Conclusion Partie 1

L’application des principes de libre circulation et de libre concurrence offre des avantages certains pour le développement économique de la CEMAC, et notamment pour les Etats membres qui n’ont pas un accès à la mer. Elle devrait d’abord permettre de réduire les coûts liés aux frontières administratives, engendrer des économies liées à la dimension des unités de production, donner aux entreprises une efficacité accrue, et élever le niveau de la consommation. La libéralisation du secteur routier donne aussi à la région la possibilité de soutenir la concurrence sur les marchés internationaux et d’attirer les investissements privés pour la réalisation des grands projets de développement dans le domaine des infrastructures routières.

Cette implication des opérateurs privés à la gestion du secteur routier doit toutefois être accompagnée par une politique de modernisation des administrations publiques pour permettre aux Etats d’assumer efficacement les missions d’intérêt général. Si, les entreprises sont appelées à participer à la dotation en infrastructures routières, il reste en effet des domaines qui sont réservés exclusivement aux Etats, et pour lesquels ceux-ci doivent être infaillibles.

La capacité d’action de l’Etat est, non seulement son aptitude à promouvoir des actions d’intérêt général ou collectif, mais aussi d’établir les règles qui s’appliquent aux marchés. L’Etat ne doit pas se contenter uniquement de fixer les règles. Il lui faut veiller à ce que ces règles soient appliquées systématiquement, et faire en sorte que les acteurs du secteur privé ne vivent pas dans la crainte de les voir changer du jour au lendemain. Lorsque l’Etat change de règles fréquemment et inopinément, et lorsqu’il les applique de façon arbitraire, ou annonce des changements qui sont non tenus, il perd sa crédibilité et les marchés peuvent en en souffrir.

Une institution judiciaire au fonctionnement efficace est l’une des bases de la participation des privés aux projets de développement. Or, « (…) plus de 70% de chefs d’entreprises déclarent que l’imprévisibilité de la justice gêne beaucoup le fonctionnement de leur établissement et estiment que ces problèmes se sont aggravés au cours des dix dernières années489 ». Cette situation engendre le manque de confiance qui réduit l’investissement, la croissance et la rentabilité des projets de développement. Face à l’insécurité juridique, le secteur privé est plus enclin à réagir par des comportements divers quand il ne pense pas que l’Etat fera respecter les règles du jeu qu’il a lui-même fixé. Cela est très préjudiciable à l’économie.

Par ailleurs, une justice imprévisible oblige les entrepreneurs à s’en remettre à des accords et à des mécanismes parallèles qui débouchent trop souvent sur la corruption ; ce qui est dans tous les cas de nature, non seulement à dissuader l’investissement privé, ou à faire renoncer purement et simplement la réalisation de certains projets, mais aussi à alourdir les coûts de transactions. L’investissement souffre indéniablement de cette situation car les entrepreneurs n’engageront pas des ressources dans un climat de grande incertitude et de forte instabilité490.

L’Etat peut donc promouvoir le développement de plusieurs manières : en créant un cadre macroéconomique qui incite à l’efficience ; en mettant en place l’infrastructure institutionnelle adaptée (assurer la paix, l’ordre public et règlementaire, etc.) qui encourage les investissements à long terme ; en prenant les dispositions nécessaires à la fourniture des services de santé et d’éducation de base, en veillant à la mise en place de l’infrastructure nécessaire à l’activité économique. C’est dans ces domaines que l’Etat doit renforcer sa capacité.

La fiabilité des appareils juridiques, réglementaires et administratifs est aussi un fondement essentiel de la confiance de l’investisseur. Cela suppose des tribunaux compétents, indépendants, impartiaux et intègres. Ainsi seront assurés le respect de la légalité et l’application des contrats et des droits de propriété. De même, le degré de conscience professionnelle, d’efficacité et de compétence de l’appareil administratif, et des organes de contrôle de l’Etat, revêt une importance capitale pour attirer les investisseurs. Ceux-ci doivent avoir la possibilité de déterminer l’issue réservée à leurs affaires lorsqu’ils saisissent l’administration.

Le développement des politiques de transport routier dans la CEMAC dépasse donc la seule adoption des lois. La prévisibilité, l’obligation de rendre des comptes et la transparence des gouvernants en font partie, tout comme l’application cohérente des politiques économiques saines, et la promotion d’un cadre macroéconomique associé à un cadre réglementaire fort pour protéger les citoyens contre la coercition, l’arbitraire et la corruption. Les investisseurs qui interviennent dans le secteur doivent être assurés que leurs avoirs sont en sécurité.

Notes
489.

Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde, Recentrer l’Etat sur l’efficacité de l’action publique, année 1997, page 41.

490.

C. Hoguie, « Justice et investissement », in OHADA D-07-12, 3 pages.