§2. La Cour de Justice communautaire

Le Traité révisé de la CEMAC prévoit une juridiction communautaire, la Cour de Justice communautaire 532 qui est un organe technique à compétence générale. Sa fonction est d’assurer le respect par les Etats membres, les institutions et les organes, des dispositions du Traité et des conventions subséquentes. Elle comprend une Chambre judiciaire et une Chambre des Comptes. Son siège est fixé à N’Djaména au Tchad. La Chambre Judiciaire comprend six juges nommés conformément aux dispositions des articles 12 et 13 régissant la Cour.

Les juges élisent en leur sein, à bulletin secret, et à la majorité simple, le Président pour un mandat de trois ans renouvelable une fois. En cas d’égalité des voix, il est procédé à un deuxième tour. Si la majorité n’est pas dégagée, le juge le plus ancien est déclaré élu. A ancienneté égale, le plus âgé l’emporte 533 . Le Président préside les audiences de la Chambre, dirige les travaux et assure la discipline du personnel de greffe qu’il nomme après avis de la Chambre.

Le greffier assiste le juge dans l’accomplissement de tous les actes de ses fonctions juridictionnelles. Il est chargé, notamment, de la préparation des rôles des audiences de la Chambre, de la réception et la transmission des documents, de la tenue des registres et des dossiers, de la certification des expéditions des arrêts et de leur notification, de la délivrance et la certification des extraits et copies de tout document et acte, de la conservation des archives.

La Chambre Judiciaire exerce ses fonctions en Assemblée Générale, en Assemblée Ordinaire, en Assemblée Plénière, et en Chambre du Conseil. Elle se réunit sur convocation du Président et délibère sur le fonctionnement de la Chambre. Les juges siègent en Chambre du Conseil soit pour émettre des avis consultatifs, soit lorsque la cause est de nature à compromettre l’ordre, la tranquillité et la sécurité publique. Au niveau des procédures, la Chambre connaît en premier et dernier ressort :

En matière d’arbitrage, la Chambre Judiciaire connaît des différends qui lui sont soumis par les Etats, les institutions, les organes et les organismes de la Communauté. Elle connaît tout litige qui lui est soumis en vertu d’une clause compromissoire ou d’un compromis. Elle émet des avis sur la conformité aux normes juridiques, des actes juridiques ou des projets d’actes initiés par un Etat, ou un organe spécialisé, dans les matières relevant du Traité.

La Chambre des Comptes comprend six juges535 qui élisent en leur sein, à bulletin secret et à la majorité simple, le Président, pour un mandat de trois ans renouvelable une fois. En cas d’égalité des voix, les critères d’ancienneté et de l’âge permettent l’élection du Président.

Le Président assure la direction les audiences de la Chambre, dirige les travaux et assure la discipline du personnel du greffe536. Elle exerce ses fonctions en formation de jugement, en Assemblée Générale, et en Chambre du Conseil. Composée de tous les juges, elle connaît :

La Chambre des Comptes vérifie les comptes de la Communauté. Elle s’assure de la bonne gestion financière de celle-ci. Dans l’exercice de ses fonctions juridictionnelles, la Chambre vérifie sur pièces et, au besoin, sur place la légalité et la régularité des recettes et des dépenses, prend des mesures conservatoires quand elle constate des manquements graves de nature à affecter les intérêts de la CEMAC, examine les comptes, sanctionne la gestion de fait, connaît des fautes de gestion, prononce les condamnations à l’amende et statue sur les recours.

Dans le cadre de la surveillance multilatérale des politiques budgétaires537, la Chambre des Comptes peut apporter, à la demande des Etats, son concours aux Cours des Comptes Nationales. Elle reçoit d’elles des observations sur les résultats de leurs contrôles. Sur invitation du Premier Président, les Présidents des Cours des Comptes Nationales se réunissent une fois par an pour procéder à l’évaluation des systèmes de contrôle et des résultats des contrôles effectués durant l’exercice écoulé. Des recommandations tendant à améliorer et à harmoniser les systèmes de contrôle des comptes sont aussi faites à l’issue de ces évaluations sur la fiabilité et la conformité des comptes aux règles comptables et budgétaires.

La Chambre des Comptes est compétent pour condamner tout comptable public à une amende pour retard dans la production des comptes, si celui-ci ne les présente pas en état d’examen, dans les délais prescrits. Cette condamnation s’applique également en cas de retard dans les réponses aux injonctions prononcées à son encontre, dans le délai imparti, par décision de la Chambre ou s’il n’a produit aucune excuse valable pour ce retard. De même, toute personne qui s’ingère dans les opérations de recettes, de dépenses ou de maniement de valeurs sans en avoir la qualité, est déclarée comptable de fait. Sa gestion est soumise au jugement de la Chambre. Elle entraîne les mêmes obligations et responsabilités que les gestions patentes.

La Chambre sanctionne les fautes de gestion commises par les ordonnateurs, les responsables et les autres fonctionnaires de la Communauté qui enfreignent les règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses, ou à la gestion des biens de la Communauté. Elle les sanctionne également quand ils engagent des dépenses sans en avoir le pouvoir, dissimulent un dépassement de crédits, ou encore lorsqu’ils imputent irrégulièrement une dépense. Ces sanctions peuvent frapper les fonctionnaires communautaires lorsque, dans l’exercice de leurs fonctions, ils omettent sciemment de souscrire les déclarations qu’ils sont tenus de fournir, ou quand ils agissent en méconnaissance de leurs obligations en procurant à eux-mêmes ou à autrui un avantage pécuniaire ou en nature injustifié entraînant un préjudice à la Communauté.

La Chambre des Comptes peut vérifier la gestion des concours financiers accordés par la Communauté aux Etats membres ou d’autres organismes communautaires. Elle vérifie l’emploi des concours financiers et des dons versés à la Communauté par tout Etat tiers ou toute organisation nationale ou internationale. Un rapport est produit annuellement pour exposer le résultat général de ses travaux et les observations qu’elle estime devoir formuler en vue de la réforme et de l’amélioration de la gestion des deniers publics au niveau communautaire.

Dans le passé, il n y avait pas de recours contre les actes de ces organes, à moins de faire appel auprès de leurs propres instances. La Cour ouvre la possibilité de se défendre en cas de violation du Traité et des Actes qui en dérivent. Et, cette possibilité est offerte, non seulement aux Etats et aux organes spécialisés, mais aussi à toute personne physique ou morale qui justifie d’un intérêt légitime. En cela, la création de cette Cour de Justice est une barrière contre les actes entachés de vice de forme, d’incompétence et de détournement de pouvoirs. Toutefois, il faut reconnaître que le pouvoir de contrainte de cette Cour de Justice reste limité. Son rendement est faible, avec 17 arrêts et 5 avis rendus en 5 ans d’existence538. La Chambre n’a pas été saisie en recours préjudiciel par les juridictions nationales (demande d’interprétation du droit communautaire) et n’a jamais été saisie par les Etats et le Secrétariat exécutif pour se prononcer sur la légalité d’actes nationaux au vu des traités et conventions communautaires539. Le faible nombre d’arrêts et avis rendus s’explique par l’absence de vulgarisation du droit communautaire. Les organes et agents de la Communauté connaissant les prérogatives de la Chambre Judiciaire de la Cour sont presque les seuls à l’avoir saisie. Les juridictions nationales ne sont pas, en outre, bien informées de ses prérogatives ni de l’état du droit communautaire. Il existe, par ailleurs, des problèmes de moyens en terme de saisine de la Cour, celle-ci ayant un coût tel que même si une plus grande vulgarisation est faite, le coût freine sa saisine. Il faut donc renforcer les moyens de fonctionnement de cette Cour de justice, et des institutions comme le système de la Carte Rose pour leur permettre de jouer leur rôle.

Notes
532.

Lire aussi les articles 89 et 91 de la Convention régissant l’Union économique de l’Afrique centrale en annexe 2

533.

Selon l’Acte Additionnel n°6/00-CEMAC 0416CCE-CJ-02 du 14 Décembre 2000.

534.

A propos de la Commission Bancaire d’Afrique Centrale, lire notamment le chapitre 4, section 2 du présent document.

535.

Nommés conformément aux dispositions de l’article 27 de la Convention régissant la Cour.

536.

Lire l’Acte Additionnel n°07/00/CEMAC-041-CCE-CJ-02 du 14 Décembre 2000 qui organise et fixe les règles de fonctionnement de la Chambre des comptes ainsi que de la Cour de Justice Communautaire de la CEMAC.

537.

Articles 52 à 63 de la Convention régissant l’Union économique de l’Afrique Centrale (annexe 2).

538.

Rapport du Comité de pilotage de la Présidence du Programme de réformes institutionnelles de la CEMAC du 22 février 2007.

539.

Or, c’est par l’intermédiaire de recours préjudiciels que la Cour de Justice européenne a bâti sa réputation et a permis de veiller à la bonne mise en œuvre des dispositions communautaires.