Le ciblage des contrôles douaniers a notamment pour but d’éliminer les réticences des autorités, de limiter les fraudes douanières et d’éviter les risques de perte des recettes budgétaires. Deux méthodes de ciblage des opérations permettent d’assouplir le contrôle physique des marchandises aux frontières sans compromettre la perception efficace des recettes douanières. La première est dite classique, la seconde consiste en un ciblage rationnel des opérations.
La méthode traditionnelle de ciblage consiste à sélectionner les opérations à contrôler en utilisant des techniques de ciblage traditionnelles529. En dehors des contrôles systématiques, suite à des informations recueillies, le ciblage des opérations est effectué en utilisant des critères de risque dont l’identification se fait sur la base de l’expérience et du jugement du personnel de l’administration des douanes qui observe l’historique des transactions. Cette méthode a deux inconvénients. Elle dépend de l’intervention et de l’appréciation humaine, et demande beaucoup d’efforts pour s’adapter aux nouvelles pratiques de fraude. C’est une méthode plus adaptée pour les pays développés où les contrats passés implicitement entre l’administration et les agents (incitations/sanctions) sont en principe respectés. En Afrique, elle ne permet pas d’éliminer les risques de fraude. Son utilisation ne rend pas seulement le ciblage des contrôles inefficace et inopportun, elle a aussi un effet pervers car elle ne favorise pas les importateurs fraudeurs qui courent le risque de se retrouver en circuit vert. Son utilisation est donc un facteur d’injustice pour les importateurs honnêtes. Aussi, la voie qui consiste à éliminer l’intervention des agents de l’administration publique afin de limiter les risques de fraude, avec la méthode de ciblage automatique, est à explorer par la CEMAC.
La méthode automatique de ciblage des opérations consiste à mettre au point un système d’aide à la décision pour sélectionner les opérations à contrôler. Cette sélection repose sur des critères simples d’évaluation du risque de fraude liés à l’examen des bases de données des opérations commerciales. Elle porte sur les éléments les plus significatifs d’une opération de transport transfrontalier que sont notamment l’origine de la marchandise et les circuits commerciaux, la marchandise objet de la transaction, et les opérations concernées par la transaction530.
Les courants commerciaux et l’origine de la marchandise sont importants car ils sont susceptibles de révéler des circuits anormaux déterminés grâce à la connaissance des transactions commerciales les plus habituelles et régulières. Les pays d’origine et de provenance de la marchandise sont les clefs de cette présomption de régularité ; le lieu d’établissement de la facture, tout comme le port d’embarquement, sont aussi des éléments significatifs.
Par ailleurs, la nature de la marchandise sur laquelle repose les taxations, prohibitions, mesures restrictives, contrôles qualitatifs, régimes tarifaires privilégiés, et sa valeur sont les clefs essentielles de présomption de fraude. Enfin, les opérateurs concernés sont le dernier élément du dispositif. L’importateur intervient de façon principale, mais d’autres opérateurs apparaissent dans la chaîne opérationnelle (l’exportateur, le transporteur, le banquier, le transitaire). Partant de ces éléments, on peut concevoir un système de ciblage en combinant quatre approches.
La première approche consiste à vérifier toutes les opérations nouvelles, dans le sens où elles concernent un opérateur, une marchandise ou un circuit sur lesquels la base de données ne fournit pas d’information, et qu’il convient donc d’isoler par rapport aux connaissances historiques. Ce contrôle systématique doit notamment inciter les opérateurs économiques à s’identifier correctement. Cette identification est essentielle pour l’administration des douanes (mais aussi pour l’administration des impôts), dès lors que le contrôle a posteriori doit progressivement se substituer au contrôle physique a priori des marchandises.
La seconde approche résulte de l’examen des documents du dossier d’importation et de l’étude statistique sur les fraudes. Elle permet de retirer des enseignements sur les risques de fraude. Chaque critère identifié se voit attribuer une note à partir de l’information statistique disponible. Une note globale ou représentative du niveau de risque de fraude de l’opération à contrôler est ensuite obtenue par somme pondérée des notes des différents critères retenus.
La troisième approche porte sur le contrôle systématique d’une opération sur la base de facteurs liés à certains de ses caractéristiques (par exemple, opérations d’un montant supérieur à x unités en valeur, absence de contrôle de l’opérateur sur les x dernières semaines).
La quatrième approche, enfin, concerne une sélection purement aléatoire qui permet, d’une part, d’éviter que les contrôles soient prévisibles et, d’autre part, d’ajuster le taux de contrôle.
C’est la deuxième approche qui est au cœur de la méthode car elle permet de déterminer la probabilité de fraude à partir de critères de risque objectifs déterminés par des méthodes statistiques. Une première étape consiste à déterminer les critères de fraude à partir d’une analyse ex post des fraudes révélées. Une deuxième étape consiste à appliquer ces critères à chaque nouvelle opération afin d’en déterminer la probabilité de fraude pour une opération.
L’information est donc au cœur de la problématique du contrôle en douane. Et, l’efficacité du transport de transit dépend de la mise en place d’un système de communication fiable. Si l’information est parfaite, tant sur la moralité des intervenants que sur les caractéristiques du bien importé, le contrôle peut être ciblé sans aucun risque, et le contrôle de l’ensemble des marchandises serait parfait. Par conséquent, la fraude serait amenée à disparaître531.
Ainsi, les méthodes de contrôle automatique sont une véritable opportunité de libéralisation du transport routier dans la CEMAC. Elles permettent de faciliter les échanges et le redéploiement des personnels vers les contrôles différés. Elles sont également un vecteur important de changement des mentalités indispensable pour une évolution vers une douane moderne.
Par ailleurs, la corruption étant une entrave majeure à l’efficacité des contrôles, il permet de réduire les occasions de collusion entre les importateurs et les douaniers (c’est avant l’enlèvement des marchandises que ceux-ci ont l’occasion de négocier). Il faut donc limiter les contrôles a priori, et reporter l’essentiel des contrôles a posteriori. Ceci est d’autant plus important qu’au-delà du risque qui pèse sur la sécurisation des recettes, l’entente entre l’importateur et le douanier permet d’introduire sur le marché des produits à moindre coût et de qualité douteuse. Les producteurs locaux et les importateurs non fraudeurs subissent ainsi une concurrence déloyale qui les exclut du marché, les mauvais opérateurs et produits se substituant sur le marché aux bons produits et aux bons opérateurs économiques grâce à la fraude. Dans ces conditions, les méthodes de contrôle automatique des marchandises permettent de créer les conditions du développement des échanges juste et efficace.
Il faut pourtant savoir que le ciblage des contrôles n’est pas facile à réaliser. Les agents qui doivent se recycler peuvent manifester des réticences car la limitation des contrôles physiques a pour effet de baisser leurs revenus personnels, souvent obtenus de manière frauduleuse. De même, les autorités sur lesquelles la contrainte budgétaire pèse peuvent manifester les craintes de surseoir aux contrôles physiques des marchandises au bénéfice de leur ciblage. Dans leur esprit, seuls les contrôles physiques des marchandises peuvent leur garantir les taxes.
L’efficacité des douanes passe aussi par la recherche de la transparence : lois, règlements, décisions judiciaires et administratives relatifs à la valeur en douane doivent être publiés par les pays d’importation. Outre la nécessité de retenir des règles de détermination de l’origine plus simple et plus facilement vérifiables, le renforcement des procédures de contrôles des règles d’origine au niveau régional, et la prévention des voies de recours supranationales en cas de litiges entre les Etats ou de la part des particuliers s’avèrent nécessaire.
Il faut aussi établir les conditions d’application du droit de recours en justice pour renforcer les garanties pour les importateurs envers la douane. Le dispositif doit produire ses effets, grâce à la formation des agents des douanes. Mais, comme tout système a ses limites, il ne faut pas non plus perdre de vue la nécessité d’apporter des réponses qui s’imposent aux carences du système juridique et judiciaire qui laissent impunis les agents qui pratiquent la corruption.
Le ciblage des opérations permet d’identifier en principe trois niveaux de contrôle : a) circuit vert avec absence de contrôle ; b) circuit rouge avec contrôle documentaire approfondi ; c) circuit rouge avec contrôle documentaire approfondi et inspection physique des marchandises.
La CNUCED fourni l’appui technique et opérationnel en technologies de l’information visant l’efficacité des systèmes de transit. Elle a mis au point un système informatisé pour la gestion des procédures de transit douanier appelé SYDONIA++. Il est utilisable pour tous types de transit comme définis par la Convention de Kyoto et couvre les mouvements : du bureau d’entrée à la frontière à un bureau intérieur (transit à l’importation) ; du bureau d’entrée à la frontière à un bureau de sortie à la frontière (transit direct) ; d’un bureau intérieur à un bureau de sortie à la frontière (transit à l’exportation) ; d’un bureau intérieur à un autre bureau intérieur (transit interne).
La CNUCED met en place un système d’informations anticipées sur les marchandises (SIAM). Il vise à améliorer les transports en permettant de localiser les véhicules pendant le transport, aux interfaces, et d’obtenir des informations avant l’arrivée des marchandises.