§2. Le droit public : contrainte pour les créanciers ?

Le modèle de concession à la française452 regroupe des opérations juridiques variées et complexes dont l’une des caractéristiques réside dans la nécessaire implication de la personne publique au cours des différentes phases du projet, en qualité de maître d’ouvrage453. Bien qu’entièrement géré de façon privée, le projet en concession met en jeu les intérêts d’une personne publique. Cette dernière dispose de droits spécifiques qui découlent de sa responsabilité, et concernent notamment les questions de police et de domanialité. Le respect de ces droits implique a minima, directement ou indirectement, le suivi du projet et le contrôle de la compatibilité des décisions du concessionnaire avec les objectifs qui sont initialement fixés. Dès lors, les éléments de rattachement de la participation des opérateurs privés aux projets d’infrastructures à la sphère du droit public, et précisément au modèle de concession, sont multiples et se combinent entre eux dans la pratique. Pour mémoire, ils tiennent au fait que :

Certains des critères qui déterminent les contrats conclus entre l’entreprise et l’Etat, dans le cadre des concessions de service public sont considérés par les prêteurs456 comme contraignants. C’est ainsi que la concession est présentée comme un contrat déséquilibré en faveur de la personne publique, son régime des biens empêcherait le concessionnaire de bénéficier de droits réels sur les ouvrages qu’il réalise, sa double nature et les recours juridictionnels qui s’y appliquent n’offriraient pas davantage de garanties pour les opérateurs privés.

Notes
452.

Les pays de la CEMAC (sauf la Guinée équatoriale) ont hérité du droit public français en vigueur au début des années 1960. C’est ainsi que, si d’un point de vue juridique, seule la jurisprudence française antérieure à cette période fait partie de leur droit positif, dans la pratique, les tribunaux tolèrent encore que l’on fasse référence à la jurisprudence française postérieure. Cela s’explique par le fait que de nombreux pays souffrent d’un manque de jurisprudence publiée, en particulier dans le domaine du droit public, et que la propre évolution du droit administratif français depuis cette époque, en particulier en matière de délégation de services publics et de domanialité publique est regardée avec un très grand intérêt.

453.

Qui reste en tout état de cause, au moins d’un point de vue politique, la garant du bon fonctionnement du service public.

454.

Par exemple, pouvoir de résiliation unilatérale de la personne publique.

455.

Il faut préciser que le périmètre du domaine public n’est pas toujours facile à définir dans des pays qui, comme c’est souvent le cas en Afrique francophone, ne disposent pas des Codes du domaine de l’Etat ou des collectivités locales, et où les biens compris dans le domaine public font l’objet d’une énumération dans divers textes dont certains remontent avant les indépendances, sans parler des conflits pouvant exister avec les droits coutumiers.

456.

O. Fille-Lambie, « aspects juridiques des financements de projets appliqués aux grands services publics dans la zone OHADA », in Revue de droit des affaires internationale, n°8, année 2001, pages 931 ; P. Grangerean, « Les projets privés d’infrastructures dans les pays émergents – L’approche des prêteurs », in Revue de droit des affaires internationales, n°2, année 2001, pages 115 à 131.