418.

A.A. Fatourous, « Le rôle de la Banque mondiale dans le droit international », in Journal du Droit international, Paris, Éditions Techniques S.A., n°3, Juillet Août Septembre, Année 1977, pages 566 à 567.

419.

Selon la Banque mondiale, les pays en développement vont faire face en 2009 à un déficit de financement de 270 à 700 milliards de dollars, et que les institutions internationales ne pourront pas combler ce trou à elles seules. Cf. Métro du lundi 9 mars 2009, page 3.