La sécurité juridique présente un enjeu économique important dans le secteur des investissements636 car elle est un des critères essentiels d’attractivité des investisseurs étrangers. C’est la raison pour laquelle le droit des investissements internationaux intègre la stabilité juridique en tant qu’obligation imposée à l’Etat récepteur637. Pour favoriser les investissements étrangers, il faut que le droit des pays d’accueil présente un haut degré de sécurité. A cette fin, la sécurité juridique est mentionnée dans le traité OHADA638 et dans la Charte des investissements CEMAC639, parmi les objectifs essentiels de ces organisations régionales. Dans le même esprit, les rapports Doing Business de la Banque mondiale préconisent la simplification de la réglementation économique dans le but de faciliter les affaires. Il en résulte que pour mobiliser les investissements dans le domaine des infrastructures routières de la CEMAC, les Etats doivent rassurer les potentiels investisseurs en créant les conditions de leur sécurité financière (cette notion de sécurité financière640 est dépendante de normes juridiques, même si elle n’est pas seulement assurée que par des règles juridiques641).
La recherche de la sécurité se justifie par plusieurs raisons. Une première raison tient au fait que si la CEMAC veut inscrire son économie dans la modernité, elle doit asseoir une part essentielle de sa politique sur les mécanismes de marché. Le droit à la sécurité financière se traduirait à cet égard par : l’exigence d’autorités de contrôle efficace, l’exigence de règles prudentielles pour les acteurs, une normalisation stricte des organismes de placement collectif, une réglementation des opérations financières, une réglementation des comportements des acteurs, etc. L’égalité de traitement des acteurs est un autre impératif de la sécurité financière. L’égalité est d’abord une égalité dans le respect des obligations. La sécurité passe fondamentalement par le respect d’une discipline collective. La sécurité des investisseurs dépend pour une large part de modes collectifs d’organisation imposées aux acteurs. Traditionnellement, des normes de gestion sont imposées aux établissements bancaires, aux intermédiaires sur les marchés financiers. S’imposent également des normes permettant de prévenir le blanchissement de capitaux, des normes destinées à prévenir les conflits d’intérêts, etc. Par ailleurs, pour un investisseur, le droit à la sécurité ne saurait être appréhendé de manière totalement abstraite. Les investisseurs doivent pouvoir arbitrer entre un certain degré de risque qu’ils encourent et le niveau de profit. Cet arbitrage est consubstantiel à tout investissement (l’investisseur étant dans l’attente d’un degré de sécurité corrélé à un degré de rentabilité, sa perception de la rentabilité peut le conduire à accepter contractuellement l’insécurité). Traiter la question de la sécurisation du financement des infrastructures routières conduit à identifier les principales contraintes qui pourraient empêcher la participation financière des opérateurs privés à ces projets. Il s’agit notamment des risques projets (section 1), de la faiblesse du système bancaire et financier (section 2), et des enjeux de la corruption (section 3).
J.-B. Racine et F. Siiriainen, « Sécurité juridique et droit économique – Propos introductifs », in Laurence Boy (sous la dir. de), Sécurité juridique et droit économique, Bruxelles, éditions Larcier, année 2008, page 18.
F. Horchani (dir), Où va le droit de l’investissement ? Désordre normatif et recherche d’équilibre, Pédone, 2006.
Le préambule du Traité relatif à l’organisation de l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) signé le 17 octobre 1993 dispose que le droit des affaires doit être appliqué dans les conditions propres à garantir la sécurité juridique des activités économiques, afin de favoriser l’essor de celles-ci et d’encourager l’investissement.
La Charte des investissements a été adoptée par le règlement n°17/99/CEMAC-020-CM-03 du 17 décembre 1999 dans le but d’attirer des capitaux privés nationaux et internationaux. Dans ce cadre, son article 4 dispose que « les Etats membres veillent à promouvoir la sécurité juridique et judiciaire, et à renforcer l’Etat de droit (…) ».
Il s’agit de la sécurité des investisseurs, de la sécurité des épargnants, de la sécurité des clients et banques, de la sécurité procurée par les acteurs des marchés, de la sécurité des marchés. Cf. le numéro spécial des Petites Affiches n°56 – 8 mai 1996 « Sécurité et responsabilité sur les marchés financiers ».
D’une manière générale, le risque financier peut être « externalisé » par le jeu du recours à l’assurance ; il peut être titrisé sur un marché ; il peut être couvert par des prises de position sur ce même marché, par la technique des produits dérivés ; le risque financier peut s’acheter, se vendre ou s’échanger : il est possible de swaper un taux d’intérêt variable contre un taux fixe plus rassurant. Cf. A. Couret, « La sécurité financière », in Laurence Boy (sous la dir. de), Sécurité juridique et droit économique, Bruxelles, éditions Larcier, année 2008, page 363.