Section 1 L’effectivité du droit

L’effectivité du droit est un indicateur objectif de sa validité. Elle doit être une préoccupation pour les personnes chargées de le mettre en œuvre, comme celles à qui il est censé s’appliquer. C’est pourquoi, en France, par exemple, le Conseil constitutionnel a énoncé un objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, précisant que l’égalité devant la loi ne pourrait pas être effective si les citoyens ne disposent pas d’une connaissance suffisante des normes512. De son côté, le législateur a prescrit que les autorités administratives sont tenues d’organiser un accès simple aux règles de droit qu’elles édictent, et que la mise à disposition, et la diffusion de textes juridiques, sont une mission de service public513. L’accessibilité implique non seulement la mise en ligne du Journal officiel, mais encore la lisibilité physique, c’est-à-dire la publication systématique des textes consolidés, reconstitués dès leur adoption514. L’intelligibilité suppose de les saisir dans un contexte plus large, de les relier aux informations qui ont accompagné leur genèse : études d’impact, exposé des motifs, débats, amendements, simulation, textes cités ou encore documents de mise en œuvre. Ces dispositions semblent manquer, lorsque l’on observe les conditions dans lesquelles les conventions adoptées par la CEMAC sont transposées dans les droits internes. Or, on sait que la bonne connaissance des règles de droit et la promotion de l’état de droit vont de pair. Les administrations doivent fonctionner en toute transparence, en se rapprochant des usagers pour les éclairer sur les choix politiques. C’est ce mouvement de rapprochement qui permet de créer un nouveau type de relation plus confiant, avec des lois accessibles et intelligibles.

Dans la majorité des pays membres de la CEMAC, les traités sont valides et applicables dans l’ordre interne dès qu’ils sont ratifiés et publiés. La ratification et la publication sont dès lors des étapes successives et nécessaires dans la procédure d’admission de la norme515. La signature de l’accord n’est que le premier pas d’une démarche en vue de l’exécution des obligations qu’il a créées. C’est ainsi que des traités solennellement signés demeurent lettre morte parce que les gouvernements intéressés retardent leur ratification ou utilisent diverses procédures pour échapper à leurs obligations. Un Etat peut, par conséquent, signer un traité dans un geste à signification politique, puis indéfiniment faire attendre sa ratification. Il arrive également que lorsqu’un traité est formulé en termes généraux et qu’une législation nationale détaillée est nécessaire pour son application, spécialement une réglementation promulguée par décret et contenant des instructions pour l’administration, la carence à publier ces textes prive d’effets le traité, même s’il a été ratifié en bonne et due forme. Ce sont là des problèmes réels qui se posent dans certains Etats membres de la CEMAC, et qui peuvent affecter l’application des traités sur le transit et la facilitation des échanges. Ainsi, si le droit harmonisé devait être un moyen de libéralisation des échanges516, cette fonction d’instrument au service de l’intensification des échanges n’est pas assumée, du fait notamment de l’incertitude de l’Etat de droit (§1) et des difficultés d’accès à l’information (§2°) qui complexifient les conditions d’applicabilité du droit harmonisé en matière de transport.

Notes
512.

Conseil constitutionnel décision n°99-421 DC du 16 décembre 1999, JO 22 décembre 1999, p.19042.

513.

Loi n°2000-321 du 12 avril 2000, art.2, JO 13 avril 2000, p.5646.

514.

Bourcier (D) et Catta (E), A vos lois citoyens, in Le Monde du 5 juillet 2000, page 16.

515.

J. Grosdidier de Matons, Facilitation du commerce et du transport en Afrique subsaharienne – un recueil des instruments juridiques internationaux, programmes de politiques de transport en Afrique subsaharienne, Document de travail SSATP N°73, mai 2004, page 7.

516.

I. E. Schwartz, « de la conception du rapprochement des législations dans la Communauté économique européenne », in Revue trimestrielle de droit européen, Paris, éditions Sirey, Janvier avril 1967, pages 241.